Le développement : virtualités et obstacles - article ; n°20 ; vol.5, pg 649-660
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Description

Tiers-Monde - Année 1964 - Volume 5 - Numéro 20 - Pages 649-660
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 19
Langue Français

Extrait

Josué de Castro
Le développement : virtualités et obstacles
In: Tiers-Monde. 1964, tome 5 n°20. pp. 649-660.
Citer ce document / Cite this document :
de Castro Josué. Le développement : virtualités et obstacles. In: Tiers-Monde. 1964, tome 5 n°20. pp. 649-660.
doi : 10.3406/tiers.1964.1140
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1964_num_5_20_1140LE DÉVELOPPEMENT :
VIRTUALITÉS ET OBSTACLES
par Josué de Castro (i)
Le monde traverse sans aucun doute une période critique de son
histoire, ou comme le dit Ortega y Gasset, une phase caractéristique
de crise historique. Phase pendant laquelle toutes les valeurs, tous les
symboles et les styles de vie d'une civilisation perdent leur signification
profonde, sans que surgissent de nouveaux symboles d'interprétation
et de nouveaux styles de vie pour venir se substituer aux valeurs socia
lement dépassées.
Ces phases révolutionnaires de l'histoire se caractérisent principa
lement par la désorientation générale des nouvelles générations qui
se sentent perdues dans un monde qui menace de s'écrouler et qui n'aper
çoivent aucun chemin sûr qui leur permette de survivre. C'est de là
que provient leur plus grande inquiétude, leur recherche frénétique
de solutions urgentes aux problèmes les plus ardus des destins de
l'humanité.
Je ne sais s'il y a déjà eu une génération plus tourmentée par cette
préoccupation anxieuse des destins du monde, plus meurtrie par une
(i) Né en 1908 à Recife (Brésil). Ancien président du Conseil de l'Organisation des
Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (F.A.O.) de 1952 à 1956. Président de
l'Association mondiale de Lutte contre la Faim (ASCOFAM). Directeur de l'Institut
de Nutrition de l'Université du Brésil. Professeur de géographie humaine à la Faculté natio
nale de Philosophie, Université du Brésil, Rio de Janeiro, depuis 1939. Ancien membre du
Parlement brésilien, de 1955 à 1963. Prix Roosevelt, 1952, de l'Académie des Sciences poli
tiques, U.S.A. (Géographie de la faim), 1953. Prix international de la paix. Ancien président du
Conseil du Comité intergouvernemental pour les Migrations européennes (C.I.M.E.), 1963.
Vice-président de l'Association parlementaire mondiale. Ancien ambassadeur du Brésil à
l'O.N.U. (siège de Genève). Ancien chef de la Délégation du Brésil à la Conférence du
Désarmement (Genève).
Principales œuvres : La géopolitique de la faim (traduite en 21 langues) et Géographie de la
faim (traduite en 6 langues).
649 JOSUÉ DE CASTRO
aussi lourde charge de tension sociale qui pèse sur leurs têtes que la
génération actuelle qui a connu le monde au début de l'ère atomique.
Parlant des devoirs de cette nouvelle génération, Albert Camus
s'inquiétait à juste titre de ce que, alors que les générations précédentes
éprouvaient le devoir de refaire le monde, la génération actuelle avait
une tâche beaucoup plus lourde, qui consiste à empêcher que le monde
ne se défasse. Pour accomplir cette tâche gigantesque — empêcher la
destruction du monde et le réformer de manière à répondre aux aspi
rations collectives de l'heure actuelle — la génération d'aujourd'hui
doit prendre conscience de la gravité et du caractère exceptionnel du
moment historique que le monde traverse. Il est nécessaire que cette
génération se rende compte des périls innombrables et des possibilités
infinies contenues dans l'essence même de sa vie. Il est nécessaire que
cette génération sente profondément cette contradiction gigantesque
d'un monde qui vit sous la tension de menaces et de promesses, issues
toutes deux d'un même germe, le progrès scientifique et technique réalisé
par les hommes.
Pour aider les jeunes, si dérireux d'action constructive et de parti
cipation historique, à vaincre la crise présente, il est nécessaire que
