Le calvinisme et le droit de résistance à l État - article ; n°2 ; vol.22, pg 350-369
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 2 - Pages 350-369
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Arénilla
Le calvinisme et le droit de résistance à l'État
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 2, 1967. pp. 350-369.
Citer ce document / Cite this document :
Arénilla Louis. Le calvinisme et le droit de résistance à l'État. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 2,
1967. pp. 350-369.
doi : 10.3406/ahess.1967.421526
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_2_421526Le calvinisme et le droit de résistance
à l'État
La thèse chrétienne de l'origine divine du pouvoir civil, en se réfé
rant au célèbre texte paulinien de Г « Épitre aux Romains » exigeait
une soumission absolue au gouvernement établi. Il n'était pas possible
d'envisager une limitation des devoirs d'obéissance sans en faire l'équi
valent d'une révolte contre Dieu. Bossuet, dans sa Politique tirée des
propres paroles de V Écriture Sainte, affirme que «Dieu a fait les rois et
les princes ses lieutenants sur la terre afin de rendre leur autorité sacrée
et inviolable » г ; il en résulte une obéissance inconditionnelle aux rois
et à tous ceux qui détiennent une parcelle d'autorité : « l'impiété décla
rée et même la persécution n'exemptent pas les sujets de l'obéissance
qu'ils doivent aux Princes » 2. La seule attitude possible devant la
« violence des princes » consiste en des « remontrances respectueuses,
sans mutineries et sans murmures et des prières pour leur conversion ».
Encore faut-il bannir les « remontrances pleines d'aigreur et de mur
mures » ; car elles « sont un commencement de sédition qui ne doit pas
être souffert » 3.
Au contraire, les protestants furent souvent accusés par leurs
contemporains de manquer de loyalisme. Comme l'écrivait Bayle,
« l'examen particulier dans les matières de foi » 4 n'était pas compatible
avec la théorie d'une obéissance absolue en matière politique. Beau
coup pensaient que la religion réformée encourageait la rébellion contre
les autorités constituées. « Voilà, vous dit-on, l'esprit de votre religion,
c'est la rébellion, la révolte contre les souverains, ce sont les plus noirs
attentats contre les puissances établies de Dieu » 5. Dans sa Défense de
la nation britannique, en 1693, Abbadie tente de combattre l'opinion
soutenue par Bayle dans son Avis important aux réfugiés sur leur pro
chain retour en France : « Je ne mets pas tout à fait au rang des choses
1. « De l'obéissance due au Prince », livre VI, art. II, prop. I.
2. Ibid., livre VI, art. II, titre de la 3e proposition.
3.proposition 6.
4. Bayle, Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en France.
5. JratiEU, Lettres pastorales. IXe.
350 CALVINISME ET RÉSISTANCE A L'ÉTAT
inutiles qu'il avance, le reproche qu'il nous fait « que plus nous nous
éloignons de l'Église romaine, plus nous sommes contraires aux sou
verains, ajoutant qu'il s'en faut bien que ceux de la confession d'Augs-
bourg et les Ëpiscopaux d'Angleterre soient idolâtres de la souverai
neté du peuple, comme le font les Calvinistes et les Presbytériens ».
Je ne nie pas qu'il n'y puisse avoir parmi les auteurs protestants de
défenseurs plus zélés les uns que les autres, ou de l'autorité des souve
rains ou de la liberté des peuples selon la situation où ils se trouvent
par les circonstances de leur naissance et de leur éducation. Je suis
persuadé que ceux qui vivent dans les républiques, s'attachent sur
tout à défendre les droits de la société ; et que ceux qui vivent dans les
monarchies prennent à tâche de faire révérer l'autorité royale ; mais
cela vient moins de l'esprit de la réforme que de l'Etat où ils se trouvent,
eux et ceux pour qui ils écrivent » 1.
