La variation phonétique : un point de vue cognitif - article ; n°1 ; vol.70, pg 5-33
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Description

Langage et société - Année 1994 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 5-33
Au cours des dernières décennies, plusieurs courants sociolinguistiques ont décrit les régularités qui structurent la variation phonétique. Malgré l'abondance des travaux, il reste à comprendre comment les savoirs sociaux sur la variation interagissent avec les mécanismes cognitifs (automatismes impliqués dans l'exécution articulatoire, capacité de contrôle sur la sélection des variantes, etc.) pour aboutir à l'émergence des patrons réguliers constatés dans les enquêtes. Nous abordons cette question en réexaminant les données sociolinguistiques à la lumière de résultats issus de la psycholinguistique. Nous suggérons que l'emprunt des résultats et des méthodes de cette discipline est inévitable si l'on veut aborder certaines questions qui restent sans réponse dans un cadre strictement sociolinguistique.
Over the past decades, several currents of sociolinguistics have described the regularities structuring the phenomena of phonetic variation. Despite the abundance of works on the subject, it remains to be understood how social knowledge on variation interacts with the cognitive mechanisms (reflexes implied in articulation, ability to control the choice of variants, etc.) to end up with the regular patterns observed in surveys. The question is approached by re-examining the sociolinguistic data in the light of psycholinguistic data. We suggest that borrowing the results and the methods of the latter discipline is inevitable if one wants to tackle certain questions that remain unanswered from a strictly sociolinguistic point of view.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Pierre Chevrot
La variation phonétique : un point de vue cognitif
In: Langage et société, n°70, 1994. pp. 5-33.
Résumé
Au cours des dernières décennies, plusieurs courants sociolinguistiques ont décrit les régularités qui structurent la variation
phonétique. Malgré l'abondance des travaux, il reste à comprendre comment les savoirs sociaux sur la variation interagissent
avec les mécanismes cognitifs (automatismes impliqués dans l'exécution articulatoire, capacité de contrôle sur la sélection des
variantes, etc.) pour aboutir à l'émergence des patrons réguliers constatés dans les enquêtes. Nous abordons cette question en
réexaminant les données sociolinguistiques à la lumière de résultats issus de la psycholinguistique. Nous suggérons que
l'emprunt des résultats et des méthodes de cette discipline est inévitable si l'on veut aborder certaines questions qui restent sans
réponse dans un cadre strictement sociolinguistique.
Abstract
Over the past decades, several currents of sociolinguistics have described the regularities structuring the phenomena of phonetic
variation. Despite the abundance of works on the subject, it remains to be understood how social knowledge on variation
interacts with the cognitive mechanisms (reflexes implied in articulation, ability to control the choice of variants, etc.) to end up
with the regular patterns observed in surveys. The question is approached by re-examining the sociolinguistic data in the light of
psycholinguistic data. We suggest that borrowing the results and the methods of the latter discipline is inevitable if one wants to
tackle certain questions that remain unanswered from a strictly sociolinguistic point of view.
Citer ce document / Cite this document :
Chevrot Jean-Pierre. La variation phonétique : un point de vue cognitif. In: Langage et société, n°70, 1994. pp. 5-33.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1994_num_70_1_2675VARIATION PHONETIQUE : LA
UN POINT DE VUE COGNITIF
Jean-Pierre CHEVROT
Laboratoire de Linguistique et Didactique des Langues Etrangères et Maternelles,
Equipe Communication, Variation et Ecriture, Grenoble 3.
L'étude des variations du niveau phonétique a profondément
influencé le champ de la sociolinguistique, et plus particulièrement
le courant variationniste, avec lequel notre approche entretient
certains liens de filiation. Les résultats des variationnistes ont été
abondamment commentés dans leurs aspects linguistiques et dans
leurs conséquences sociologiques. En revanche, on s'est peu inter
rogé au sujet de leurs implications sur le fonctionnement cognitif
des locuteurs. La réflexion proposée ici voudrait aborder cette
exploration en répondant à une question que l'on peut formuler
très simplement : quelles sont les connaissances - savoirs ou savoir
faire - qui permettent la variation phonétique et la gestion de ses
aspects les plus réguliers par les locuteurs ?
Nous proposerons une réponse en parcourant successivement
les quatre types de connaissances vraisemblablement impliqués
dans la variation phonétique : l'encodage de la potentialité de
variation, les automatismes de planification et d'exécution de la
parole, les savoirs sociaux sur l'acceptabilité des variantes, la
capacité du locuteur à contrôler la sélection des variantes dans le
fil de ses énoncés. Parce que le thème du contrôle des variations
© Langage et société n° 70 - décembre 1994 JEAN-PIERRE CHEVROT 6
rencontre largement la problématique sociolinguistique, il fera
l'objet d'approfondissements particuliers1.
