La quête de l enfant - article ; n°1 ; vol.51, pg 97-115
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Description

Journal des africanistes - Année 1981 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 97-115
A bstract Begetting children and keeping them alive bring along uncertainty both about the identity of expected babies as well as their desire to stay among mankind and about the genitors' responsibility. Bearing a live child is a woman's only means for acquiring social status. The first pregnacy resembles initiation, and the parturient woman's courage is likened to a warrior's. Hazards such as sterility or successive infantile deaths call for the kanyaleen ritual during which the unfortunate mother is «exiled», has her identity changed and goes through arduous tests. As a slave and ritual buffoon, she tries to draw upon herself the evil that strikes her expected baby. Through this practice and the difficulties related to maternity, women reaffirm their traditional powers.
Résumé La procréation et le maintien en vie des nouveaux -nés, sont choses doublement aléatoires pour les Diola : incertitude quant à l'identité de l'enfant à naître, et à son désir de rester ici-bas, incertitude relative à la responsabilité des engendreurs. La mise au monde d'un enfant vivant est en même temps, pour une femme, le seul moyen d'accéder à un véritable statut social. Ainsi, le premier accouchement présente-t-il tous les caractères d'une véritable initiation, et le courage dont la parturiente doit faire preuve est-il homologué à celui du guerrier. Les accidents de la procréation (stérilité, morts successives d'enfants en bas-âge) donnent lieu à un rituel très particulier : le kanyaleen, marqué par le long exil de la mère malheureuse, son changement d'identité, et la dureté des épreuves qu'elle subit. Tout à la fois esclave et bouffonne rituelle, elle tente de détourner sur elle la malediction qui frappe l'enfant à naître. Le développement actuel de cette pratique témoigne de l'attachement des femmes à réaffirmer, au travers de l'importance et des difficultés de la maternité, le dernier fondement de leurs pouvoirs traditionnels.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Odile Journet
La quête de l'enfant
In: Journal des africanistes. 1981, tome 51 fascicule 1-2. pp. 97-115.
Résumé La procréation et le maintien en vie des nouveaux -nés, sont choses doublement aléatoires pour les Diola : incertitude
quant à l'identité de l'enfant à naître, et à son désir de rester ici-bas, incertitude relative à la responsabilité des engendreurs. La
mise au monde d'un enfant vivant est en même temps, pour une femme, le seul moyen d'accéder à un véritable statut social.
Ainsi, le premier accouchement présente-t-il tous les caractères d'une véritable initiation, et le courage dont la parturiente doit
faire preuve est-il homologué à celui du guerrier. Les accidents de la procréation (stérilité, morts successives d'enfants en bas-
âge) donnent lieu à un rituel très particulier : le kanyaleen, marqué par le long exil de la mère malheureuse, son changement
d'identité, et la dureté des épreuves qu'elle subit. Tout à la fois esclave et bouffonne rituelle, elle tente de détourner sur elle la
malediction qui frappe l'enfant à naître. Le développement actuel de cette pratique témoigne de l'attachement des femmes à
réaffirmer, au travers de l'importance et des difficultés de la maternité, le dernier fondement de leurs pouvoirs traditionnels.
Abstract
A bstract Begetting children and keeping them alive bring along uncertainty both about the identity of expected babies as well as
their desire to stay among mankind and about the genitors' responsibility. Bearing a live child is a woman's only means for
acquiring social status. The first pregnacy resembles initiation, and the parturient woman's courage is likened to a warrior's.
Hazards such as sterility or successive infantile deaths call for the kanyaleen ritual during which the unfortunate mother is
«exiled», has her identity changed and goes through arduous tests. As a slave and ritual buffoon, she tries to draw upon herself
the evil that strikes her expected baby. Through this practice and the difficulties related to maternity, women reaffirm their
traditional powers.
Citer ce document / Cite this document :
Journet Odile. La quête de l'enfant. In: Journal des africanistes. 1981, tome 51 fascicule 1-2. pp. 97-115.
doi : 10.3406/jafr.1981.2020
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1981_num_51_1_2020ODILE JOURNET
LA QUETE DE L'ENFANT
REPRÉSENTATION DE LA MATERNITÉ ET RITUELS DE STÉRILITÉ
DANS LA SOCIÉTÉ DIOLA DE BASSE-CASAMANCE
«Engendrer se cherche» (kabukorunguesse ebaj — Diola Cassa)
La procréation et le maintien en vie des nouveaux -nés, sont choses double
ment aléatoires pour les Diola.
Aux incertitudes relatives à la responsabilité des engendreurs, aux diffi
cultés de l'accouchement, s'ajoutent les interrogations sur l'identité de l'enfant
à naître, ainsi que sur ses capacités et envies de rester ici-bas.
En l'absence de notions telles que celles de destin individuel ou de projet
prénatal, les aléas inhérents à toute activité de conception, d'enfantement
et de maternage, sont ici aménagés par un ensemble particulier de représenta
tions et de pratiques rituelles ou non, qui leur donne un sens.
