La sociologie de Georges Gurvitch - article ; n°1 ; vol.7, pg 5-13
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Description

Revue française de sociologie - Année 1966 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 5-13
9 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 42
Langue Français

Extrait

Jean Cazeneuve
La sociologie de Georges Gurvitch
In: Revue française de sociologie. 1966, 7-1. pp. 5-13.
Citer ce document / Cite this document :
Cazeneuve Jean. La sociologie de Georges Gurvitch. In: Revue française de sociologie. 1966, 7-1. pp. 5-13.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1966_num_7_1_2839R. franc. Sociál., VII, 1966, 5-13
La sociologie de Georges Gurvitch
par Jean Cazeneuve
Rechercher les sources d'inspiration d'une pensée originale est une
tâche aventureuse, mais non pas vaine, dans la mesure où l'on se pro
pose de déceler moins les influences subies que les impulsions surmontées,
les affrontements féconds, les successifs encouragements à se dépasser
soi-même. Cependant, faire l'inventaire des divers courants qui ont agi
dans l'élaboration de la sociologie de Georges Gurvitch, c'est s'exposer
à des risques d'erreur particulièrement aggravés, car la culture de ce
polyglotte, de ce lecteur infatigable était d'une ampleur inusitée, et aussi
parce que son tempérament de lutteur, d'opposant irréductible, l'amenait
peut-être à s'enrichir surtout des œuvres auxquelles il se heurtait le
plus. Les hommes et les idées qu'il combattait avec impétuosité étaient
aussi parfois ceux dont il avait mesuré l'importance. Aussi bien, par
exemple, les critiques énoncées par lui contre Durkheim ou contre Karl
Marx sont-elles la preuve de l'admiration qu'il avait pour leur génie.
Et inversement les auteurs qu'il donnait volontiers comme ses maîtres
à penser, tels que Fichte, Saint-Simon, Proudhon, Lucien Lévy-Bruhl ou
Marcel Mauss, il se gardait bien de les suivre en disciple fidèle.
Sa formation première fut celle d'un philosophe, et il en conserva
cette tournure d'esprit qui empêche de trop sacrifier la théorie à la
technique. Par rapport à d'autres sociologues de sa génération, il se dis
tingua dès le début, comme le notait Claude Lévi-Strauss il y a vingt
ans déjà, par son souci de confronter l'expérience sociologique vécue
avec « une position philosophique franchement avouée » qui était dans
la tradition de l'école française au début de notre siècle (1). Ses pre
miers travaux l'avaient conduit à s'intéresser à la philosophie de la
religion orthodoxe dont il retenait volontiers le sens aigu de la com
munauté, puis à l'idée de droit social, aux théories politiques de Jean-
Jacques Rousseau, aux idées sociales de Proudhon et de Hauriou, au
bergsonisme pour lequel il éprouvait de l'attirance tout en se cabrant
contre cette séduction, et à la phénoménologie allemande.
(1) С Lévy-Strauss in : La sociologie au XXe siècle publié sous la direction de
G. Gurvitch, Paris, Presses Universitaires de France, 1947, tome II, p. 541 et p. 545. Revue française de sociologie
Cependant, on comprendrait mal la formation de la pensée de G. Gur-
vitch si l'on se bornait à l'envisager sous son aspect livresque. La
théorie, pour lui, devait se nourrir de la pratique et même de l'action;
mais, pensait- il aussi, la science politique exige d'autres qualités que la
carrière d'homme politique et l'on ne peut guère exceller dans l'une et
l'autre à la fois. C'était une leçon que, disait-il volontiers, il avait apprise
dès sa jeunesse en essayant de faire triompher ses vues, notamment en
faveur de l'autogestion ouvrière, pendant la grande révolution russe.
Cet engagement qui avait, en le contraignant à l'exil, fortement marqué
toute son existence, explique sans doute en grande partie, comme il le
reconnaissait lui-même, sa tendance à se montrer, dans l'étude des
sociétés, plus attentif à ce qui change qu'à ce qui demeure, aux tensions
plutôt qu'aux équilibres harmonieux, aux forces de mutation davantage
qu'aux puissances de conservation. Au moment où la mort l'a saisi, il
se préparait à se rendre en U.R.S.S. pour y préparer une sociologie de
