LE MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN DU POINT DE VUE DES COURS  CONSTITUTIONNELLES EUROPÉENNES
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LE MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN DU POINT DE VUE DES COURS CONSTITUTIONNELLES EUROPÉENNES par Kęstutis LapinskasJuge de la Cour constitutionnelle de la République de LituanieReprésentant de la cour constitutionnelle présidant la Conférence des cours constitutionnelles européennes1. La Conférence des cours constitutionnellesD’après les statuts de la Conférence des cours constitutionnelles, cette Conférence repose sur la déclaration d’intention commune des présidents des cours constitutionnelles européennes et des institutions analogues. Elle ne produit pas d’effets juridiques contraignants pour les tiers.La Conférence promeut l’échange d’informations sur les méthodes de travail et la jurisprudence constitutionnelle des cours membres, ainsi que l’échange d’avis sur des questions institutionnelles, structurelles et opérationnelles dans le domaine de la justice constitutionnelle et de droit public. Par ailleurs, elle prend des mesures pour promouvoir l’indépendance des cours constitutionnelles comme un facteur essentiel garantissant et appliquant la démocratie et l’état de droit, notamment en vue de garantir la protection des droits de l’homme. Elle soutient les efforts visant à maintenir des contacts réguliers entre les cours constitutionnelles européennes et les institutions analogues.La Conférence des cours constitutionnelles est donc l’un des instruments de contact et de coopération entre les cours constitutionnelles des pays de l’Europe. Il va de soi ...

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PE 364.812
FR
FR
LE MANDAT D’ARRÊT EUROPÉEN DU POINT DE VUE DES COURS
CONSTITUTIONNELLES EUROPÉENNES
par
Kęstutis Lapinskas
Juge de la Cour constitutionnelle de la République de Lituanie
Représentant de la cour constitutionnelle présidant la Conférence des cours constitu
t
ionnelles
européennes
1. La Conférence des cours constitutionnelles
D’après les statuts de la Conférence des cours constitutionnelles, cette Conférence repose sur la
déclaration d’intention commune des présidents des cours constitutionnelles européennes et des
institutions analogues. Elle ne produit pas d’effets juridiques contraignants pour les tiers.
La Conférence promeut l’échange d’informations sur les méthodes de travail et la jurisprudence
constitutionnelle des cours membres, ainsi que l’échange d’avis sur des questions
institutionnelles, structurelles et opérationnelles dans le domaine de la justice constitutionnelle et
de droit public. Par ailleurs, elle prend des mesures pour promouvoir l’indépendance des cours
constitutionnelles comme un facteur essentiel garantissant et appliquant la démocratie et l’état de
droit, notamment en vue de garantir la protection des droits de l’homme. Elle soutient les efforts
visant à maintenir des contacts réguliers entre les cours constitutionnelles européennes et les
institutions analogues.
La Conférence des cours constitutionnelles est donc l’un des instruments de contact et de
coopération entre les cours constitutionnelles des pays de l’Europe. Il va de soi qu’elle ne se
substitue pas aux contacts bilatéraux ou régionaux établis entre cours. En revanche, la
Conférence est l’organisation qui contribue à créer ces relations bilatérales, à échanger des
informations, à être informé des problèmes que nos collègues sont amenés à résoudre et à
présenter une position unique sur les problèmes les plus importants des dossiers de justice
constitutionnelle.
Par conséquent, je souhaite vous présenter non pas une décision ou un avis commun de la
Conférence des cours constitutionnelles, mais bien quelques observations relatives à la
jurisprudence récente des cours constitutionnelles européennes concernant les questions liées au
mandat d’arrêt européen.
2. Le rôle des cours constitutionnelles dans la protection des droits de l’homme
La cour constitutionnelle juge en dernier recours la constitutionnalité des actes législatifs
nationaux. Dans les pays dont les cours constitutionnelles sont membres de la Conférence, les
droits de l’homme font partie intégrante de l’ordre juridique fondamental que les cours
constitutionnelles sont chargées de surveiller et sauvegarder. Leur jurisprudence et leur pratique
s’influencent mutuellement, tandis que la jurisprudence et la pratique de la Cour européenne des
droits de l’homme sont d’une importante vitale pour apprécier comme il se doit les dr
o
its de
l’homme. Après tout, le titulaire des droits de l’homme est le même partout: la personne.
