Le Cygne et la Valkyrie. Dévaluation d un mythe - article ; n°64 ; vol.19, pg 69-84
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Le Cygne et la Valkyrie. Dévaluation d'un mythe - article ; n°64 ; vol.19, pg 69-84

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Description

Romantisme - Année 1989 - Volume 19 - Numéro 64 - Pages 69-84
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jérémie Benoit
Le Cygne et la Valkyrie. Dévaluation d'un mythe
In: Romantisme, 1989, n°64. pp. 69-84.
Citer ce document / Cite this document :
Benoit Jérémie. Le Cygne et la Valkyrie. Dévaluation d'un mythe. In: Romantisme, 1989, n°64. pp. 69-84.
doi : 10.3406/roman.1989.5588
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1989_num_19_64_5588IL EFFETS DE RAISON
mythe, symbole, modèle, type ou stéréotype Jérémie BENOIT
Le Cygne et la Valkyrie *
Dévaluation d'un mythe
On a longtemps voulu reconstituer la mythologie nordique à partir des
données folkloriques. Or le conte, et particulièrement celui de Grimm, qui va nous
occuper ici, n'autorise pas une remontée qui permettrait de retrouver les
fondements originels. Il n'est en réalité qu'une poussière, qu'une dégénérescence du
système mental ancien. Noter diligemment les concordances qui existent entre des
détails mythologiques et des détails de divers contes populaires ne peut aucune
ment expliquer un mythe. L'ensemble du problème en est nécessairement exclu \
La méthode comparative, très riche d'enseignement, ne doit jamais tomber dans le
systématisme. Ne tenir compte ni du récit, ni de sa forme ou de son contexte his
torique, c'est laisser échapper l'essentiel, l'ensemble du mythe. En revanche, il est
très certainement possible d'expliquer l'origine de certains motifs, bien réels dans
le conte, en cherchant leurs modèles dans la mythologie. Ce procédé permet
d'autre part de dégager les principes de dévaluation d'une notion mythologique et
d'analyser les fonctions résiduelles qu'elle sous-tend.
Le Cygne et ses origines
Sans être un élément permanent du rêve, le cygne est cependant relativement
courant, en particulier à l'époque romantique, dans le nord de l'Europe.
On le rencontre en peinture comme en littérature. Nous n'entreprendrons pas
ici de dresser une liste exhaustive de la présence du cygne dans l'art, nous ne re
tiendrons que quelques œuvres relatives à ses trois aspects caractéristiques. Si le
cygne, animal ailé et immaculé, est lié à l'air et à la lumière, il est aussi l'une des
figures les plus habituelles de la métamorphose. C'est ainsi qu'il apparaît dans
Grimm 49, Les six cygnes, et dans Andersen, Les cygnes sauvages. Proches de
cette conception sont les contes de Grimm 9, Les douze frères, et 25, Les sept
corbeaux, dans lesquels les grands oiseaux blancs sont devenus des corbeaux, et
193, Le tambour, où la princesse envoûtée partit, est-il écrit, « dans un bruit
d'ailes », sans qu'il en soit dit plus long. Un avatar du cygne volant se rencontre
au chapitre 17 de YOndine de La Motte-Fouqué, intitulé Le rêve du chevalier.
Pour la graphie Valkyrie, j'adopte celle qu'utilise Régis Boyer, forgée sur Valr et sur
Kyrja (voir ci-après), plus conforme à l'étymologie que Walkyrie.
Ci-contre : fig. 1 et 2 (voir liste p. 83).
ROMANTISME n* 6* (1989 -П). 72 Jérémie Benoit
Nous ne sommes plus ici dans le strict domaine du conte populaire, et le Mârchen
de la « grande » littérature retient surtout l'aspect poétique du premier. Endormi,
le chevalier Huldbrand rêve d'Ondine qui lui apparaît alors qu'il est emporté dans
les airs par des cygnes qui chantent d'une voix suave. Guère différent est un pas
sage de La statue de marbre ďEichendorff . En s'endormant, Florio croit qu'il na
vigue, « avec des voiles de la blancheur des cygnes, tout seul sur une mer
qu'illuminait la lune » 2. Les exemples pourraient se multiplier, mais arrêtons-
nous à ceux-ci pour ce premier aspect du cygne 3.
L'oiseau est d'autre part évidemment lié à l'eau. C'est ainsi qu'il apparaît dans
deux peintures de Caspar David Friedrich, Les cygnes * (fig. 1) et Les cygnes au
coucher du soleil \ ainsi que dans le tableau de Karl Gustav Carus, Allégorie sur
la mort de Goethe 6, œuvre sur laquelle nous reviendrons, tant est complexe son
