Le diagnostic judiciaire par la méthode des associations - article ; n°1 ; vol.16, pg 372-383
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Description

L'année psychologique - Année 1909 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 372-383
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1909
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alfred Binet
Le diagnostic judiciaire par la méthode des associations
In: L'année psychologique. 1909 vol. 16. pp. 372-383.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred. Le diagnostic judiciaire par la méthode des associations. In: L'année psychologique. 1909 vol. 16. pp. 372-383.
doi : 10.3406/psy.1909.3796
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1909_num_16_1_3796XII
LE DIAGNOSTIC JUDICIAIRE
PAR LA MÉTHODE DES ASSOCIATIONS
Je désire prendre la liberté de dire ce que je pense, tout ce
que je pense, d'une méthode de diagnostic judiciaire dont on a
beaucoup parlé en Allemagne, pays où elle a été inventée, et
qu'on cherche en ce moment à vérifier en Amérique. C'est une
méthode qui^ d'après ses partisans, permet de savoir ce qui
se passe dans le fond de l'esprit d'une personne. Supposons
que l'on désire savoir si cette personne a vu tel spectacle,
commis telle action; et qu'interrogée, elle nie et mente, parce
qu'elle y a intérêt; elle figure par exemple dans une affaire
judiciaire en qualité d'accusé ou de témoin. Peut-on lui arra
cher la vérité, ou une parcelle de la vérité, lui faire dire un mot
qui la trahira? C'est ce qu'on a pensé; c'est ce que pensent
notamment Wertheimer et Jung, qui se disputent l'honneur
d'avoir inventé la méthode.
Nous tenons d'abord à rendre justice à tout ce qu'il y a
d'ingénieux dans ces recherches ; elles dénotent un esprit de
finesse plus qu'un esprit géométrique. Elles ressemblent beau
coup, par leur tendance, aux méthodes d'introspection que
Freud a imaginées pour fouiller dans le tréfonds des consciences ;
et cette parenté n'est pas étonnante, puisque Jung est un élève
de Freud et un fanatique de ses idées. Mais après avoir rendu
justice aux auteurs, nous voudrions montrer franchement le
péril de leur méthode.
Qu'on nous comprenne bien. S'il s'agissait simplement d'une
étude théorique, on pourrait ne pas la juger sur ses erreurs
d'application. Lorsque nous-mêmes, et puis Stem et tant
d'autres, avons publié des expériences sur la véracité du témoi
gnage, nous avons entendu d'abord présenter des analyses
intéressant la psychologie et la connaissance de l'état d'âme
du témoin. Si nous avons entrevu qu'un jour la justice béné- A. BINET. — DIAGNOSTIC JUDICIAIRE 373
ficierait de nos analyses, ce n'était là qu'une préoccupation
accessoire; et du reste nous n'avons jamais eu la témérité
d'aller jusqu'à affirmer que nous avions un moyen nouveau
et infaillible de dépister les faux témoignages. Au contraire,
les méthodes de diagnostic judiciaire ont inspiré à ceux qui les
présentent des visées bien plus ambitieuses. On ne nous les
propose pas comme étant des analyses théoriques offrant
quelque possibilité lointaine d'application pratique. On nous
les présente comme des techniques dont l'intérêt pour la psy
chologie n'est pas grand, mais dont l'intérêt pour la pratique
est énorme; un détective en a même déjà fait usage pour con
fondre un criminel. On ne cherche pas à nous donner, comme
on aurait pu sans doute le faire, une description raisonnée de
toutes les attitudes que prend un individu qui se défend, des
rases auquels il recourt, des personnages qu'il joue ; ce serait
là de la psychologie individuelle; on n'y songe pas. On croit
tenir une méthode, un réactif, un truc permettant de déceler la
vérité judiciaire. Ceci dit, il est tout naturel de juger la méthode
par ses succès ou ses insuccès.
