Le crocodile malgache - article ; n°2 ; vol.19, pg 195-207
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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1949 - Volume 19 - Numéro 2 - Pages 195-207
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Raymond Decary
Le crocodile malgache
In: Journal de la Société des Africanistes. 1949, tome 19 fascicule 2. pp. 195-207.
Citer ce document / Cite this document :
Decary Raymond. Le crocodile malgache. In: Journal de la Société des Africanistes. 1949, tome 19 fascicule 2. pp. 195-207.
doi : 10.3406/jafr.1949.2600
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1949_num_19_2_2600- (к
LE CROCODILE MALGACHE
Ses mœurs, son rôle dans la vie indigène
PAR
Raymond DECARY
Administrateur en chef des Colonies
Les crocodiles, reliques des temps préhistoriques, dormant sous
le soleil dans une immobilité de mort, sont certainement, de tous
les hôtes animaux de Madagascar, ceux qui laissent dans l'esprit
l'impression la plus durable. Même lorsqu'ils se cachent, ils hantent
souvent l'esprit de celui qui se déplace dans certaines parties de
l'île ; leur férocité autant que leur laideur font qu'on cherche à les
voir tout en les redoutant, et il n'est pas un Européen, qui, voyageant,
par exemple, sur la Bétsiboka ou la Tsiribihina, n'ait constamment
les yeux fixés sur les rives, à la recherche des monstrueux sauriens.
Aussi bien, comme l'a écrit Perrier de la Bâthie, le crocodile fait-il
« partie intégrante du paysage malgache ». Un paysage est un « tout »
auquel l'animal, par sa seule présence, participe à côté de la nature
et de la végétation. S'il venait à disparaître, avec lui se perdrait
une des caractéristiques de l'exotisme tropical de Madagascar.
Eventualité qui, d'ailleurs n'est pas à envisager : le crocodile abonde,
car il n'a pas d'ennemi naturel en dehors de... son semblable.
L'expression de caïman, fréquemment usitée pour désigner le
crocodile malgache, est inexacte. Le caïman vrai est localisé en
Amérique centrale et méridionale, alors que le crocodile constitue
un genre africain. On connaît les principales caractéristiques qui
permettent de différencier les deux genres : lorsque la bouche est
fermée, la quatrième dent mandibulaire s'encastre, chez le crocodile,
dans une sorte d'encoche ou de gouttière de la mâchoire supérieure,
alors que chez le caïman, cette dent s'enfonce dans une fossette.
En outre, celui-ci possède une armure ventrale de scutelles osseuses,
articulées et imbriquées, chaque scutelle étant elle-même formée de
deux parties distinctes, unies par une suture. SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES 196
Les naturalistes discutent encore sur le fait de savoir s'il existe
à Madagascar une ou deux espèces de crocodiles. Nous n'entrerons
pas dans le détail des longues discussions qui se sont poursuivies
à ce sujet. En l'état actuel de nos connaissances, les herpétologistes
réservent le nom de Crocodilus robustus à l'espèce subfossile . dont
les restes se retrouvent dans les dépôts d'Ambolisatra, sur la côte
Sud-ouest ; ils dénomment au contraire Crocodilus niloticus l'espèce
vivante, africaine d'origine, dont l'aire de répartition s'étend jusque
sur la Grande Ile. II. est très vraisemblable qu'une étude plus ap
profondie effectuée sur place révélera l'existence de sous-espèces
ou de races locales, actuellement confondues sous une appellation
unique.
Connu sous le nom indigène de voay ou mamba, le crocodile ne
pouvait manquer d'être mentionné en bonne place par le Chevalier
de Flacourt dans les pages qu'il consacrait en 1658 à l'histoire na
turelle de la Grande Ile.
« Voaha, c'est le crocodile. Il vit dans les rivières et a rude guerre
contre le tiburon. Le mâle sent le musc et se tient dans les rivières,
aux lieux moins fréquentés ; il surprend quelquefois des bœufs
quand ils vont boire et les prend par le mufle ; il surprend aussi
les chiens dont il est friand et quelquefois des hommes. »
Signalons en passant que ces lignes sont extraites duv chapitre
intitulé : Poissons de mer et de rivière et autres choses qui se trouvent
en mer.
