Le droit des nations aux Indes orientales (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles) - article ; n°5 ; vol.19, pg 869-884
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1964 - Volume 19 - Numéro 5 - Pages 869-884
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles H. Alexandrowicz
Le droit des nations aux Indes orientales (XVIe, XVIIe et XVIIIe
siècles)
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 5, 1964. pp. 869-884.
Citer ce document / Cite this document :
Alexandrowicz Charles H. Le droit des nations aux Indes orientales (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles). In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 19e année, N. 5, 1964. pp. 869-884.
doi : 10.3406/ahess.1964.421228
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1964_num_19_5_421228Le Droit des Nations
aux Indes Orientales
AUX XV V, XVII% XV7//* siècles
L'Universalité de la famille des nations.
Examinant, dans ses études sur l'histoire sociale et économique de
l'Asie, le problème de l'équilibre entre l'Europe et l'Asie au xvine siècle,
J. C. van Leur écrit : « L'immense progrès technique du xixe siècle a
introduit l'élément exotique dans la littérature concernant l'Asie et a
imposé en même temps une image d'états orientaux tombés en déca
dence et de despotismes anarchiques, mis en opposition avec la force
motrice, la perfection et le libéralisme des états chrétiens de l'Occident.
La littérature missionnaire et politique a appliqué cette image à tous
les états, à commencer par la Turquie et la Perse jusqu'à la Chine et au
Japon... Il y a lieu de se méfier de cette image de décadence projetée en
arrière, du xixe siècle vers le passé. Ceci est particulièrement évident si
l'on considère le xvine siècle... La Perse était au xvme siècle un pays
encore intact. En Inde, l'établissement du pouvoir local et même régio
nal par la France et l'Angleterre ne troublait la puissance de l'Empire
Mogol que superficiellement. Les états de la Birmanie et de l'Inde exté
rieure restaient intacts également... ». Van Leur se demande enfin si
l'équilibre entre l'Europe et l'Asie fut renversé au xvine siècle et il
donne une réponse catégoriquement négative г.
Le procédé abusif qui consiste à projeter vers le passé un état de
choses vrai seulement pour le xixe siècle, et qui a abouti à une déformat
ion de la réalité historique des xvie, xvne et xvine siècles en Asie, existe
également dans la littérature de droit international 2. Si nous consultons
1. Indonesian Trade and Society, par J. C. van. Leuk, 1955, p. 271.
2. Notre discussion se limite à ces trois siècles, car c'est pendant cette période
(commençant avec l'arrivée de Vasco da Gama en Inde) que plusieurs puissances euro
péennes ont maintenu des relations sur un pied d'égalité avec un grand nombre de sou
verains aux Indes Orientales. Voir : Traités et Relations diplomatiques entre les pays
ďEurope et de VAsie du sud, par C. Alexandrowicz (Recueil des Cours de l'Académie
de Droit International), 1961, t. 100 ; trad, par M. Lévy ; cité ci-après : Recueil des
Cours.
