— Le Brésil  - article ; n°1 ; vol.69, pg 177-189
14 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

— Le Brésil - article ; n°1 ; vol.69, pg 177-189

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
14 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Journal de la Société des Américanistes - Année 1983 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 177-189
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles Bataillon
1. — Le Brésil
In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 69, 1983. pp. 177-189.
Citer ce document / Cite this document :
Bataillon Gilles. 1. — Le Brésil . In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 69, 1983. pp. 177-189.
doi : 10.3406/jsa.1983.3061
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jsa_0037-9174_1983_num_69_1_3061CHRONIQUE D'INFORMATION SUR LES AMÉRINDIENS
1. — LE BRÉSIL
1.1. Terrés indigènes et législation indigéniste au Brésil
I. La question des terres indigènes.
Il existe environ 206 groupes indigènes au Brésil qui représentent une population de
200 000 personnes. Quatre-vingt pour cent de ces Indiens sont en contact permanent avec
le société nationale. Ce qui signifie qu'ils sont « intégrés » à l'ordre économique global du
pays soit comme producteurs agricoles (mais aussi de produits forestiers et d'artisanat),
soit comme main-d'œuvre à bon marché, soit enfin, et ce n'est pas le moins important,
comme cédants forcés d'une partie de leurs territoires à des paysans sans terre (posseiros),
à de grands éleveurs (fazendeiros) ou à de vastes projets de « développement » (pr
ogrammes de colonisation, exploitations agro-industrielles, forestières et minières ou com
plexes hydro-électriques et réseaux routiers).
Ces spoliations peuvent prendre des formes diverses ; il s'agit le plus souvent d'inva
sions pures et simples, quelquefois de locations de terres par la Fondation Nationale de
l'Indien (FUNAI) à des colons circonvoisins et plus rarement d'expropriations indemnisées.
La question indienne au Brésil est celle des terres indiennes. Elle ne peut par conséquent
pas être isolée de son contexte plus large qui est celui du système foncier national. Il y
a en arrière-plan de tous les conflits de terre dans lesquels sont impliquées des commun
autés indigènes une double réalité économique :
— Celle, d'une part, des latifundia du sud/centre-ouest et nord-est du pays qui
expulsent travailleurs agricoles et occupants sans titres soit dans les terres indiennes de
ces régions, soit vers celles qui se trouvent en Amazonie ou encore qui les envahissent
eux-mêmes. Dans le Nord-est un paysan sur huit a accès à la terre et cinq pour cent des
latifondistes en possèdent cinquante pour cent. Il y a environ six millions de posseiros au
Brésil. La population des territoires fédéraux de Roraima et Rondonia, objectifs princ
ipaux des migrants en Amazonie, a respectivement doublé et quadruplé de 1970 à 1980.
— Celle, d'autre part, du modèle de développement de l'Amazonie élaboré depuis 1974
(Polamazônia) par le Gouvernement militaire brésilien sur la base d'une concentration de
capitaux nationaux et transnationaux dans d'importants projets agro-industriels et miniers
(et des projets de colonisation privés depuis 1977). De considérables investissements ont
été ainsi attirés en Amazonie brésilienne par une politique systématique de dégrèvement SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES 178
fiscal et de crédit ainsi que par la réalisation d'infrastructures à charge de l'État, y pro
voquant une rapide expansion des latifundia et une spéculation foncière effrénée. Un très
grand nombre de projets de ce type atteignent directement des territoires indiens ou y
expulsent les masses de migrants sans terre réfugiés en Amazonie.
Quarante pour cent des Indiens du Brésil se trouvent dans les régions nord-est et
sud/centre-ouest du pays. Soixante pour cent occupent l'Amazonie (le seul Territoire fédé
ral de Roraima compte près de quinze pour cent de la population indigène du pays ; neuf
ethnies amérindiennes représentent trente-cinq pour cent de sa population totale). La struc
ture latifondiaire des régions sud/centre-ouest et nord-est, le processus accéléré de concent
ration foncière en Amazonie et les courants migratoires de posseiros qu'elles provoquent