la révolution qui devait être le couronnement de son œuvre.
Refusant au nom d'une méthodologie profondément rationaliste de
suivre Bergson sur les chemins de la connaissance supra-intellectuelle, il
devait consacrer tous ses efforts à une tâche des plus difficiles, en se
donnant pour but d'étreindre ce qui est mouvant, de rendre com
préhensible une réalité qu'il ne voulait jamais fermer sur elle-même, et
de décrire ou classer les cadres d'une société dont la véritable vocation,
selon lui, était de briser tous les cadres possibles. D'où sa recherche déli
cate et très personnelle d'une notion de structure sociale qui pût lui per
mettre de trouver l'essence de la société dans les processus de déstructu
ration et de restructuration, c'est-à-dire non pas dans les structures au
sens usuel du terme, mais dans leur perpétuelle mise en question. Là se
trouvait le talon d'Achille de sa sociologie générale, comme il devait s'en
rendre compte en enregistrant les vives réactions de ses contradicteurs
les plus importants. Aussi bien fut-il amené à revenir à plusieurs reprises
sur ce point dans divers articles et dans la troisième édition, revue et
augmentée, de son livre La vocation actuelle de la sociologie (1963). Il
importait pour lui que la notion de structure sociale, ayant pour mission
de permettre une approche explicative et une certaine systématisation
indispensables à l'édification d'une sociologie se présentant comme science,
ne pût être prise comme une sorte de clef ouvrant aux mathématiques
la porte de la réalité sociale. C'est ce qui le conduisit, d'une manière que
certains pouvaient juger paradoxale, à réserver l'accès de ces méthodes
d'analyse aux phénomènes qu'il jugeait rebelles à sa propre conception
de la structure, et notamment les formes de la sociabilité, les relations
interpersonnelles, autrement dit, en gros, le domaine de la psychologie
sociale et de la microsociologie. Pour la même raison, il lui fallait
distinguer vigoureusement la structure de l'organisation, de la fonction
et du modèle. Mais il était alors contraint de réagir contre la tentation
inverse qui eût été d'identifier la structure avec la totalité du phénomène
social et ne lui eût alors laissé aucune réalité, ni surtout aucune portée
méthodologique. C'est même ce décalage entre structure et
total qui fit l'objet de la rectification la plus souvent reprise, implicite- La sociologie de Georges Gurvitch
ment ou explicitement, dans l'ultime mise au point de la troisième édition
que nous avons citée. Georges Gurvitch éprouvait alors le besoin de
prendre de plus en plus ses distances à l'égard d'une interprétation de
sa théorie qui, en distinguant la sociologie statique de la sociologie dyna
mique, risquait en somme de couper en deux le champ dans lequel
s'étaient exercés ses efforts d'analyse. Il fallait donc que le concept de
structure fût à la fois l'instrument de sa rationalisation et le fer de
lance de sa dialectisation. « Equilibre précaire et sans cesse à refaire...
entre une multiplicité de hiérarchies au sein d'un phénomène social total
de caractère macrosociologique », la structure sociale devenait alors un
« intermédiaire » entre le phénomène social total et ses expressions dans
les réglementations, ne se confondant ni avec le premier ni avec les
secondes. Il se situait entre les actes et les œuvres collectifs, entre les
manières d'être des groupes, des classes, des sociétés globales et la repré
sentation qu'ils ont d'eux-mêmes. A la fois réalité et concept, la structure
était dialectique, ou plus précisément elle servait à porter témoignage
du caractère dialectique de la société et de la sociologie. On voit quelles
difficultés ce concept ainsi défini était chargé de résoudre, et l'on peut
penser que, s'il eût vécu plus longtemps, Georges Gurvitch aurait été
amené à revenir sur ce problème qui le préoccupait à juste titre et qui
n'était certes pas une simple affaire de vocabulaire. Là se trouvait non
seulement la source de ses principaux conflits avec d'autres sociologues,
mais aussi le cœur même des difficulté

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