Il n'est pas question d'opposer une école catholique et une école
protestante. Car, comme l'écrit R. Derathe, si la plupart des juri
sconsultes et des écrivains politiques, depuis le xvie siècle, sont des pro
testants, on chercherait en vain parmi eux une unité de doctrine ; en
particulier Luther et Calvin restent fidèles à la théorie traditionnelle
de l'origine divine du pouvoir civil, alors que Grotius, Pufendorf et
Jurieu se font de l'État une conception purement laïque 2. De même
la théorie du contrat a été adoptée par des auteurs animés d'inten
tions différentes ; entre le xvie siècle et le xvne siècle un certain nombre
d'écrivains catholiques revendiquent l'autorité du peuple, tandis que
des écrivains protestants se réclamaient du contrat social pour prouver
que le pouvoir des princes étant limité, leur ingérence est illégitime en
matière religieuse 3. Mais nous voudrions examiner l'attitude de cer
tains protestants et les influences que l'on a cru distinguer dans l'él
aboration du droit de résistance à l'état, pour nous demander si les écrits
de Calvin contenaient en germe la théorie de l'insurrection armée.
Le besoin de justifier les protestants de l'accusation d'être factieux
n'avait pas été étranger à la publication de V Institution de la Religion
Chrétienne en mars 1536. On sait que quelques mois auparavant, le
roi de France avait adressé aux États de l'Empire un mémoire où il
protestait « contre la rumeur propagée en pays germanique, d'après
laquelle les envoyés du Sultan sont très favorablement accueillis en
France, dans le temps même où les Allemands y sont indistinctement
1. Abbadie, Défense de la nation britannique.
2. R. Derathe, Jean-Jacques Rousseau et la science politique de son temps, 1950,
p. 85, note 4.
3. G. DEb Vecchio, Philosophie du Droit. Dalloz, 1953, p. 67.
351 ANNALES
emprisonnés et mis à mort pour offense à la religion » x. Ce n'est point
contre les Allemands qu'il a fallu sévir, « mais contre certains sédi
tieux qui se proposaient de bouleverser la société » a. Les hérétiques
français devenaient pour le roi de France des révolutionnaires suscep
tibles de mettre l'ordre politique en danger. Dans son « Epistre » au
roi François Ier, Calvin laisse paraître très nettement cette préoccu
pation. « Mais voyant que la fureur d'aucuns iniques s'estoit tant
eslevée en ton Royaume qu'elle n'avait laissé lieu aucun à toute saine
doctrine : il m'a semblé estre expédient de faire servir ce présent livre,
tant d'instruction à ceux que premièrement j'avoye délibéré d'ensei
gner, qu'aussi de confession de Foy envers toy : dont tu congnoisses
quelle est la doctrine contre laquelle, d'une telle rage, furieusement
sont enflambez ceux qui par feu et par glaive troublent aujourd'hui
ton Royaume » *.
D'ailleurs, si de très nombreux réformés furent des tenants de la
théorie du droit divin des rois, c'est pour de multiples raisons, comme
l'a montré M. Lacour-Gayet dans L Éducation politique de Louis XIV,
et l'une d'elles est certainement le désir opportuniste de donner des
gages à l'autorité politique et de prévenir l'accusation qu'on pouvait
leur faire d'être factieux. Que les proclamations protestantes de sou
mission totale au pouvoir politique soient l'effet de l'opportunisme ou
d'une « mauvaise conscience », leur seule existence prouve la nécessité
d'infirmer une opinion courante parmi leurs contemporains, opinion
qui établissait un lien entre le droit de résistance à l'État et l'esprit
calviniste.
Des penseurs et des chercheurs de l'époque moderne ont voulu voir
ce même rapport entre le protestantisme et la philosophie politique de
Locke qui reconnaît explicitement le droit de résistance à l'État. Dans
La Crise de la Conscience Européenne, Paul Hazard montre cette pré
sence du calvinisme dans la pensée du philosophe anglais : « Le calvi
nisme, au contraire, triomphe avec le triomphe même de l'Angleterre.
Les deux traités que John Locke publie en 1690 pour sanctionner
théoriquement l'arrivée au pouvoir de l'homme le plus représentatif
peut-être du calvinisme en Europe, Guillaume d'Orange, ve

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