869 ANNALES
les principaux ouvrages consacrés au développement de la famille des
nations, l'extension de cette famille s'y trouve habituellement expli
quée de la façon suivante : l'Europe chrétienne est conçue comme étant
le noyau de la famille des nations et de la civilisation chrétienne. Les
premiers pays non-européens à être admis dans cette famille furent les
États-Unis, certains pays d'Amérique latine et les républiques chré
tiennes de Haïti et du Liberia. Ce n'est que postérieurement, en 1856,
qu'un premier état non-chrétien, la Turquie, fut admis dans ce que l'on
appelait « le concert européen ». Le Japon, la Chine, la Perse et le Siam
y furent admis bien plus tard 4
Une telle conception de la naissance de la famille des nations est-elle
conciliable avec le droit et les faits du passé ? Est-il possible de considé
rer que la Turquie et les autres puissances asiatiques ne sont devenus
membres de la famille des nations que postérieurement à Haïti et au
Liberia ? Pour la Turquie par exemple, les relations diplomatiques
qu'elle a eues, depuis le xvie siècle, avec la plupart des grandes puissances
d'Europe, les nombreux traités conclus, ses diverses relations commerc
iales avec les pays européens, montrent clairement qu'elle faisait par
tie de la famille des nations antérieurement au xixe siècle. La position
des autres puissances asiatiques était pratiquement identique. L'Empire
Mogol en Inde, la Perse, le Siam et les puissances indonésiennes ont
exercé le droit de légation actif et passif et ont conclu de nombreux trai
tés avec des puissances européennes. Ces diverses transactions ont eu
lieu dans le cadre du droit classique des nations. Le commerce entre
l'Europe et les Indes Orientales était d'une importance primordiale pour
l'économie européenne. Afin d'obtenu* des privilèges commerciaux, les
compagnies des Indes Orientales (partiellement souveraines) se sont
insérées dans le réseau des relations suzerain-vassal aux Indes Orientales
et elles ont quelquefois accepté d'être dans une position juridiquement
subordonnée à l'égard d'un souverain local 2. Elles ont commencé leur
carrière commerciale et politique grâce à l'attitude des souverains asia
tiques envers la position juridique des communautés étrangères en génér
al. Les coutumes maritimes en vigueur aux Indes Orientales permett
aient une communication régulière transocéanique. En cas de guerre,
on observait certains principes, traditionnellement acceptés par les pays
asiatiques, comme ceux relatifs aux « temperamenta belli ». Aussi les
auteurs européens classiques (Grotius, Freitas, Wolff, Martens et Vattel)
ne mettent-ils pas en doute, à l'époque, la valeur des anciennes civilisa-
1. Voir International Law, par Oppenheim, 1958, I, 48 ; Traité de Droit Interna
tional Public par P. Fauchille, 1922, 1, 1 (28, 31, 72) ; Traité de Droit International
Public, par M. Sibert, 1951, I, 22.
2. Au xviiie siècle, le gouverneur de Pondichéry accepta la dignité de Nawab
de l'Empire Mogol, et la compagnie des Indes Orientales anglaise reçut la diwanie de
Bengale, Bihar et Orissa (« Lord Clive », par Macaulay, Critical and Historical Essays,
1883).
870 DROIT DES NATIONS
tions asiatiques. Et même s'ils les apprécient avec certaines réserves, ils
considèrent la famille des nations comme une communauté universelle
s'étendant non seulement à l'Europe mais encore à l'Asie, sans tenir
compte des différences de religion ou de civilisation.
Le point de vue des auteurs classiques était évidemment fondé sur
le droit naturel, que celui-ci fût de nature religieuse ou séculière. Le trait
essentiel de ce droit était son universalité l. On doit aussi souligner que
l'école classique, telle qu'elle est mise en évidence par l'œuvre de Gro-
tius, n'a jamais considéré les pays asiatiques comme terrae nullius ou
comme susceptibles de découverte ou d'occupation à la suite d'une
donation papale. Chaque fois que les puissances européennes ont acquis
des droits territoriaux aux Indes Orientales, elles l'ont fait par un traité
de cession ou par la conquête, conformément aux principes du droit
européen des nations et aux coutumes alors en vigueur dans les pays
asiatiques 2.
En outre, selon le droit classique depuis Bodin 3, la souveraineté
de facto de n'importe quel monarque indépendant, en Europe ou en
Asie, signifiait automatiquement une souveraineté de jure. Aucune théor
ie de la reconnaissance des états n'existait dans le droit des nations
antérieurement au xixe siècle. (Si des actes de reconnaissance à l'égard
d'un état souverain étaient effectués, ils avaient un effet déclaratif et
non constitutif.) Tout souverain admis à conclure un traité, ou à nouer
des relations diplomatiques, avait automatiquement sa place dans le
domaine du droit des nations. Comment se fait-il alors que l'Empire Otto
man et d'autres puissances asiatiques, qui avaient leur place dans la
famille des nations avant le xixe siècle, aient pu être soudain relégués
à la position de candidats à l'admission dans la famille des nations au
xixe siècle ? L'explication se trouve dans l'extinction graduelle de la
conception « naturaliste » du droit international, et dans la croissance du
positivisme

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