En outre, il convient de garder à l’esprit que les cours constitutionnelles nationales, la Cour de
justice et la Cour européenne des droits de l’homme jouen
t
le rôle le plus important en se
prononçant sur la conformité des limitations des droits de l’homme avec les constitutions
nationales, le traité instituant l’UE et les instruments internationaux du secteur des droits de
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l’homme. Les législateurs doivent donc examiner attentivement leur jurisprudence dans ces
domaines de juridiction.
I
l importe également de souligner que dans les États dans lesquels la Constitution est interprétée
par les cours constitutionnelles (ou par les cours suprêmes compétentes pour contrôler la
constitutionnalité des actes législatifs), la jurisprudence des cours constitutionnelles représente
généralement une partie importante de la Constitution en soi. À ce titre, elles contribuent à la
création et au développement d’une Constitution vivante.
3. La jurisprudence récente des cours constitutionnelles et suprêmes européennes
concernant le mandat d’arrêt européen
L’un des facteurs qui démontrent la complexité et les problèmes inhérents à l’application du
mandat d’arrêt européen réside dans le fait qu’après son adoption par l’Union européenne, de
nombreuses questions sur ce mandat, notamment sur sa constitutionnalité et sa légalité, ont été
posées dans l’enceinte de juridictions nationales, voire de cours constitutionnelles. Les meilleurs
exemples sont l’arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise du 27 avril 2005, l’arrêt de la Cour
constitutionnelle allemande du 19 juillet et la question préjudicielle adressée à la Cour de justice
européenne par la Cour d’arbitrage belge le 29 juillet 2005
3.1. L’arrêt de la Cour constitutionnelle polonaise du 27 avril 2005
Dans son arrêt du 27 avril 2005, la Cour constitutionnelle de Pologne a déclaré que l’article 607t,
alinéa 1, du code de procédure pénale permettant d’extrader un citoyen polonais vers d’un autre
État membre de l’Union européenne sur la base du mandat d’arrêt européen n’est pas conforme à
l’article 55, paragraphe 1, de la Constitution.
Le principal argument de la Cour constitutionnelle tient en ce que l’interdiction d’extradi
t
i
o
n
prévue par la disposition constitutionnelle précitée exprime le droit des citoyens polonais d’être
tenu pénalement responsable devant une juridiction polonaise. L’extradition d’un citoyen vers un
autre État membre sur la base du mandat d’arrêt européen empêcherait totalement l’exercice de
ce droit et constituerai
t
ipso facto
une violation de l’essence même de ce droit, laquelle est
inacceptable au sens de l’article 31, paragraphe 3, de la Constitution. La Cour polonaise a donc
reconnu que l’interdiction d’extradition des citoyens polonais énoncée à l’article 55, paragraphe
1, est absolue et le droit individuel des citoyens qui en découle ne peut être soumis à aucune
limitation.
La Cour a noté que le code de procédure pénale ne contient aucune disposition stipulant
expressis verbis
que l’extradition d’une personne poursuivie sur la base d’un mandat d’arrêt
européen depuis le territoire de la République de Pologne s’applique également aux citoyens
polonais. Une telle disposition devrait toutefois découler de l’article 607t, alinéa 1, à rapprocher
de l’article 607p du code de procédure pénale, lequel ne répertorie pas la détention de la
nationalité polonaise par la personne poursuivie dans la liste des conditions préalables au refus
impérieux d’exécuter un mandat d’arrêt européen.
La Cour a également signalé que l’obligation d’interpréter le droit national dans le sens du droit
communautaire (de manière à se conformer à ce droit) affiche ses limites. Ces limites découlent
p
lus particulièrement de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes,
en vertu de laquelle la législation dérivée européenne ne peut aggraver de manière indépendante
(en l’absence de modifications adaptées de la législation nationale) la situation d’une personne,
notamment en matière de responsabilité pénale. Il ne fait aucun doute que l’extradition d’une
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personne poursuivie sur la base d’un mandat d’arrêt européen aux fins de mener, à l’encontre de
cette personne, des poursuites pénales pour un comportement qui ne constitue pas une infraction
pénale aux termes de la législation polonaise, contribue à aggraver la situation du suspect.