Bien que ce point de vue cognitif prenne appui sur les principaux
résultats de la sociolinguistique, il nous conduira sur le terrain de la
psycholinguistique, généralement peu fréquenté par les linguistes
qui s'occupent de variation. Notre objectif n'est pas de préconiser
une approche exclusivement psycholinguistique des faits de varia
tion, mais de suggérer que l'emprunt des résultats et des méthodes
de cette discipline est inévitable si l'on veut aborder de front
certaines questions qui restent sans réponse à l'intérieur d'un cadre
strictement sociolinguistique. En guise d'illustration, nous montrer
ons, lors de notre conclusion, comment la prise en considération
des connaissances impliquées dans le fonctionnement de la varia
tion permet d'approfondir deux problèmes décelés par les études
sociolinguistiques : l'influence de l'orthographe sur la prononcia
tion et la question épineuse du déterminisme sociologique des
usages linguistiques.
I. L'ENCODAGE DE LA VARIABILITE
On admet actuellement que la parole est caractérisée par une varia
bilité affectant la plupart de ses paramètres (Lindblom 1987, Rossi
1989). Parmi ces fluctuations, certaines affectent la forme du maté
riau phonique, et non seulement sa substance 2. Les usagers de la
langue distinguent alors plusieurs variantes renvoyant au même
phonème. Si l'on s'en tient à cette catégorie de variations, on peut
supposer que les locuteurs ont intériorisé une information spéci
fiant les unités susceptibles de varier et leurs possibilités de réalisa
tion. Une double question se pose alors : quelle est la localisation de
cette information et quel est son contenu exact ?
1. Les réflexions et certains des résultats présentés dans cet article sont issus d'une thèse
(Cheviot 1991) dirigée par Vincent Lucci. Je le remercie, ainsi qu'Agnès Millet, pour
leur aide et leurs relectures.
2. Cette déformation de la forme d'une unité est d'ailleurs une caractéristique qui dé
finit également les lapsus (Rossi 1994). LA VARIATION PHONETIQUE : UN POINT DE VUE COGNITIF 7
1.1. La localisation de l'encodage
A notre connaissance, les psycholinguistes ne se sont jamais pen
chés sur l'encodage des unités phonologiques variables. En
revanche, les théories phonologiques d'origine anglo-saxonne ont
amené deux réponses successives à la question de la localisation.
Les modèles inspirés de Chomsky et Halle (1968) posent que la
variabilité résulte généralement de la transformation de représent
ations lexicales en représentations phonétiques, par l'application
d'une série de règles facultatives précisant les contextes où un
segment phonique peut se réaliser selon plusieurs variantes. Ce
point de vue caractérise les règles optionnelles des générativistes et
les règles variables de la sociolinguistique variationniste (Cedergren
etSankoffl974).
En abandonnant le cadre théorique de Chomsky et Halle, les
théories phonologiques de la dernière décennie ont délaissé la
notion de règle pour formaliser plus précisément les représentations
lexicales. Celles-ci sont composées de plusieurs plans porteurs
d'unités spécifiant tel ou tel aspect du savoir lexical : constitution
en traits des segments phoniques épelant un mot, structure sylla-
bique, etc. Les unités stables sont associées dès le niveau lexical avec
une ligne centrale, alors que les unités variables sont "flottantes".
L'actualisation des représentations lexicales s'effectue par une modif
ication de la configuration des associations, régie par des principes
universels et des paramètres spécifiques à une langue. A l'issue de
ces modifications, les unités qui restent non associées ne sont pas
réalisées. La potentialité de variation n'est donc plus située dans
l'application optionnelle de règles facultatives, mais elle est inscrite
dans le savoir lexical (Encrevé 1988).
Du point de vue de la plausibilité psychologique, les théories qui
postulent un encodage lexical de la variabilité résolvent un problème
classique sur lequel butaient les phonologies par règles. En effet, il
est paradoxal d'ajouter une règle - par exemple, une règle d'effac
ement - pour rendre compte des variantes les plus fréquentes dans
les situations les moins formelles et dans les débits les plus rapides,
alors qu'elles s'accompagnent généralement d'une diminution du
coût articulatoire et d'un relâchement de l'attention. Les phonolo- JEAN-PIERRE CHEVROT 8
gies "sans règles" permettent de dépasser ce paradoxe, puisqu'elles
ont la capacité de représenter la modification ou l'absence d'un
segment par l'absence d'une opération d'association. <

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