La religiosité est-elle un des caractères spéciaux du genre humain? - article ; n°1 ; vol.1, pg 105-121
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Description

Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1866 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 105-121
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1866
Nombre de lectures 10
Langue Français

Extrait

Martin De Moussy
La religiosité est-elle un des caractères spéciaux du genre
humain?
In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, II° Série, tome 1, 1866. pp. 105-121.
Citer ce document / Cite this document :
De Moussy Martin. La religiosité est-elle un des caractères spéciaux du genre humain?. In: Bulletins de la Société
d'anthropologie de Paris, II° Série, tome 1, 1866. pp. 105-121.
doi : 10.3406/bmsap.1866.4203
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1866_num_1_1_4203DE MOUSSY. — DE L4. RELIGIOSITÉ. 105 MARTIN
de me citer à plusieurs reprises, je dois supposer que ces
citations sont faites de mémoire et après un laps de temps
considérable depuis ma lecture. Orr si le sténographe le
plus admirable de la pensée d'autrui, que je connaisse, a
pu commettre quelques écarts, bien excusables, à mon
adresse, j'ai d'autant plus de motifs de me méfier de mes
oreilles, et conséquemment je me réserve de répondre à
M. Broca, pour ce qui me concerne, quandj'aurai son texte
sous les yeux. »
La religiosité est-elle un des caractère* spéciaux du genre
humain?
Par M. Martin de Moussy.
« Depuis deux mois la Société s'est occupée principal
ement de ces questions : — Quelles sont les différences
qui séparent l'homme de l'animal, ou en d'autres termes,
l'homme constitue-t-il un règne à part dans la série des
êtres vivants ? — La religiosité est-elle un attribut spécial
de l'hum-mité ? — Plusieurs de nos collègues ont déjà
pris la parole sur ces graves problèmes; j'exposerai à
mon tour mon opinion sur ce sujet.
Comme la matière est vaste et qu'il y a diverses ques
tions subsidiaires qui ont été soulevées, je répondrai seu
lement à quelques-unes des opinions émises, principal
ement par MM. Letourneau, Bertillon et Broca. Je regrette
que plusieurs indispositions successives ne m'aient pas
permis d'assister à toutes les séances où ces questions ont
été agitées. — Parlons d'abord de la religiosité. ' ~
L'un de "nos collègues, M. Bertillon, je crois, nous a dit
qu'il existait des peuples qui n'avaient aucune religion, des
peuples athées, et il nous a cité les nations bouddhistes de
l'Asie, certaines tribus africaines, enfin dans les États - SÉANCE DU 1er FÉVRIER 4866. 106
civilisés modernes, la légion, je répète le mot, de ceux qui
proclament ne professer aucune religion.
Selon MM. Bertillon et Letourneau, le nirvana, c'est-à-
dire le néant, est le fond du bouddhisme. D'abord, tousles
orientalistes ne sont pas d'accord sur cette conclusion
résultant des travaux de M. Barthélemi Saint-Hilaire sur les
idées bouddhistes. Mais cela fùt-il, les ciiiq cents millions
d'êtres humains qui professent le bouddhisme ne le creusent
pas ainsi: ils croient à une cause première, puis à des
dieux secondaires; enfin à une vie future où les bons seront
récompensés et où les méchants seront punis. Ce sont ces
idées qui les ont poussés à couvrir la Chine, le Japon, le
Thibet et l'Inde de monuments religieux, de pagodes, qui
à l'heure présente, sont encore fréquentées par de nom
breux fidèles. On conviendra que, dans ce cas, le soi-disant
athéisme des bouddhistes est assez inconséquent. En outre,
les bouddhistes ont un clergé nombreux, fortement constitué
et généralement respecté. Il nous est donc impossible de
considérer les bouddhistes comme ne possédant pas le sen
timent religieux.
Notre collègue nous a cité quelques peuplades africaines,
celles des* Bechuanas, par exemple, comme n'ayant aucune
idée du surnaturel ni de divinité quelconque. Je ne contre
dirai nullement les récits de Livingston à ce sujet; mais de
ce que quelques tribus grossières, comptant à peine quelques
milliers d'hommes, ne s'élèvent pas à cette idée supérieure,