respectivement constituent les ressorts de la question des terres indiennes au Brésil ; ques
tion qui n'est que celle de leur résistance à l'absorption sur le marché foncier national.
La répercussion dans la presse brésilienne en 1982 des conflits de terre opposant les
communautés indigènes aux protagonistes de la frontière économique que nous venons
d'évoquer brièvement est à ce titre éloquente.
Dix-huit ethnies ont ainsi tenté de résister à l'occupation de leurs territoires tradition
nels par des posseiros ou des fazendeiros. Plusieurs de leurs représentants ont été assassi
nés lors de ces conflits (Maxakali, Apurinâ), d'autres ont été emprisonnés et torturés
(Caiova-Guarani). Quinze groupes ont vu leurs terres envahies par des projets de « déve
loppement » (projets Polonoroeste et Carajas, financés par la Banque Mondiale, prospec
tions d'Elf Aquitaine, barrages d'Itaipu, Tucurui, Balbina...). Il n'est sans doute pas inut
ile de signaler que le nombre total des groupes indiens affectés par ces spoliations
dépasse largement celui de ces cas de conflit particulièrement spectaculaires rapportés par
la presse en 1982. En 1975 le territoire de cinquante ethnies se trouvait déjà atteint par
des projets routiers, agro-industriels et miniers ; en 1978 quatre-vingt-cinq communautés
ne possédaient pas encore de terres légalement reconnues alors que cent mille posseiros
étaient déjà installés sur les réserves indigènes officiellement délimitées.
L'invasion de leur territoire compromet directement la survie physique des Indiens par
la déstructuration de leurs activités de subsistance traditionnelles (parmi lesquelles chasse
et collecte, très vulnérables aux réductions de territoire et aux dégradations du milieu
naturel, fournissent à de nombreux groupes environ soixante pour cent de leur apport en
protéines) et par la transmission de maladies contagieuses (rougeole, coqueluche, tubercul
ose...) mortelles pour eux. Des épidémies et/ou un état de malnutrition chronique ont
ainsi coûté la vie en 1982 — toujours selon les informations qu'a pu recueillir la
presse — à de très nombreux Indiens notamment parmi les groupes Arara, Cashinaua,
Cinta-larga, Fulniô, Mati, Pankararu, Surui, Terena et Yanomami.
II. De V « émancipation » aux « indicateurs d'indianité ».
Confronté, au niveau national, à l'organisation d'une résistance indienne contre la spo
liation territoriale — résistance de plus en plus déterminée, soutenue par un large secteur
de la société civile — le Gouvernement brésilien a poursuivi, en 1982 et 1983, l'élabora
tion de mesures destinées à saper les fondements légaux de ce mouvement. Les revendicat
ions des Indiens portent essentiellement sur l'application de certaines dispositions ' du
« Statut de l'Indien » (promulgué en 1973 par le Gouvernement) qui se sont avérées CHRONIQUE D'INFORMATION SUR LES AMÉRINDIENS 179
— malgré leurs présupposés discriminatoires — relativement positives pour les communaut
és indigènes. Les Indiens sont au Brésil, légalement assimilés à des mineurs sous tutelle
de l'État fédéral. La contrepartie paradoxale de cette « capacité relative » juridique réside
en ce qu'elle confère un statut légal assez précis aux droits territoriaux collectifs inalié
nables des ethnies amérindiennes, qu'elle fait obligation à l'État d'en être le garant et,
finalement, qu'elle donne aux Indiens le bénéfice d'une relative immunité judiciaire.
C'est maintenant la revendication d'une mise en pratique effective de ce code juridique
à la fois imposé et transgressé par la société nationale qui constitue le fondement et le
ferment des luttes indiennes au Brésil. C'est leur statut de mineurs légaux qui permet aux
leaders indiens de mener des luttes parfois très dures contre leurs oppresseurs sans tomber
sous le coup de la « Loi de Sécurité Nationale », moyen habituel de répression des mouve
ments paysans et ouvriers au Brésili Le « Statut de l'Indien » de 73, qui ne lésinait pour
tant pas sur les mesures discriminatoires (« capacité relative ») et les dispositifs d'expro
priation (déplacements de population « pour raison de sécurité nationale »), s'est final
ement retourné contre ses auteurs.
Depuis 1978 —

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents