Le couronnement des tsars, XVIe-XVIIIe siècles : état de la question et perspectives de la recherche - article ; n°4 ; vol.61, pg 391-401
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Le couronnement des tsars, XVIe-XVIIIe siècles : état de la question et perspectives de la recherche - article ; n°4 ; vol.61, pg 391-401

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Description

Revue des études slaves - Année 1989 - Volume 61 - Numéro 4 - Pages 391-401
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Marie-Karine Schaub
Le couronnement des tsars, XVIe-XVIIIe siècles : état de la
question et perspectives de la recherche
In: Revue des études slaves, Tome 61, Fascicule 4. pp. 391-401.
Citer ce document / Cite this document :
Schaub Marie-Karine. Le couronnement des tsars, XVIe-XVIIIe siècles : état de la question et perspectives de la recherche. In:
Revue des études slaves, Tome 61, Fascicule 4. pp. 391-401.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1989_num_61_4_5846LES COURONNEMENTS DES TSARS
XVie - XVIIie SIÈCLES
État de la question et perspectives de la recherche
PAR
MARIE-KARINE SCHAUB
La symbolique politique des rituels monarchiques est depuis la double tradition
issue des travaux de M. Bloch et E. Kantorowicz un objet d'histoire extrêmement
fécond. L'étude des cérémonies est devenue un moyen de définir d'une part la
notion de « pouvoir » et d'autre part la « réalité » qu'elle recouvre (modes de
réception du quand il se donne en représentation à lui-même, à l'élite qui le
compose ou à « l'extérieur », c'est-à-dire les « mentalités collectives »).
Un premier courant historiographique fondé par M. Bloch a analysé
l'articulation entre le politique et le sacré1. Le « caractère sacré » du roi se révèle
durant le couronnement au moment de l'onction. Celle-ci est nécessaire à la
perfection de la « dignité royale ». Elle est un acte de consécration ecclésiastique ;
en effet le souverain est placé aux yeux de ses sujets presque au rang de prêtre :
« celui qui reçoit l'onction est inférieur à celui qui l'a donnée »2. Même si le roi n'a
jamais que le rang de sous-diacre dans la hiérarchie ecclésiastique, il incarne un
pouvoir exceptionnel. Il est d'une autre nature que celui des monarchies voisines ;
il relève du sacré voire du magique (le souverain français possède un pouvoir
thaumaturgique après le sacre). Le terme de sacre (issu du sacer latin) place le sujet
dans la dépendance du divin. Le rituel donne au souverain une « dynamique de
sacralité ». Il est le moment où le monarque est investi d'une puissance accordée
par Dieu. Après la cérémonie, il se différencie des autres hommes car il a des
virtutes que ces derniers n'ont pas3.
1. M. Bloch, les Rois thaumaturges : étude sur le caractère surnaturel attribué à la
puissance royale, particulièrement en France et en Angleterre, Strasbourg - Paris, 1924, 1982.
2. Ibid., p. 216-217.
3. A. Dupront, « Sacre, autorité et pouvoir. Profil d'anthropologie historique », le Sacre
des Rois. Actes du colloque international de Reims, Paris, Les Belles Lettres, 1975, p. 315-342.
Rev. Étud. slaves, Paris, LXI/4, 1989, p. 391-401. M. -К. SCHAUB 392
L'étude des textes juridiques sur le pouvoir enrichit cette première approche
d'une dimension plus large1. Selon E. Kantorowicz, le pouvoir « intérieurement
partagé » ne fonctionne que sur les représentations d'une scission entre « visible et
invisible », « général et particulier », « individualité et supra-nationalité »,
« corps naturel et corps mystique »2. La grille de lecture de ces binômes est selon
E. Kantorowicz triple. C'est dans l'articulation théorique de la théologie/du
juridique/ et du politique que l'on peut comprendre les modes de fonctionnement de
la « fonction royale ». Une des formes les plus concrètes de représentation des
principes de pouvoir est la mise en scène rituelle. En effet, le roi prête serment
pendant le sacre avec le consensus populi, ce qui allie un rôle juridique et politique à
sa fonction ecclésiastique dans une conception organistique de la société3. Durant
cette cérémonie les deux corps du roi symbolique (religieux/juridique/politique) et le