les plus âgés, principalement les intellectuels issus de l'ère pré-atomique,
leur transmettent leur expérience de la vie afin de leur permettre de
trouver une mesure commune aux deux ères historiques, pour qu'ils
se sentent ainsi plus fermes, mieux adaptés au cadre de la réalité sociale
actuelle. Mais ce n'est pas une mission facile que d'apporter à une nouvelle
génération, historiquement si éloignée de la génération précédente,
quelques essais d'interprétation ou d'explication qu'elle puisse accepter.
La première difficulté que nous rencontrons, nous qui appartenons à la
génération précédente, est une difficulté d'expression, celle de ne pas
réussir à décrire ce monde nouveau avec notre langage ancien, élaboré
pour représenter notre vieux monde de concepts et valeurs déjà tot
alement dépassés. Et cette difficulté ne réside pas seulement dans l'inexis
tence de mots adaptés à l'expression de faits nouveaux, mais également
dans l'absence d'une pensée qui s'ajuste fidèlement aux nouveaux styles
de vie encore en formation, mal déterminés et mal consolidés. Il est vrai
qu'un monde nouveau, même en formation, exige une pensée nouvelle ;
un nouveau mode de penser qui permette de rénover le répertoire
mental de l'humanité. « II est essentiel que se constitue une nouvelle
manière de penser si l'humanité désire survivre et s'élever à des plans
650 LE DÉVELOPPEMENT : VIRTUALITÉS ET OBSTACLES
plus élevés », disait Einstein peu de temps avant sa mort. Et Bergson
avait raison lorsqu'il disait que, pour comprendre notre temps, il faut
un « supplément d'âme », c'est-à-dire un esprit plus large en face du
« changement impressionnant » que le monde est en train de subir. Il
faut changer le mode de penser des hommes afin qu'ils puissent survivre
dans un monde qui change radicalement.
C'est cette réalité sociale qui rend si ardue, mais si décisive, la mission
des éducateurs, de ceux qui ont pour tâche de former les hommes nou
veaux pour le monde de demain. C'est dans cet esprit de compréhension
et de confiance dans des destins de l'humanité que nous préparons cette
sorte de message par lequel nous désirons appeler l'attention des jeunes
sur certaines des caractéristiques les plus frappantes de la structure
sociale de notre monde, de manière à orienter leur action et leur effort
vers la création d'un monde meilleur. Cette action et cet effort devront
s'orienter tout d'abord vers la vérité. Comme le soulignait avec grande
pénétration J.-M. Gatheron dans un message adressé au Congrès mondial
de la Jeunesse, à Singapour, cet effort « doit être profondément réaliste
et exclure non pas tout idéal, mais tout idéalisme, tout préjugé érigé en
système. Il doit favoriser un développement, et non édifier une construc
tion ». Dans un moment critique comme le nôtre, nous devons faire
face à la vérité, parce que seule la vérité peut conduire sur la voie du
salut.
Les relations entre les hommes ne furent jamais, à aucun moment de
l'histoire de l'humanité, aussi tendues. Les tensions sociales, les conflits
idéologiques, les compétitions économiques et les frictions politiques
entre les groupes, les classes et les pays ont atteint de nos jours une
intensité effrayante, menaçant de façon inquiétante la paix, la tranquillité
et jusqu'à la survivance de la civilisation. Mais si, d'une part, il n'a jamais
été aussi difficile de faire vivre les hommes les uns avec les autres, on
n'a jamais enregistré, d'autre part, un effort aussi grand de quelques-uns
d'entre eux pour vaincre, dans l'intérêt suprême de l'humanité, ces forces
dissolvantes, ces conflits et ces divergences. Partout, nous voyons des
hommes de bonne volonté qui, avec une énergie obstinée, se mesurent
à cette tâche gigantesque de créer dans notre monde un climat de meil
leure compréhension, d'entente et de tolérance dans lequel pourra
germer et se développer une paix véritable entre les hommes.
L'un des facteurs les plus constants et les plus actifs des terribles
tensions sociales actuelles est le

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