La violence vue d'en bas. Réflexions sur les moyens de la politique en période révolutionnaire - article ; n°1 ; vol.44, pg 47-65

Daniel Roche

Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1989 - Volume 44 - Numéro 1 - Pages 47-65
Violence as seen from Below: Reflections on Political Means during Revolutionary Periods.
The celebration of the bicentenial of the French Revolution provides an oppurtunity to consider the central question of violence. Up until recently, historians have explained it either by the necessity of political response or by fear, a mobilizing phenomenon of collective psychology. The purpose of this article is to try to understand the archaic nature of the facts and to read the phenomenon as such. Jacques-Louis Menetra and Louis Simon, in Paris and in the West, indicate the ways in wich violence was subscribed to or refused; their work suggests the possibility of a three-fold explanation whereby terrorism would be the legacy of the Christian spectacle of death whose fascination is related to the part maudite, and wherein important factors would be victimary (sacrificial) anthropology and the mimetic crisis, and a shift from avowal to disavowal of violence when the latter no longer demonstrates anything.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: ANNALES_ECONOMIES_SOCIETES_CIVILISATIONS
• Publié le: 01 janvier 1989
• Nombre de lectures: 0
• Langue: Français
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Extrait

Daniel Roche
La violence vue d'en bas. Réflexions sur les moyens de la
politique en période révolutionnaire
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 44e année, N. 1, 1989. pp. 47-65.
Abstract
Violence as seen from Below: Reflections on Political Means during Revolutionary Periods.
The celebration of the bicentenial of the French Revolution provides an oppurtunity to consider the central question of violence.
Up until recently, historians have explained it either by the necessity of political response or by fear, a mobilizing phenomenon of
collective psychology. The purpose of this article is to try to understand the archaic nature of the facts and to read the
phenomenon as such. Jacques-Louis Menetra and Louis Simon, in Paris and in the West, indicate the ways in wich violence was
subscribed to or refused; their work suggests the possibility of a three-fold explanation whereby terrorism would be the legacy of
the Christian spectacle of death whose fascination is related to the "part maudite", and wherein important factors would be
"victimary" (sacrificial) anthropology and the mimetic crisis, and a shift from avowal to disavowal of violence when the latter no
longer demonstrates anything.
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Roche Daniel. La violence vue d'en bas. Réflexions sur les moyens de la politique en période révolutionnaire. In: Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations. 44e année, N. 1, 1989. pp. 47-65.
doi : 10.3406/ahess.1989.283576
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1989_num_44_1_283576LA VIOLENCE VUE EN BAS
FLEXIONS SUR LES MOYENS DE LA POLITIQUE
EN RIODE VOLUTIONNAIRE
DANIEL ROCHE
Réfléchir sur le problème de la violence pendant la Révolution fran aise
devient une nécessité On ne peut échapper face au développement actuel en
France mais les échos en parviennent étranger une polémique de remise
en cause de la politique révolutionnaire et des interprétations ici admises
de historiographie Au nom une condamnation de la violence et de ses
enchaînements court terme la Terreur le fanatisme jacobin les massacres la
guillotine le génocide vendéen comme de ses conséquences supposées
plus long terme nous sommes invités accepter la logique implacable qui
conduit de la Déclaration des droits de homme aux lois de Prairial et au
goulag voire ensemble des massacres collectifs de la seconde moitié du
xxe siècle1 Dans un débat qui est piégé avance il nous attire tous dans
une vision de la Révolution prise en bloc de sorte que comme écrit juste
ment Mona Ozouf il plus au mépris de toute analyse la prendre ou
la rejeter en entier il est cependant important intervenir pour deux raisons
principales abord comme citoyen et comme intellectuel car on peut rester
fidèle la Révolution voire aux révolutions sans admettre les massacres et
éloge des massacreurs et sans condamner tous ceux qui se sont efforcés par
leur réflexion de nous aider mieux comprendre les excès de la violence des
foules et les mécanismes des enchaînements terroristes qui correspondent des
traditions morales et politiques différentes des nôtres2 Si la Révolution fran
aise est pas terminée comme le prouvent les échanges polémiques dans la
presse on ne peut pas ne pas vivre avec et on ne peut pas changer de passé
comme on change de vêtement
Il importe intervenir aussi comme historien car il est nécessaire dans
notre discipline principalement être conscient des enjeux impliqués par