Au vu du contenu de l’article 9 de la Constitution et des obligations découlant de l’adhésion de la
Pologne à l’Union européenne, il paraît inévitable de modifier la loi d’application pour permettre
une mise en œuvre complète, concomitante et compatible sur un plan constitutionnel de la
décision-cadre du 13 juillet 2002. Pour permettre de mener à bien cette tâche, une modification
adéquate de l’article 55, paragraphe 1, de la Constitution n’est pas exclue. De cette manière, cette
d
isposi
t
ion prévoirait une exception à l’interdiction d’extradition des citoyens polonais et
autoriserait leur extradi
t
ion vers d’autres États membres de l’Union européenne sur la base d’un
mandat d’arrêt européen.
La Cour polonaise a précisé que l’institution du mandat d’arrêt européen revêt une importance
essentielle pour l’administration de la justice et principalement - en sa qualité d’outil de
coopération entre les États membres engagés dans la lutte contre la criminalité - pour
l’amélioration de la sécurité. En conséquence, le législateur polonais doit accorder la plus haute
priorité à la garantie de son bon fonctionnement. Étant donné la complexité et les exigences plus
contraignantes (notamment pour les délais) inhérentes à la procédure d’amendement de la loi, et
le fait que la Pologne n’est tenue de mettre en œuvre la décision-cadre du 13 juillet que depuis la
date d’adhésion du pays à l’Union, c’est-à-dire depuis le premier mai 2004, la Cour a décidé que
la suppression de la valeur contraignante de la disposition inconstitutionnelle serait reportée de
dix-huit mois, soit la période de report maximale. Tant que cette disposition restera en vigueur,
les tribunaux p
o
lonais ne pourront refuser de l’appliquer au motif qu’elle n’est pas conforme à
l’article 55, paragraphe 1, de la Constitution.
3.2. L’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 19 juillet 2005
Dans son arrêt du 18 juillet 2005, la deuxième chambre de la Cour constitutionnelle fédérale a
déclaré nulle la loi sur le mandat d’arrêt européen (qui met en oeuvre la décision-cadre du
Conseil).
D’après
la
Cour
constitutionnelle
allemande,
la
loi
empiète
de
manière
d
isproportionnée sur la liberté d’échapper à une extradi
t
ion (article 16.2 de la Constitution) dans
la mesure où le législateur n’a pleinement exploité la marge de manœuvre qui lui a été accordée
par la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen, laquelle marge a pour but que la mise en
œuvre de la décision-cadre en vue de sa transposition dans le droit national prenne le plus
possible en considération le droit fondamental en question. Par ailleurs, la loi sur le mandat
d’arrêt européen enfreint la garantie d’un droit de recours en justice (article 19.4 de la
Constitution) puisqu’il n’existe aucun moyen de contester la décision judiciaire autorisant
l’extradition. Par conséquent, l’extradition d’un citoyen allemand n’est pas possible tant que le
législateur n’adoptera pas une nouvelle loi appliquant l’article 16.2, alinéa 2, de la Constitution.
Ainsi, la plainte constitutionnelle déposée par le plaignant censé être extradé vers l’Espagne pour
y être poursuivi pénalement sur la base d’un mandat d’arrêt européen a abouti. L’arrêté de la
Cour supérieure régi
o
nale (Oberlandesgericht) et la décision de l’autorité judiciaire autorisant
l’extradition ont été révoqués.
3.2.1. En ce qui concerne le premier aspect de la décision concernant les restrictions
d
isproportionnées à la liberté d’échapper à une extradi
t
ion, la décision est fondée sur les
considérations suivantes: basée sur l’article 16.2, alinéa 2, de la Constitution, la protection des
ci
t
o
yens allemands contre une extradition peut être limitée par la loi sous réserve de plusieurs
condi
t
ions préalables énoncées à l’article 16.2, alinéa 2, de la Constitution. Lors de l’adoption de
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la loi mettant en application la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen, le législateur a été
contraint de mettre en œuvre l’objectif de la décision-cadre de manière à ce que la limitation du
droi
t
fondamental d’échapper à une extradi
t
ion soit proportionnée. Le législateur a dû veiller
p
lus particulièrement à ce que l’empiètement sur le champ d’application de la protection visé par
la l’article 16.2 de la Constituti
o
n soit raisonnable. La confiance dans le système juridique
national est particulièrement protégée dans le cas où la loi sur laquelle repose la demande
d’extradition comporte un facteur de rattachement national notable. En principe, n’importe quel
ci
t
o
yen allemand qui commet une infraction pénale dans son propre espace juridique ne doit pas
craindre une extradition vers un autre État. Le résultat de l’examen sera toutefois différent dans
le cas où il existe un facteur de rattachement notable à un pays étranger concernant l’infraction
présumée. Quiconque commet une infraction dans un autre espace juridique doit s’attendre à être
également tenu responsable par le système de cet espace.
La Cour constitutionnelle allemande a arrêté que la loi sur le mandat d’arrêt européen ne répond
pas à cette norme: le législateur n’a pas pris suffisamment compte des intérêts spécifiquement
protégés des citoyens allemands; la décision-cadre permet par exemple aux autorités judiciaires
exécutantes de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen s’il porte sur des infractions
commises sur le territoire de l’État membre sollicité. Pour les infractions comportant un facteur
de rattachement national notable, le législateur aurait dû prévoir la possibilité de refuser
l’extradition de citoyens allemands. Pour le reste, la loi sur le mandat d’arrêt offre une protection
déficiente concernant la possibilité de refuser une extradition du fait du lancement de poursuites
pénales sur le territoire national dans le cadre du même dossier, parce que les poursuites sur le
terri
t
o
ire national ont été abandonnées ou parce que l’ouverture d’une procédure judiciaire a été
refusée.
Les lacunes du texte législatif ne sont pas suffisamment compensées par le fait que la loi sur le
mandat d’arrêt européen prévoit la possibilité d’exécuter dans son État d’origine une peine
d’emprisonnement imposée à l’étranger: il convient de reconnaître que cette mesure vise en
principe à protéger les citoyens de son propre État et qu’elle concerne uniquement l’exécution de
la peine et non les poursuites pénales.
3.2.2. S’agissant du second aspect de la décision (concernant la violation de la garantie du droit
de recours judiciaire), la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne a signalé que la loi sur le
mandat d’arrêt européen inclut les motifs d’une non-exécution éventuelle du mandat d’arrêt
européen qui sont énoncés dans la décision-cadre. Ce faisant, le législateur allemand a
essentiellement opté pour une solution discrétionnaire. Comme la procédure de délivrance d’une
extradi
t
ion est complétée par des motifs bien définis de refus, dans le cas d’une extradition vers
un autre État membre de l’Union européenne, l’autorité chargée de prononcer l’extradition ne
décide plus seulement des aspects de poli
t
ique étrangère et de poli
t
ique générale de la demande
d’extradition, mais doi
t
mesurer quel dossier relève d’une procédure pénale particulière dans
l’État d’origine de la personne en cause. Le fait que la procédure de délivrance d’une extradition
soit complétée par des éléments constitutifs supplémentaires d’infractions laissés à la discrétion
de l’autorité compétente engendre une modification qualitative de l’extradition. Fondée sur un
examen équilibré des faits et circonstances, la décision à prendre doit protéger les droi
t
s
fondamentaux de la personne protégée et ne peut se soustraire à un examen judiciaire.
3.3.
Question préjudicielle adressée à la Cour de justice par la Cour d’arbitrage belge le 13
juillet 2005
Dans son arrêt du 13 juillet 2005, la Cour d’arbitrage belge a décidé d’adresser deux questions
préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes: 1) la décision-cadre du
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Conseil du 13 juin 2002 est-elle compatible avec l’article 34, paragraphe 2, point b, du traité sur
l’Union européenne, en vertu duquel les décisions-cadres ne peuvent être adoptées qu’aux fins
du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres? 2) L’article
2, paragraphe 2, de la décision-cadre, dans la mesure où il écarte le contrôle de la double
incrimination pour les infractions énumérées dans l’article, est-il compatible avec l’article 6,
paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne et, plus spécifiquement, avec le principe de
légalité en matière pénale garanti par cette disposition et avec le principe d’égalité et de non-
d
iscrimination?
La Cour d’arbitrage émet des doutes quant à la validité de la décision-cadre au motif que le
mandat d’arrêt européen aurait dû être mis en œuvre par une convention et non par une décision-
cadre. En effet, aux termes de l’article 34, paragraphe 2, point f, du traité sur l’Union
européenne, les décisions-cadres ne peuvent être adoptées qu’aux fins du «rapprochement des
d
isposi
t
ions législatives et réglementaires de l’État membre», ce qui, de l’avis du plaignant, n’es
t
pas le cas de la présente décision-cadre.