Ces dernières peuvent présenter un certain nombre de variations selon les
régions, voire les villages Diola. La diversité des institutions et des traditions
qui se révèle sous l'affirmation ethnique actuelle, tient à la fois à l'histoire des
migrations locales et à l'impact variable de plusieurs facteurs : développement
de l'économie marchande, islamisation, pénétration mandingue (à l'est et au
nord de la Basse -Casamance), exode rural des femmes et des filles en parti
culier. Les liens sociaux et idéologiques qui attachaient les paysans à leurs
rizières, ainsi qu'aux cultes et systèmes de représentations orientés vers la
fertilité des terres et la fécondité des femmes, ont été plus ou moins distendus.
Force est néanmoins de constater la recrudescence actuelle, dans tout le pays
Diola, des rituels spécifiques mis en œuvre par les femmes stériles, ou par celles
qui perdent successivement plusieurs enfants en bas âge.
D'où viennent les enfants ?
A partir des informations recueillies dans les régions de l'estuaire de la
Casamance (villages des Bliss -Karones, et des Dyiwat en particulier), les théor
ies Diola sur la conception apparaissent dans leur ligne générale, comme
assez banales en Afrique de l'Ouest. D'après les représentations eschatologiques,
les enfants à naître, les kuhuwa (pluriel de ahuwa), ne sont autres que des
parents défunts, du moins, l'une des composantes de leur personne, qui revient
ici-bas, accomplir un nouveau cycle de vie. Tel cet ancien du village de Nio-
moune, expliquant qu'il en est à sa troisième regénération. Les interprétations 98 O.JOURNET
quant à la nature des kuhuwa, peuvent diverger : pour les uns, il s'agit d'un
élément de l'âme (y al) d'un ancêtre1 . Lorsqu'une personne meurt en ayant
accompli toutes ses obligations sociales et religieuses ici-bas, les principes
spirituels qui la composaient se dissocient. Une partie rejoint définitivement
le monde du usanjol («l'abreuvoir», sorte de «paradis», localisé en Guinée-
Bissau), tandis que l'autre attend de se réincarner.
Selon d'autres informations, l'âme de l'ancêtre ne se divise pas ; même
si Ton trouve au bébé une ressemblance avec tel ancien, on continue de louer
ce dernier dans les chants des ancêtres. Dans cette perspective, est d'abord
appelé à revenir le défunt qui, du fait d'une mort précoce, n'a pas accompli
le cycle complet allant de l'ahuwa à l'adulte puis au vieillard, objet d'une
série de sacrifices funéraires s'achevant par le kasinteen ou kasimeen2, qui
lui consacre son accès au statut d'ancêtre. Il se peut également que l'ahuwa
soit le support du y al de l'ancêtre, que l'on a oublié, dont on ne chante plus
le souvenir. Ce qui rejoint l'idée développée par certains informateurs, qu'au
terme de leur vie dans l'au-delà, les ancêtres y meurent, pour y renaître une
nouvelle fois ici-bas. La dernière possibilité est qu'il s'agisse d'un défunt qui en
raison des fautes, transgressions commises pendant sa vie, s'est transformé
en revenant, — état provisoire au terme duquel il a pu de nouveau se réincarner.
Toujours est-il qu'en attendant de se réincarner, les kuhuwa siègent
dans un monde de pénombre, aquatique le plus souvent, lieu intermédiaire
entre l'espace des vivants et celui des ancêtres. C'est de là, qu'attirés par le
bruit, l'amusement, l'humeur enjouée des femmes et des enfants de tel ou tel
quartier, ils viennent divaguer dans le village, à la recherche d'un ventre hosp
italier... Bruit, pénombre et lumière, éléments médiats facilitant le passage
d'un monde à l'autre, se retrouvent alternativement dans les rituels de nais
sance, comme de funérailles. Le bruit attire les kuhuwa3, comme il guide,
lors des funérailles d'un vieil homme ou d'une vieille femme, le défunt vers
l'au-delà. Fécondation des femmes, périple de l'âme vers le monde des ancêtres,
demandent à être facilités par les danses, chants, rythmes des tambours et
sonnailles, piétinements...
1. L'eschatologie Diola présente, selon les sous-groupes qui composent l'ethnie, de multiples diver
gences. Dans les régions (Bliss-Karones, dialecte «Cassa» / Dyiwat) auxquelles nous nous référons pour
l'instant, le devenir du défunt dépend, comme pour les autres sous-groupes, de son attitude ici-bas :
l'«âme» (yal) de l'homme «bon» (dyadyak) se dissocie en un élément (asanjun) pourvu d'un corps
idéalisé, et qui séjournera définitivement dans le usanjol, et en un autre élément (ahuka) dépourvu de
corps, qui sera appelé à se réincarner. Ou simplement (cas Dyiwat), le yal tout entier, au terme d'un
séjour au usanjol, deviendra ahuwa. Le destin de l'«âme» mauvaise (dyakut) est toujours celui d'une
errance en qualité de «revenant» (aholoa / atâd), état qui mène à l'anéantissement, ou à la réincarnation.
L'«esprit» (buhinum) suit la destinée du yal. , .
Sur les multiples nuanc

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