La première suppression de l'Encyclopédie dans la correspondance de D'Alembert - article ; n°1 ; vol.1, pg 64-70

John Pappas

Description

Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 64-70
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: RECHERCHES_SUR_DIDEROT_ET_SUR_L-ENCYCLOPEDIE
• Publié le: 01 janvier 1986
• Nombre de lectures: 35
• Langue: Français

Extrait

M John Pappas
La première suppression de l'Encyclopédie dans la
correspondance de D'Alembert
In: Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, numéro 1, 1986. pp. 64-70.
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Pappas John. La première suppression de l'Encyclopédie dans la correspondance de D'Alembert. In: Recherches sur Diderot et
sur l'Encyclopédie, numéro 1, 1986. pp. 64-70.
doi : 10.3406/rde.1986.872
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1986_num_1_1_872John PAPPAS
La première suppression
de V Encyclopédie
dans la correspondance
de D' Alembert
genevois et Universitaire La correspondance Gabriel de Cramer, Genève, inédite qui est se de une trouve D 'Alembert source à la précieuse Bibliothèque avec le mathématicien de renseignePublique
ments sur les débuts de l'Encyclopédie. La mort de Cramer en 1752
coïncide avec la première suppression du dictionnaire la même
année, ce qui fixe les limites de cet article aux événements qui ont
préparé cette condamnation. Puisque M. Pierre Speziali prépare
une édition de la correspondance de Gabriel Cramer, nous ne
présenterons pas ces lettres in extenso, mais nous nous bornerons
à citer les passages qui traitent de l'Encyclopédie.
Avant même la publication du Prospectus, D'Alembert avait
écrit à son ami le 16 juin 1748 : « Nous avons déjà beaucoup de
matériaux pour l'Encyclopédie, et des parties considérables toutes
faites, mais on ne commencera guère à imprimer que dans 6 mois,
lorsque tout sera à peu près en état » \ Mais un événement empêcha
les éditeurs de suivre ce calendrier. D'Alembert en fait part à son
ami le 21 septembre 1749 :
M. Diderot, mon intime ami, que vous connoissés de réputation,
s'est avisé de donner au Public une lettre sur les aveugles, ou il y a
d'excellentes choses, sed non erat his locus. Il s'est fait mettre
au Donjon de vincennes, ou il est resté 4 semaines. Cette affaire
m'a obligé de me donner des mouvemens sans nombre & sans fin,
au point que j'ay a peine été durant ce tems là deux ou trois
matinées entières chés moy. Sa détention est aujourdhuy beaucoup
plus douce, il a la liberté de voir ses amis, de travailler, & de se
1. British Library, Add. 23899, f. 5. Publiée dans « Correspondance inédite
de D'Alembert avec Cramer, Lesage, Clairaut, Turgot, Castillon, Béguelin,
etc. », éd. Charles Henry, Bolletino di bibliografia e di storia délie scienze
matematiche e fisiche, sept.-déc. 1885, p. 512.
Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 1, octobre 1986. PREMIÈRE SUPPRESSION DE l' « ENCYCLOPÉDIE » 65 LA
promener dans le château et même dans le Parc, mais il voudroit
pourtant bien être entièrement libre. Le voyage que la cour vient
de faire au Havre, me mettant dans l'impossibilité de solliciter son
élargissement, j'ay pris ce temps pour me réfugier à la campagne,
ou je profite de quelques momens de tranquillité pour vous écrire s.
Avec l'élargissement de Diderot, l'Encyclopédie reprend son
train. Cramer écrit en janvier 1750 : « Je suis charmé que M. Diderot
soit hors d'affaires & que votre Encyclopédie s'avance. J'en verrai
avec plaisir le Prospectus & je souhaiterois fort que la Préface fut
de votre main, qui embellit tout ce qu'elle touche » 3.
Le 5 janvier 1751 D'Alembert fait savoir à Cramer que le
Dictionnaire est sous presse et lui demande de leur obtenir des
souscriptions :
A l'égard de votre ouvrage sur les courbes je persiste toujours dans
l'idée que j'en ay, et je viens d'ajouter à l'article Courbe de l'Ency
clopédie le jugement que j'en porte. J'ai oui dire que l'abbé de Gua
se plaignoit fort de vous. Il me semble qu'il devroit au contraire
vous remercier, mais c'est un homme qui se plaint de tout le
monde, parce que tout le monde a à se plaindre de luy. Il trouve
