La transmission. Le sida et ses savoirs - article ; n°150 ; vol.39, pg 59-83
26 pages
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Description

L'Homme - Année 1999 - Volume 39 - Numéro 150 - Pages 59-83
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Laurent Vidal
La transmission. Le sida et ses savoirs
In: L'Homme, 1999, tome 39 n°150. pp. 59-83.
Citer ce document / Cite this document :
Vidal Laurent. La transmission. Le sida et ses savoirs. In: L'Homme, 1999, tome 39 n°150. pp. 59-83.
doi : 10.3406/hom.1999.453567
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_150_45356753
La transmission
Le sida et ses savoirs
Laurent Vidal
L. E SIDA pose à la communauté scientifique une question dont l'original
ité tient au caractère apparemment inconciliable des positions qu'elle des
sine : s'agit-il d'une maladie transmissible ou contagieuse et quelles sont
les conséquences de l'une ou l'autre définition sur la perception sociale du
malade et de la maladie ? Alors que, dans une optique de santé publique,
il sera évoqué comme une affection transmissible, pour éviter les amal
games porteurs de défiance et de stigmatisation avec les maladies conta
gieuses «classiques» (tuberculose, lèpre... [Héritier 1995]) \ d'un strict
point de vue médical le VIH apparaîtra, littéralement, contagieux puis
qu'il se transmet par contact de liquides corporels infectés avec des
muqueuses (Fabre 1993). Une telle discussion révèle une double particul
arité. En premier lieu, inscrivant et figeant les argumentations suivant une
perspective de santé publique par opposition à une perspective médicale,
elle rappelle l'existence de possibles points de divergence entre les savoirs
de santé publique et les savoirs médicaux2. Second point sur lequel il
importe d'insister : bien que banal dans le cas du sida3, un tel écart revêt
1. Gérard Fabre (1993 : 26) répond indirectement à cette crainte en remarquant que le fait de rendre
« illégitime » le terme de contagion pour parler du sida n'empêchera pas l'opinion de « continuer à per
cevoir l'infection par le VIH sous le prisme contagioniste ». Dilemme d'un discours qui pour être trans- ^*
mis n'en est pas pour autant entendu : nous en relèverons une nouvelle illustration dans l'interprétation ^2
des discours préventifs. ^i
2. L'hiatus entre l'objectif de protection des intérêts de l'individu malade que s'assigne le médecin et la IO
défense du bien-être collectif, fondement de la démarche de santé publique, traverse l'histoire de celle-ci "U
(Fassin 1996). <^J
3. Les dilemmes posés par l'annonce de la séropositivité et l'information de l'entourage du malade g^,.
reprennent et confirment la permanence de ces contradictions — internes à l'exercice du travail de méde- ^J
ein - qui peuvent opposer pratiques médicales et démarches de santé publique. Q
Je tiens à remercier Monique Chevallier-Schwartz (anthropologue, Orstom-CNRS), ^
Karine Delaunay (historienne, ANRS-Orstom) et Philippe Msellati, (épidémiologiste, Orstom) pour \~m
leur lecture attentive d'une première version de ce texte et leurs précieuses suggestions. SUJ
L'HOMME 150/1999, pp. 59 à 84 ici une dimension particulière dans la mesure où il se fonde sur une
absence de réflexion sur le contenu et les enjeux de la notion initiale de
« mode de transmission du VIH ».