Or, sans vouloir faire le moins du monde un procès de
tendance, nous trouvons que cette méthode de diagnostic judi
ciaire est imprégnée du même esprit littéraire et mystique
qu'on trouve dans les œuvres de Freud et de ses élèves. Ils
s'attachent à des méthodes de psycho-analyse, qui séduisent par
l'ingéniosité et le charme des idées, mais nous effrayent par
l'absence totale de contrôle. On se trouve alors partagé entre
deux sentiments différents : on admire l'imagination subtile
des auteurs, on se dit qu'ils ont raison de préférer de telles
analyses aux fastidieux temps de réaction et à tout le fatras
de psychophysique dont on a tant abusé à la suite de Wundt
et de son école; on leur reconnaît le mérite de se comporter
en vrais psychologues, qui s'intéressent à des états d'âme;
mais d'autre part, on leur en veut de traiter ces questions
comme si c'étaient simplement des questions d'art, et non
des questions de science ; ils semblent avoir perdu le sens du
vrai, ou du moins du démontré; et perdre ce sens-là est chose
extrêmement grave dans les sciences. Une science sans contrôle
est comme un peuple sans mœurs, c'est un commencement de
décadence.
Je vais essayer de faire toucher du doigt le danger de ces
méthodes, en exposant et aussi en critiquant deux travaux
récents, publiés en Amérique, sur le sujet; elles sont croyons- MÉMOIRES ORIGINAUX 374
nous, peu connues en France, et la bibliographie publiée à la
suite d'un de ces articles ne contient aucun numéro français,
ce qui est bien significatif. Raison de plus pour les analyser et
les juger.
Les expériences d'Yerkes et Berry * sont des démonstrations
de cours, faites devant un auditoire d'élèves en psychologie.
Nous allons les décrire un peu longuement, car ce sera un bon
moyen de définir l'objet de la méthode.
Le premier essai fut le suivant : on avait placé dans un labo
ratoire deux boîtes, qui contenaient, la première une souris
dansante, et la seconde un paquet de cartes. Les deux boîtes
étaient recouvertes d'une étoffe et c'était seulement en les
découvrant qu'on en pouvait voir le contenu. Le but cherché
était de savoir, dans le cas où une personne verrait seulement
l'intérieur d'une des deux boîtes, quelle boîte aurait été vue.
La personne servant de sujet fut donc amenée dans le labo
ratoire par un assistant, puis à son choix elle découvrit une
des boîtes et fut ensuite ramenée dans la salle de cours. Les
expérimentateurs ne savaient pas autre chose. Le sujet s'assit
à une table, et on lui donna les instructions suivantes : « On
va vous dire des mots; à chaque mot vous en associerez un
autre; vous devez faire cette opération en disant le premier
mot qui vous vient à l'esprit; vous devez en outre vous
arranger pour qu'on ne devine pas quelle boîte vous avez vue
dans le laboratoire. » Remarquons tout de suite que cette
instruction est un peu critiquable : d'abord elle est légèrement
contradictoire : si le sujet doit dissimuler quelque chose, pour
quoi l'obliger à répondre par le premier mot qui lui vient à
l'esprit? C'est le moyen de se trahir. En second lieu, puisque
l'expérience a la visée ambitieuse de servir un peu à la pra
tique judiciaire de la découverte de la vérité, on devrait placer
le sujet dans la condition mentale d'un accusé, et lui donner
seulement l'ordre de dissimuler la vérité; quant à sa manière
de choisir les mots à répondre, ou quant à la vitesse qu'il doit
imprimer à l'opération, on devrait lui laisser toute liberté, car
un accusé véritable aurait toute liberté dans ces conditions.
On avait fait deux listes de trente mots chacune; dans la pre
mière liste, il y avait vingt-deux mots insignifiants, et huit mots
significatifs, qui avaient trait à la souris : c'étaient les :
1. R. M. Yerkes et Ch. P. Berry. The Association Reaction Method of
Mental Diagnosis (La méthode de diagnose mentale par les réactions
d'association). The American Journ. of Psychology, janvier 1909, 22-37. BINET. — DIAGNOSTIC JUDICIAIRE 37S A.
boîte, mouvement, petite, blanche, danse, queue, rat; on com
prend que ces mots devaient éveiller une idée particulièrement
intéressante chez quelqu'un qui a découvert la boîte contenant
la souris ; la seconde liste contenait semblablement vingt-deux
mots insignifiants et huit mots significatifs, qui avaient trait
au paquet de cartes. Le sujet, dans un profond silence, écouta
d'abord les mots de la première liste : et

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