mauvois que nous n'ayons pas parlé de luy dans le Prospectus de
l'Encyclopédie, et je puis vous assurer que nous l'avons fait par
ménagement. Je ne scay si avés lu ce prospectus, et je voudrois
fort en savoir votre avis très sincèrement. S'il n'est parvenu jusqu'à
vous, vous en pourrés lire l'extrait dans le 2d volume du mercure
de Décembre. [...]
L'Encyclopédie est sous presse, & je crois que vous en serés
content, autant (soit dit cecy entre nous) que l'on peut être content
d'un dictionnaire, je crois du moins qu'il sera fort supérieur à tous
ceux qui ont paru, & que ce sera un ouvrage instructif. Vous
me ferés plaisir d'engager vos amis riches à souscrire. Vous pouvés
leur dire pour les y engager, qu'ils y trouveront un détail immense
sur les arts, que les articles de Grammaire sont de du Marsais,
l'histoire naturelle de Daubenton, &c. et qu'en gênerai tout ce qui
regarde les sciences sera aussi bien traité qu'il peut l'être. Cet
ouvrage pourra tenir lieu d'un grand nombre de Volumes (f. 191-192).
Le Prospectus avait promis dix volumes, ce qui explique cette
dernière phrase de D'Alembert. Dans un compte rendu du numéro
de janvier 1751 des Mémoires de Trévoux, le jésuite Berthier déclara
d'un ton ironique que trente volumes ne seraient pas trop pour un
tel projet (p. 327). Le ton de dénigrement du critique poussa Diderot
à écrire une lettre au P. Berthier en janvier 1751 et une deuxième
le 2 février, où il lui fait savoir qu'il a obtenu la suppression d'un
article critiquant l'Encyclopédie que le jésuite allait insérer dans
2. Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève, Ms. Suppl. 384,
f. 187. La lettre est écrite de Blancmesnil.
3. B.P.U., dossier D'Alembert (non folioté). 66 JOHN PAPPAS
son journal \ J'ai traité toute cette question en détail ailleurs 5 ; il
suffit de dire ici que dans un premier temps cette polémique fit
changer de tactique le P. Berthier, qui se montra plus modéré par
la suite. Cela explique le ton d'assurance de D'Alembert quand il
décrit l'incident à Cramer le 15 février 1751 :
Je travaille à la préface de l'Encyclopédie ; c'est un morceau que je
veux rendre intéressant, s'il est possible. [...] Les journalistes de
trevoux n'ont pas pensé si avantageusement que vous du Prospectus.
Ils ont décrié l'ouvrage avant qu'il paroisse. Diderot vient de leur
repondre par deux lettres, ou le P. Berthier auteur de l'Extrait, est
traité comme il le mérite. Il a joint a ces lettres un article de
l'Encyclopédie, comme pour braver et défier le journaliste. Cet
article est le mot Art ; il a très bien réussi, & je crois que vous
en sériés fort content, s'il parvenoit jusqu'à vous. Nous comptons
donner l'article abeille dans le mercure d'avril (f. 194).
Le mois suivant D'Alembert travaille toujours au Discours
Préliminaire et il dit vouloir profiter des conseils de ses amis, en
ajoutant :
Que je voudrais bien que vous fussiés à portée de me donner les
vôtres. Je ne scay ce qu'on en pensera. Mais je crois pouvoir vous
assurer que je ne puis pas mieux faire, & je doute même que dans
ce genre d'écrit je fasse rien de mieux de ma vie. J'y envisage
l'Encyclopédie sous les deux points de viie que présente son titre :
1°. Encyclopédie ; 2°. dictionnaire raisonné des sciences et des arts.
L'Encyclopédie fournit l'histoire Philosophique & Métaphysique de
la génération des sciences, et le Dictionnaire, l'histoire Philosophique
des progrés de l'esprit, surtout depuis la renoissance des lettres. Je
termine cette préface par les détails de l'exécution de l'Encyclopédie ;
et le prospectus trouve la sa place presque en entier. Si le tems &
les circonstances me permettent de vous envoyer une Epreuve de
toute la préface, afin de recevoir vos avis, j'en profiteray. Car il
n'y en a point dont je fasse plus de cas. Il faut pour juger de
tout cet ouvrage, un homme aussi complet que vous.
Je voudrois que vous eussiés l'article Art & les réponses de
Diderot au P. Berthier. Elles sont bonnes (f. 196-197).
Dans la lettre suivante, datée du 15 juin 1751, D'Alembert
revient au Discours Préliminaire et aux lettres de Diderot au
P. Berthier. On voit qu'il se