usage du recours la violence dans les explications discutées et dans les inter
prétations retenues de la Révolution Ici comme ailleurs on ne doit pas dire
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Annales ESC janvier-février 1989 n0 pp 47-65 LA VOLUTION FRAN AISE
importe quoi La question de la violence et de la Terreur montre bien dans
événement et surtout en 1792-1794 imbrication de la justification et de la
pratique le lien entre la réalité et imaginaire les débats et les hésitations sur
les objectifs et les limites du terrorisme révolutionnaire La discussion est néces
saire tant sur homogénéité du phénomène que unité permet de comprendre
que sur son hétérogénéité que la diversité permet analyser3
interrogation sur la violence devient alors essentielle car elle met en jeu
deux niveaux principaux explication un qui relève des idées et des idéolo
gies autre de la culture et des mentalités Dans la première direction sont dis
cutées les formes politiques violentes rapportées un contenu potentiel des
Lumières plus particulièrement aux uvres de Rousseau et de ses émules poli
tiques lues comme les sources du radicalisme révolutionnaire et la matrice du
jacobinisme terroriste4 est ainsi une manière de retrouver le problème prin
cipal de la sociologie de tat avait posé autrefois Max Weber tat est
unique détenteur de la violence légitime La question essentielle est de savoir
alors comment on passe du projet politique des Lumières tel on nous
appris le lire chez Voltaire Rousseau ou Condorcet aux excès de la Terreur
On connaît la réponse classique et peu aisée contourner La guerre et la
Terreur paraissent moins programmées dans un hyper-rationalisme qui serait
inhérent idéologie jacobine que résultant du grand refus que les dominants
alors opposèrent avenir et la liberté
Dans la seconde perspective le phénomène terroriste doit être interrogé par
historien de la culture et des mentalités Lef eb dans la Grande Peur
1932 comme dans la Révolution fran aise 1951 nous invite
Simultanément cette grande espérance enflamma des passions redoutables
dont la bourgeoisie ne exempta nullement La mentalité révolutionnaire en fut
tout pénétrée et par suite histoire de la période en porte la profonde
empreinte La peur la réaction défensive la volonté punitive constituent
une des clefs de la compréhension de la politique populaire et de toute inter
prétation des situations révolutionnaires Le recours analyse de la psycho
logie des foules étude des comportements sans-culottes sont autant de
moyens pour comprendre instauration de la violence7 dans la mesure où elle
est liée la peur Au-delà des justifications immédiates et des rationalisations
du salut public comme de la force des choses notre travail historien ne reste-t-
il pas de déchiffrer le discours les formes les finalités de la politique terro
riste Pourquoi exercice de la force contre les obstacles et les adversaires
Quels sont les indicateurs de la violence révolutionnaire caractéristiques des
sociétés anciennes Quelles logiques entraînent les pratiques qui exploitent
un capital accumulé depuis des siècles Ni ambition un groupe poli
tique les Enragés la Montagne ni emballement irrésistible un mécanisme
de gouvernement9 le salut public encore moins le désespoir10 voire même la
volonté de produire grâce la disparition des ennemis de la Révolution la réalité
politique absolue ne suffisent faire comprendre archaïsme des faits et
débarrasser le terrorisme de la connotation majeure et définitive établie entre la
violence et le mal
Dans le grand débat de historiographie du xixe siècle la question est cons
tamment posée Elle sépare partisans et adversaires comme en an II elle
divise les républicains Louis Blanc et Michelet par exemple Ce dernier en tout
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cas invite réfléchir la fois sur enracinement ancien des phénomènes de la
violence révolutionnaire et sur leur autonomie le massacre de la Glacière
Avignon le 16 octobre 1791 est un événement décisif est le hideux original
des massacres de Septembre est le point de départ bien plus que les pre
mières violences de juillet 1789 de la véritable Terreur celle qui aliénera la
Révolution les sympathies des peuples Il voit la première manifestation un
mécanisme de pouvoir dont la fatalité est de légaliser une absence quand nul
est plus sous la sauvegarde de la loi qui est suspendue dans anéantissement
de la justice et du droit
Une sombre carrière commence ici nous nous sommes assis sur cette pierre
de douleur qui marque effrayante entrée Ceci est la porte enfer la porte
sanglante La voilà maintenant ouverte et le monde
Une étude ensemble de historiographie sur ce point crucial mériterait
être faite13 Fran ois Furet ouverte et retrouve extraordinaire tension
qui entre le politique et le religieux caractérise la rupture révolutionnaire ter
roriste
La Révolution est propice une réflexion générale et en même