La structure du pouvoir chez les Hadjeraï (Tchad) - article ; n°3 ; vol.4, pg 18-70
56 pages
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Description

L'Homme - Année 1964 - Volume 4 - Numéro 3 - Pages 18-70
53 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

Jean Pouillon
La structure du pouvoir chez les Hadjeraï (Tchad)
In: L'Homme, 1964, tome 4 n°3. pp. 18-70.
Citer ce document / Cite this document :
Pouillon Jean. La structure du pouvoir chez les Hadjeraï (Tchad). In: L'Homme, 1964, tome 4 n°3. pp. 18-70.
doi : 10.3406/hom.1964.366666
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1964_num_4_3_366666Al
LA STRUCTURE DU POUVOIR CHEZ LES HADJERAI (TCHAD)
par
JEAN POUILLON
GÉNÉRALITÉS
Hadjeraï, « montagnards », est le nom général donné par les Arabes aux divers
groupes qui vivent dans ce qu'on peut appeler le Massif central de la République
du Tchad (cf. carte i). Le relief est très variable — il va de l'éboulis rocheux ou
de la colline dominant à peine l'environnement, au massif important comme
celui du Guéra qui atteint i 700 mètres — et extrêmement dispersé : il s'agit,
en réalité, d'une vaste plaine sur laquelle se détachent, souvent à bonne distance
les uns des autres, collines, pitons ou monts relativement élevés. Les habitants
méritent cependant leur nom de « montagnards » : les villages sont accrochés au
flanc ou, le plus souvent, établis au pied d'une hauteur, que, traditionnellement,
les champs entouraient au plus près. Naguère d'ailleurs tous les villages hadjeraï
se trouvaient en montagne et celle-ci était cultivée dans toute la mesure où le
terrain s'y prêtait. C'est sous la pression de l'administration et aussi pour se
rapprocher des champs que la sécurité permettait d'étendre dans la plaine, qu'un
certain nombre de villageois se sont installés plus bas1.
Cette étroite liaison du village et de la montagne — que manifeste fréquem
ment leur désignation commune par un même nom propre : le village de Korbo,
par exemple, se trouve au pied de la montagne du même nom — s'explique
par des raisons historiques. Les groupes hadjeraï, entre lesquels aucune unité
politique ne semble avoir existé et auxquels on ne saurait assigner une origine
commune, se sont constitués à une époque assez récente2 en marge des grands
1. Les matériaux, dont cet article ébauche l'analyse, ont été recueillis au cours de deux
missions entreprises grâce à l'aide de l'École Pratique des Hautes Études (VIe Section,
Division des Aires culturelles) de juillet à octobre 1958 et de février à mai 1963.
2. Quatre siècles au plus, selon Mme J. F. Vincent, « Les Margaï du pays Hadjeraï.
Contribution à l'étude des pratiques religieuses », Bulletin de l'Institut de recherches scienti
fiques au Congo, vol. 1, 1962. LE POUVOIR CHEZ LES HADJERAÏ
Carte i.
(En grisé, la région étudiée.)
royaumes voisins, et sans doute pour échapper à leur emprise : refoulées1 ou
réfugiées, ces populations ont trouvé dans les montagnes une protection contre
les incursions des cavaliers musulmans. Cette immigration2 se fit de façon pro
gressive et clairsemée ; elle s'accompagna probablement aussi bien de fractio
nnements de groupes unitaires que de mélanges de groupes différents, au cours
des étapes successives qui conduisirent chacun d'eux jusqu'à son habitat actuel.
L'attachement, toujours fortement marqué, des villageois à leur « montagne »
possède également une valeur religieuse, d'abord pour ce motif très courant et
1. C'est précisément sous le titre général de « populations refoulées » que Mme A. M.-D. Le-
beuf range, parmi d'autres, les groupes étudiés ici. Les populations du Tchad (nord du
10e parallèle) , Paris, 1959.
2. La région était certainement déjà habitée, ou l'avait été. On trouve en effet presque
partout les traces d'anciens habitats abandonnés depuis longtemps et des outils (mortiers,
haches de pierre) dont les villageois actuels ignorent l'origine. JEAN POUILLON 20
extrinsèque qu'elle abrite leurs lieux de culte, mais aussi et surtout pour une raison
plus particulière et intrinsèque qui tient à la nature de leurs croyances. Cette
observation, qu'on peut faire dans tout le pays hadjeraï, suggère que le morcel