corps naturel sont réunis en une seule personne4. Les études sur la monarchie
française montrent que dans le mouvement d'absolutisation du pouvoir, le rituel a
insisté sur la sacralisation de la personne royale au détriment de la cérémonie elle-
même5.
Ces approches pionnières ont permis la relecture des couronnements. Celle-ci a
donné lieu à trois types de modèles. L'un que l'on a appelé « fonctionnaliste »
présente le rite comme le moment de la conciliation universelle ; la dimension
temporelle y est absente. Un autre « structural » a produit une série de typologies
souvent non problématisées. Le dernier tente une réintroduction du « contexte »
dans la structure. Le rite ne serait expliqué ni par sa dimension universelle, ni par
ses récurrences morphologiques mais par les circonstances qui l'entourent.
Même si les réponses sont restées incomplètes et certains modèles contredits par
les autres, le questionnement des rituels a conduit à poser une série de problèmes
souvent restés ouverts, et qui, pour l'historien de la Russie, semblent très souvent
faire écho à ses propres interrogations sur l'autocratie russe.
Le but du présent article est de présenter thématiquement la production déjà
existante sur les couronnements russes et d'entrevoir les possibilités d'analyse
offertes par les avancées méthodologiques des historiens ritualistes occidentaux
appliquées à l'histoire russe.
Les limites chronologiques se sont peu à peu imposées en raison de
l'historiographie. C'est la période comprise entre le sacre d'Ivan le Terrible (1547)
et celui de Pierre le Grand (1682, couronnement de Pierre en tant que tsar - 1721,
intronisation de Pierre comme empereur). Car le parallèle entre les deux souverains
est chose souvent faite par la production historique. Le sacre de Dimitri (1498),
même si celui-ci n'a pas régné, n'a pas été écarté car il est un modèle pionnier.
1. E. Kantorowicz, The King's two bodies. A study in mediaeval political theology,
Princeton, 1957.
2. M. Gauchet, « Des deux corps du roi au pouvoir sans corps. Christianisme et
politique », Le Débat, 14, 1981.
3. R. A. Jackson, Vivat rex : histoire des sacres et des couronnements en France, 1364-
1825, Strasbourg, 1986.
4. Ibid.
5. A. W. Lewis, le Sang royal : la famille capétienne et l'État en France du Xe au XIVe
siècle, Paris, 1986, p. 177-179. COURONNEMENTS DES TSARS 393 LES
I. ACQUIS HISTORIOGRAPHIQUES
SUR LES COURONNEMENTS DES TSARS
Les couronnements des tsars ont été dans l'historiographie russe l'objet de
longues monographies descriptives. Ces travaux se sont fondés sur les différentes
versions des činy (description de l'ordonnancement des cérémonies, appelée ordo
dans les occidentaux), éditées dans une très grande partie au XIXe
siècle1. Cette source a été traitée comme le récit conjoncturel d'un événement
particulier (le sacre d'Ivan le Terrible en 1547) ; parfois elle a été étudiée comme un
texte normatif pour les cérémonies postérieures. On y lisait donc un « modèle » et
non pas seulement un « récit ».
Au XXe siècle les sont étudiées dans le cadre de problématiques plus
vastes. Elles ne représentent plus l'enjeu principal d'une recherche, mais sont
analysées comme le signe visible d'un système idéologique cohérent développé à
partir du XVe siècle à Moscou. Ces études rappellent avant tout les deux
événements qui ont servi de canevas à la justification politique du pouvoir
moscovite : la chute de Constantinople en 1453 et la libération du joug mongol
sous le règne d'Ivan III en 1480. À leur suite, la théorie selon laquelle Moscou
devait succéder à Byzance en tant que capitale orthodoxe s'est largement diffusée au
XVIe siècle. L'expression « Moscou-Troisième Rome » en est l'emblème. Cette
formule et la construction théorique qu'elle suppose ont suscité de nombreux
articles depuis celui de N. C. Čaev2. Plusieurs directions d'investigation ont été
suivies : l'utilisation des légendes par le pouvoir dans la revendication d'un passé
mythique (Légende des descendants d'Auguste ; Dit des princes de Vladimir) ; les
lieux de production des textes (činy ou autres théories politiques), l'organisation des
« cercles de pouvoir »...
Un point a été défin

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