L'animal peut atteindre la taille considérable de six mètres. De
telles dimensions, auxquelles arrivent seules des bêtes extrêmement
âgées sont d'ailleurs exceptionnelles et les longueurs de quatre
mètres sont déjà peu communes.
On ne le rencontre guère aux altitudes supérieures à neuf cents
mètres ; encore n'y vient-il que rarement. Tel est le cas pour ceux
qui arrivent parfois en saison des pluies, isolés et comme égarés, dans
la plaine du Betsimitatatra, au pied de Tananarive. Aux altitudes
inférieures, le crocodile abonde ; point n'est besoin pour lui de vastes
étendues d'eau, et des mares minuscules, qui ne dépassent parfois
pas un mètre de profondeur, peuvent lui servir de repaire, tout au
moins temporaire. Les régions dans lesquelles il se rencontre avec
le plus d'abondance sont constituées en premier lieu par les basses
et moyennes vallées de la côte Ouest, englobant toute la « dépression
périphérique » qui borde le versant occidental des Hauts Plateaux.
Puis viennent ensuite, par ordre approximatif d'importance, le
lac Alaotra avec les cours d'eau tributaires ; le fleuve Mangoro et
ses affluents ; la zone côtière orientale entre Vatomanfry et Maroan- LE CROCODILE MALGACHE 197
tsetra avec les lacs, Jagunes et zones marécageuses qui s'étendent
entre le littoral et les premières collines ; la région de l'Extrême
Nord jusqu'à la latitude approximative du Sambirano ; la zone
côtière de l'Est comprise entre Mananjary et Vangaindrano ; celle
du Sud-ouest, de Morondava à Tulear ; le bassin du lac Itasy ; enfin
les environs de Fort Dauphin.
C'est au mois d'octobre que la femelle pond ses œufs. Les lieux
d'élection sont des bancs de sable ensoleillés dans lesquels elle creuse
des trous qui peuvent atteindre un mètre de profondeur. La ponte
moyenne est d'une vingtaine d'œufs ; elle peut s'élever parfois
jusqu'à trente. Les œufs, longs de six à sept centimètres, sont r
ecouverts de sable et éclosent après une période d'incubation de
vingt à vingt cinq jours. Lors de sa naissance, le jeune animal possède
une taille de douze à quinze centimètres et a l'aspect d'un petit
lézard — un lézard qui déjà manifeste des instincts cruels et cherche
à mordre le doigt qui le touche.
L'existence du crocodile se compose de périodes alternées de
somnolence et d'activité. Pendant toute la saison froide, il demeure
plus ou moins engourdi dans une vie végétative au cours de laquelle
il n'absorbe qu'un minimum de nourriture. C'est l'époque des inte
rminables siestes au soleil, le ventre écrasé sur le sable brûlant ou
la vase des berges, et où son corps noirâtre ressemble de loin à un
tronc d'arbre échoué. Le soir seulement, lorsque le soleil s'abaisse
sur l'horizon, il se réveille, se met paresseusement en mouvement
et rentre à l'eau pour regagner son abri, laissant sur le sol une trace
caractéristique de bête rampante.
Viennent les premières chaleurs et avec elles les premières pluies,
le crocodile sort de sa torpeur et s'éveille à la vie active. C'est alors
qu'il se met à l'affût dans les endroits fréquentés par les troupeaux
ou par les femmes indigènes qui viennent à l'eau. Combien de bœufs
en train de s'abreuver sont ainsi saisis par le mufle ou la patte et
entraînés au fond de l'eau, sans opposer d'ailleurs de résistance
réelle. Chaque année aussi, les indigènes paient un lourd tribut
personnel, et l'on peut estimer que, pour l'ensemble de la Colonie,
le nombre des accidents mortels s'élève à une centaine au cours
de la saison chaude. Quelques indigènes courageux, arrivent cependant,
à échapper à force de lutter, mais non sans éviter de terribles mutil
ations, car les dents coniques du voay semblent conformées pour
arracher les chairs plutôt que pour les couper ou les écraser. Un
accident tout à fait exceptionnel arriva vers 1920 à une femme
sakalava de Maromandia, dans le district d'Analalava. Alors qu'elle
se baignait dans l'Andranomalaza, elle fut happée à la fesse par un 98 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES 1
crocodile auquel elle parvint cependant à échapper. Lorsqu'on la
pansa, on s'aperçut que celui-ci avait laiss

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