faut-il en conclure que le sentiment du surnaturel n'existe
pas dans l'humanité, alors que la presque totalité des
nations qui couvrent le globe ont des idées religieuses et un
culte quelconque.
Pour ma part j'affirmerai que, dans l'Amérique du Sud,
chez les tribus sauvages les plus dégradées, comme chez
celles qui sont le plus avancées en civilisation, ridée du
surnaturel existe. Tous les peuples de race Guaranie, et ces DE MOUSSY. — DE LX RELIGIOSITÉ. 407 MARTIN
peuples couvrent un espace aussi grand qne 1 Europe
«entière, croient au Tamoï, au Tupa , au père tout-
puissant; les Péruviens adoraient Pachacamac, ou cause
première dont le soleil était l'emblème; les Àraucans
croient à un bon et mauvais principe, Vita-IIuenetm et
Gualichu ou Huancavu, et n'adorent que le bon, qui doit
les rendre heureux dans l'autre monde. Les Indiens
Pampas, qui sont de race àraueane, l'honorent par des céré
monies particulières. Notre ami, M. Guinnard, qui fut trois
ans leur prisonnier, nous a transmis leur prière de chaque
jour.
« 0 Père, grand homme, roi de cette terre, fais-moi faveur, cher ami,
.1 tous les jours, d'une bcnue noirriture, de bonne eau, d'un bon som-
» meil. Je suis pauvre, moi ! » — (Ceci est h traduction littérale de leur
oraison.)
Indépendamment de ces prières particulières à chacun,
il y a, à deux époques de l'année, des cérémonies publiques
pour honorer Vita-IIuenetru et pour conjurer Gualichu.
Enfin, comme dans toui; le Teste de l'Amérique du Sud, le
pouvoir des sorciers est reconnu et acclamé. Ces sorciers,
. qui exploitent la crédulité des Indiens, croient quelquefois
eux-mêmes à leur propre pouvoir et tombent dans des
convulsions réelles lors de leurs cérémonies.
Nous le répétons, il n'est pas une tribu dans les .deux
Amériques qui n'ait ces idées, idées que nous retrouvons
d'ailleurs chez les peuples tartares et finnois du nord de
l'Asie et de l'Europe, dhez les Lapons, par exemple, qui
sont bien connus. C'est le môme dualisme, plus ou moins
.grossier sans doute, mais toujours persistant et .servi par
«des ministres particuliers, pouvant, par leur propre vo
lonté et quelques préparations particulières, variant sui
vant les peuples, se mettre en rapport.avec le .monde sur-
maturel. Et, à ce sujet, je rectifierai iun passage, reproduit
le. Bullet m de 1864 (séance du 16 juin), dans, lequel SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1866. 108
on me fait dire que j'ai reconnu, contre l'opinion du na
turaliste espagnol Àzara, que plusieurs tribus indiennes
n'avaient aucune religion. C'est tout le contraire que j'ai
affirmé; Azara, qui était de l'école d'Iïolbach, Helvetius, etc.,
a dit qu'il n'avait point vu de culte chez les tribus du
Chaco ni chez les Payaguas ; or il est prouvé aujourd'hui
que tous ces Indiens croient au surnaturel, puisqu'ils ont
les cérémonies et les sorciers dont je viens de parler plus
haut.
Parlerons-nous maintenant de l'antiquité? On nous a cité
un vers fameux attribué à Lucrèce mais qui n'est pas do
lui, car il appartient d'abord à Stace, puis à Pétrone,
Lucrèce n'en ayant exprimé que l'idée dans une assez
longue périphrase :
îîunc qnjje causa Deum per magna nuraina gentes
Pervolgarit et ararum compleverit urbes?
Unde etiam uunc est mortalibus insitus horror,
Qui delubra Deum nova toto suscitât orbe
Terrarum. . . .
Je répondrai d'abord que la moralité de l'auteur du
JSatyricon n'est pour moi qu'une médiocre garantie, que
Stace n'et>t qu'une autorité fort incomplète au point de vue
philosophique, enfin, que quant à Lucrèce, je n'aime pas
m'appuyer sur les citations d'un poëte qui a pu dire aussi :
Suave mari magno turbantibus œquora ventis
E tuto alteiïus magnum spectare laborem.
Ces paroles témoignent d'une assez mince dose de
sensibilité et de philanthropie chez le poëte philosophe, et
rien d'étonnant que plus tard on ait traduit et pratiqué ces
enseignements en allant chercher des émotions de ce genre
à l'amphithéâtre, alors qu'assis sur un bon gradin, bien
défendu des monstres de l'arène par une forte grille et un MARTIN DE MOl'SSY. — DE LA RELIGIOSIT&

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