inspiration (fig. 2). Dans un esprit similaire, le cygne, devenu « bateau » comme
dans la toile de Carus, apparaît dans la légende de Lohengrin. L'oiseau est le
moyen d'effectuer un passage. On en trouve un avatar étrange dans Grimm 15,
Hânsel et Gretel, où retournant dans la maison de leur père, emportant avec eux le
trésor de la sorcière, les deux enfants traversent une rivière sur le dos d'un canard.
Un troisième aspect enfin est lié au cygne. Celui du chant de mort. Déjà,
dans Ondine, le chevalier Huldbrand remarquait : « Le chant des cygnes annonce
la mort » 7. Ce thème se rencontre le plus souvent en poésie. Nous ne citerons
que pour mémoire les poèmes de L. G. Kosegarten, Schwangesang 8, et Johann
Senn, Schwanengesang 9, tous deux mis en musique par Franz Schubert 10. Ces
deux pièces ne font référence au cygne que par leur titre, car elles ne parlent en fait
que de la mort Plus explicite est l'œuvre de J. G. F. von Salis-Seewis, Abschied
von der Harfe (Adieu à la harpe) u, où le poète met en parallèle les flots de la vie
et la harpe qui font référence plus directement au cygne (cf. le tableau de Carus).
Ce troisième thème n'est guère éloigné en réalité du précédent, par lequel le cygne
effectue un passage. Il n'en est qu'un aspect, simplement plus restrictif, en rela
tion directe avec la mort.
Il n'est pas dans notre propos de dégager la signification mythique du cygne
tel qu'il apparaît les œuvres romantiques, à partir des théories désormais dé
passées du naturalisme n. Il nous importe seulement d'analyser l'origine mytho
logique de cet oiseau et de comprendre ainsi pour quelles raisons il est lié à la
métamorphose, au passage d'un monde à un autre, et donc au rêve et à la mort,
tous ces thèmes n'étant pas exclusifs l'un de l'autre, mais au contraire se
complétant.
Trois origines sont à retenir : la grecque, la germano-scandinave et la
celtique. Ecartons d'abord la première, qui est la moins élaborée pour notre
recherche, bien qu'elle participe du même contexte indo-européen. C'est Ovide,
dans le mythe de Cycnos qui a imaginé le chant mortuaire du cygne 13. Cycnos
avait tant pleuré la mort de son ami Phaéton, qu'Apollon, pris de pitié, le
transforma en cygne, n convient de trouver aussi dans cette histoire la raison pour
laquelle l'oiseau devint l'attribut du dieu du soleil, et fut mis en relation avec la
harpe, instrument d'Apollon u. Déjà s'éclaire quelque peu le tableau de Carus. Si
Apollon est un dieu de lumière, il est pourtant aussi lié à la mort et à l'eau, par le
biais du cygne : il est un dieu issu de la troisième fonction dumézilienne. Nous
verrons plus loin comment s'organisent ces notions dans le domaine nordique,
beaucoup plus explicite. D'autre part les mythes grecs ne se sont guère étendus Jit.
De la Valkyrie au Cygne 73
sur le thème de la métamorphose, qui ne concerne que des points de détail, et
n'éclairent en rien les notions de vol et de passage que l'on rencontre de manière
courante dans les productions du romantisme. Mais laissons là la mythologie
gréco-latine, qui permet cependant aussi de comprendre les origines des poésies de
Kosegarten, Salis-Seewis et Senn, et montre suffisamment que le romantisme
allemand a également puisé aux sources de la culture classique, dans ce qu'elle a de
mélancolique.
Métamorphose de la valkyrie
Considérons plutôt la mythologie germano-scandinave, ou le cygne est mis
en relation avec les valkyries. Créatures des deuxième et troisième fonctions du-
méziliennes, les valkyries, sages et vierges, participent de plusieurs notions :
l'air, la guerre, la mort, l'eau, la fécondité, le savoir, le destin. Leur nom est forgé
sur valr, guerriers morts conçus dans leur ensemble, et sur kyrja, dérivé de kjósa,
choisir. Elles sont ainsi celles qui choisissent les combattants tués à la bataille,
pour peupler le palais d'Odinn, la Valholl (Walhalla). Leur collusion avec la mort
est donc particulièrement claire. Elles planent au-dessus des combats, armées de
lances (la lance est l'attribut d'Odinn), assurant ainsi la victoire. Telle apparaît la
Valkyrie peinte par Peter Nicolaï Arbo 15 (fig. 3). La notion de choix entraîne né
cessairement celle de destin, thème

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