L'anthropologie et l'histoire des sciences — puisque c'est essentiellement
au sein de ces disciplines que s'est engagée la discussion sur la notion de
contagion appliquée au sida — font ici œuvre paradoxale : alors que nous
sommes en présence d'une affection qui impose des échanges interdisci
plinaires et que l'anthropologie, en particulier, évalue la pertinence de ses
méthodes confrontées à l'objet de recherche constitué par le sida, les argu
mentations et catégorisations médicales ont rarement été interrogées par
les sciences sociales, tant dans leurs acquis et leurs incertitudes qu'au
regard des représentations profanes qui leur font écho4. Situation fort
ement paradoxale, en effet, car dans les termes de l'échange voulu ou
imposé entre sciences sociales et médicales, le questionnement des termes
eux-mêmes représente, pourrait-on dire, le point aveugle de cette ren
contre. Or, penser les catégories utilisées ne peut se réduire — s'agissant du
sida — à un simple exercice intellectuel de clarification du contenu d'un
langage partagé par des scientifiques d'horizons divers : la circulation de
l'information sur le sida et les constructions individuelles et collectives des
réponses à la maladie posent de façon récurrente cette question du sens du
discours médical. Il n'est d'attitudes et de discours — de malades, de so
ignants ou de personnes dans une proximité moindre avec la maladie — qui
ne renvoient au contenu des informations médicales relatives à la préven
tion de l'affection (modes de transmission, risque effectif, dépistage) ou à
sa prise en charge (traitements, accompagnement du patient).
Dans le cadre d'une réflexion plus générale sur les oppositions admises
entre « séropositivité » et « maladie », ou « maladie chronique » et « malad
ie aiguë », j'ai tenté de montrer que le savoir scientifique sur l'infection à
VIH et l'expérience de la maladie développée par les personnes atteintes
obligent à contester la validité de ces distinctions 5. Les modalités d'an
nonce de la séropositivité et du suivi médical de l'affection m'ont amené à
suggérer l'existence d'un savoir syncrétique, élaboré à partir d'un ensemble
de pratiques et de connaissances, médicales et profanes6, sur le sida. En
4. Mentionnons toutefois le remarquable travail effectué par Michel Barthélémy (1994) qui, au travers
d'une lecture approfondie de textes médicaux et administratifs, analyse le processus de catégorisation à
l'œuvre les premières années de l'épidémie, aux États-Unis (avec la désignation des homosexuels et des
Haïtiens) et en France (autour de la « victimisation » des hémophiles).
5. Développée dans un ouvrage récent (Vidal 1996 : 180-199), cette réflexion s'inscrit dans le cadre de
recherches menées de 1990 à 1994 à Abidjan (Côte-d'Ivoire) sur les réponses sociales au sida, principa
lement appréhendées à partir de l'expérience des malades.
6. À ce stade de ma réflexion, avant de préciser la nature des savoirs « médicaux » et « profanes », je ren
voie à travers ces termes à un corpus de connaissances produites par la communauté scientifique (les
« savoirs médicaux ») par opposition à celles extérieures à ce milieu (les « savoirs profanes »).
Laurent Vidal cours d'élaboration, ce syncrétisme se caractérise par une forte tendance au
nivellement des savoirs partagés par les différents acteurs de la maladie : le
médecin tend à utiliser un langage empruntant aux referents culturels pré- " '
supposés de son patient pour lui annoncer sa séropositivité (et parle ainsi
de « sang mauvais » ou « sang sale »7) et ce dernier, dans sa quête de soins,
décrit des processus de cumuls de thérapeutiques et souligne l'importance
d'un accompagnement familial. De même que ce phénomène de soins
n'est pas sans rappeler les initiatives médicales les plus avancées en matière
de traitement (celle consistant à associer des médicaments antirétrovi-
raux), de même le choix d'un accompagnement du malade par son entou
rage familial évoque l'option médicale visant à privilégier les soins à
domicile et « ambulatoires ». Nous avons là des correspondances et des
convergences qui, appliquées à la sphère de la prise en charge de la malad
ie, vont également se retrouver dans diverses connaissances et pratiques
relatives aux modes de transmission du VIH et, partant, de la prévention
de l'infection. Systématiser quelque peu la recherche de telles expressions
d'un savoir syncrétique oblige à souligner les insuffisances et incertitudes
qui traversent les savoirs médicaux et profanes sur le sida. Exercice qui doit
porter non seulement sur le contenu de ces savoirs mais aussi, et de façon
essentielle, sur leurs modalités de transmission, d'interprétation et de réap
propriation. De la sorte, pourront émerger des points de rencontre entre
savoirs, et il s'agira de comprendre dans quelle mesure ils sont le fruit de

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