lement et la diversité (linguistique notamment) du peuplement n'empêchent pas
une certaine unité culturelle qui se manifeste en effet dans la religion — croyance
aux Margaï — , dans le mode de vie — cultivateurs de mil et d'arachide, assez
souvent éleveurs de bovins1, habitants de villages autonomes parfois très import
ants2 — et dans l'organisation politique et sociale. La présente étude porte sur
quatre groupes localisés dans le nord de la région considérée (cf. carte 2) : les
Diongor du massif du Guéra, les Diongor du massif de l'Abou Telfan, les Kenga
et les Dangaleat*.
Diongor serait un terme arabisé d'origine waddaienne qui signifierait « païen » ;
il est appliqué à deux groupes qui se désignent eux-mêmes autrement (Gergagi,
« les gens du Guéra », pour les Diongor Guéra, et Megami pour les Diongor Abou
Telfan), qui récusent toute parenté entre eux et s'attribuent d'ailleurs des origines
différentes, qui enfin parlent deux langues distinctes. Au contraire, Kenga et
Dangaleat s'appellent eux-mêmes ainsi. Le premier de ces deux noms est un mot
de la langue vernaculaire. Selon certains4, le second aurait la même origine et
la même signification que Diongor ; l'histoire de la fondation de Korbo, principal
village dangaleat, donne cependant de cette appellation une autre explication
(cf. p. 62). Ces quatre groupes parlent tous des langues distinctes, entre lesquelles
les linguistes verraient peut-être des rapports, mais dont les différences sont
assez grandes pour obliger les intéressés à utiliser l'arabe tchadien comme langue
véhiculaire.
Chacun de ces groupes compte plusieurs villages que l'administration coloniale
a regroupés en cantons « ethniques », jusqu'à présent maintenus par la République
du Tchad, mais qui, dans le passé, étaient indépendants, même si quelques-uns
d'entre eux jouissaient vis-à-vis des autres d'un certain prestige religieux et
politique. Le sentiment d'unité qui pourtant existe dans un groupe et permet
à un villageois d'Abtuyur, par exemple, de s'affirmer Kenga et d'être plus proche
d'un habitant de Sara (autre village Kenga) que d'un habitant de Korbo (Dang
aleat) ou de Mokulu (Diongor Guéra), tient à l'intercompréhension linguistique
1 . Bovins qu'ils confient souvent à la garde d'Arabes vivant dans des villages voisins des
leurs. C'est notamment le cas à Korbo.
2. Korbo, par exemple, compte environ 3 000 habitants.
3. Cette étude porte sur l'organisation de ces groupes avant la colonisation. Elle est
rédigée au présent, mais, dans bien des cas, c'est du passé qu'il s'agit.
Le recensement donne approximativement : 12 000 Diongor Abou Telfan, 8 000 Diongor
Guéra, 20 000 Kenga, 15 000 Dangaleat. Les villages étudiés sont ceux de Korbo et Korlongo
en pays Dangaleat, d'Abtuyur et de Sara en pays Kenga, de Mokulu chez les Diongor Guéra,
de Duram chez les Diongor Abou Telfan.
4. Cf. A. M.-D. Lebeuf, op. cit. — Cette interprétation est également celle qu'a bien
voulu me donner J. Tubiana. LE POUVOIR CHEZ LES HADJERAÏ 21
au sein du groupe considéré, aux liens familiaux qui existent assez souvent entre
les villages de ce groupe, enfin au type d'organisation politico-sociale qui y prévaut
et qui, tout en ressemblant à ceux des groupes voisins, en diffère cependant sous
plusieurs rapports, dont précisément le présent article voudrait montrer le
caractère significatif.
Les uns et les autres sont patrilinéaires et, en principe, patrilocaux. Dans la
plupart des cas, le sens généalogique est remarquablement peu développé — un
homme ne connaît pas toujours le nom de son grand-père paternel et ignore
assez souvent celui du père de sa mère, surtout si celui-ci est d'un autre village — ,
mais cette carence est, si l'on peut dire, compensée par la patrilocalité : deux
individus se savent « frères », c'est-à-dire descendants d'un même ancêtre en ligne
paternelle, non parce qu'ils pourraient reconstruire leur arbre généalogique, mais
parce que leurs cases sont voisines et qu'ils mangent ensemble sur la même
place autour de laquelle s'ordonnent les enclos familiaux, comme faisaient leurs
p&#

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