La Cour d’arbitrage belge affirme également que les dispositions de l’article 2 de la décision-
cadre et une disposition semblable de l’article 5 du droit national qui a transposé dans ce dernier
la disposition susmentionnée de la décision-cadre ne répondent pas à l’exigence du principe de
légalité en matière pénale en ce que les infractions énumérées dans ces dispositions ne revêtent
pas un contenu normatif suffisamment clair et précis, mais constituent simplement des catégories
vaguement définies de comportements indésirables. L’absence de définition claire et précise des
infractions pourrait avoir pour effet que les autorités chargées d’exécuter le mandat d’arrêt
européen ne l’appliquent pas uniformément, violant ainsi le principe d’égalité et de non-
d
iscrimination.
3.4. Il convient également de préciser que certains des aspects du mandat d’arrêt européen sont
aussi remis en question par la
question préjudicielle adressée à la Cour de justice européenne
par la Cour suprême allemande (Bundesgerichtshof) le 30 juin 2005
.
Nous espérons que la décision préjudicielle de la Cour de justice européenne dans ce dossier et
d’autres fournira quelques orientations aux juridictions nationales dans le cadre de la mise en
œuvre de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002.
4. Généralités concernant la jurisprudence récente des cours constitutionnelles et suprêmes
européennes
L’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’UE, dispose ce qui suit:
«L'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le
4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États
membres, en tant que principes généraux du droit communautaire»
.
Le préambule de la décision-cadre du 13 juin 2002 dispose ce qui suit:
«(12) La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes
reconnus par l'article 6 du traité sur l'Union européenne et reflétés dans la Charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne(7), notamment son chapitre VI. Rien dans la présente
décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d'une
personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen s'il y a des raisons de croire, sur la base
d'éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une
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personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa
nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu'il peut
être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons.
La présente décision-cadre n'empêche pas un État membre d'appliquer ses règles
constitutionnelles relatives au respect du droit à un procès équitable, à la liberté d'association, à
la liberté de la presse et à la liberté d'expression dans d'autres médias».
I
l n’empêche que la jurisprudence récente de certaines cours constitutionnelles européennes
montre qua la constitutionnalité du mandat d’arrêt européen pose d’autres problèmes et si le
système du mandat ou les constitutions nationales ne sont pas modifiés en conséquence, ce
nouveau mandat ne fonctionnera pas sans difficultés.
Le premier problème porte sur la transposition inadéquate de la décision-cadre dans le droit
national. Les cours constitutionnelles allemande et polonaise ont signalé les lacunes de ces droits
nationaux et les ont déclarés inconstitutionnels. Dans les deux cas, les cours ont été tenues
d’interpréter la disposition constitutionnelle concernant la protection du citoyen allemand-
polonais contre une extradi
t
ion et les restrictions imposées à ce droit. Dans le cas belge, le
problème associé à l’absence de défini
t
ion claire et précise des infractions énoncées dans la
décision-cadre et le droit national a également soulevé des questions liées à la violation des
principes constitutionnels de légalité en matière pénale, d’égalité et de non-discrimination. Par
ailleurs, la Cour d’arbitrage belge soulève non seulement la question de la constitutionnalité du
droi
t
national, mais elle perçoit les mêmes problèmes avec la décision-cadre en soi.
Comme la Conférence des cours constitutionnelles européennes est avant tout un espace de
d
iscussion, de consultations et d’échange de jurisprudences et de bonnes pratiques, la cour
constitutionnelle de chaque État prend ses décisions sur la base de la Constitution de son pays.
Par conséquent, il est trop tôt pour évoquer une posi
t
ion commune de la Conférence des cours
constitutionnelles européennes sur les questions entourant le mandat d’arrêt européen. Toutefois,
jusqu’à présent, la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen pourrait susciter quelques
problèmes majeurs.
Tout d’abord, seuls quelques États membres de l’Union européenne ont estimé que pour mettre
correctement en œuvre le nouveau système du mandat d’arrêt européen, ils doivent d’abord
réviser leur Constitution. Les cours constitutionnelles étant les arbitres ultimes de la
constitutionnalité dans leurs pays respectifs, la Constitution représente la principale source de
protection des libertés et des droits humains fondamentaux - et les principaux problèmes liés à la
mise en œuvre du mandat d’arrêt européen sont associés à une série de droits humains
fondamentaux.
La décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen est transposée dans le droit national
principalement par des actes législatifs, ces derniers revêtant une valeur juridique inférieure à
celle de la Constitution. Par conséquent, si le droit national qui transpose la décision-cadre n’est
pas compatible avec la Constitution, la cour constitutionnelle la déclarera inconstitutionnelle,
même si la décision-cadre n’empêche pas un État membre d’appliquer ses règles
constitutionnelles relatives au respect du droit à un procès équitable, à la liberté d’association, à
la liberté de la presse et à la liberté d’expression dans d’autres médias.
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Ici, nous avons deux positions différentes de deux cours constitutionnelles: la Cour
constitutionnelle allemande a déclaré inconstitutionnelles les dispositions du droit allemand
mettant en application la décision-cadre et a arrêté que l’extradition de citoyens allemands vers
un autre État membre n’est plus possible tant que la nouvelle loi transposant la décision-cadre
n’aura pas été adoptée. Entre-temps, les autorités allemandes ne seront pas autorisées à exécuter
les extraditions et devront appliquer les dispositions nationales dans ce domaine. La Cour
constitutionnelle polonaise a également déclaré inconstitutionnelles les dispositions polonaises
mettant en œuvre la décision-cadre et arrêté que l’extradition de citoyens polonais n’est pas
possible sans la révision de la Constitution concernant les restrictions à l’interdiction
d’extradition des citoyens polonais vers d’autres États membres. Quoi qu’il en soit, la Cour
constitutionnelle polonaise a disposé que la suppression de la valeur contraignante de la
d
isposi
t
ion contestée sera reportée de dix-huit mois afin de permettre au législateur de prendre
les mesures législatives appropriées. La Cour constitutionnelle a également disposé que tant que
la disposition reste en vigueur, les tribunaux ne peuvent refuser de l’appliquer au motif qu’elle
serait inconstitutionnelle.
L’approche simplifiée de la coopération internationale est fondée sur l’un des plus importants
principes de droit communautaire, à savoir la reconnaissance mutuelle, en vertu de laquelle
l’autorité judiciaire responsable de la décision prise dans un État membre (par exemple, la
décision d’arrêter la personne ou la condamnation) doit être reconnue dans tous les autres États
membres. Il se fait que la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen est le premier acte
législatif no
r
matif imposant le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale. Il convient
de souligner que dans le droit communautaire, ce principe a été conçu comme le principe
interdisant à certains États membres de limiter les droits de l’homme qui sont reconnus dans les
autres États membres: si un État membre reconnaît le droit d’une personne d’adopter un
comportement donné (par exemple mettre en circulation certains produits), ce droit doit être
reconnu dans tous les autres États membres.
Dans le droit pénal, le contenu de ce principe change radicalement: si un État membre peut
restreindre des droits de l’homme, tous les États membres doivent faire de même. Si la personne
en cause peut être arrêtée dans l’État membre qui a délivré le mandat d’arrêt européen, il doit
être arrêté dans n’importe quel autre État membre. D’autre part, la transposi
t
ion du principe de
reconnaissance mutuelle équivaut également à étendre les droits de l’homme: outre le principe de
reconnaissance mutuelle du mandat d’arrêt européen, les États membres sont tenus de
reconnaître les condamnations prononcées; ainsi, le principe
ne bis in idem
est mieux protégé.
Le plus important réside dans le fait que les limitations des droits de l’homme possibles dans le
cadre de la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen soient compatibles avec les constitutions
nationales et le traité sur l’UE. Les constitutions nationales ou la jurisprudence constitutionnelle
prévoient les principaux critères qu’il convient d’observer pour que les restrictions des droits de
l’homme (si elles sont vraiment possibles) soient légales: les restrictions ne peuvent être fixées
que par la loi; les restrictions sont nécessaires dans une société démocratique pour protéger les
droits et les libertés d’autres personnes et les valeurs consacrées dans la Constitution, ainsi que
pour protéger des objectifs importants sur le plan constitutionnel; ces restrictions ne remettent
pas en cause la nature et l’essence de ces droits et libertés; le principe constitutionnel de
proportionnalité est observé; la Convention européenne des droits de l’homme autorise
également la limitation de certains droits garantis par cette dernière, pour autant que les
limitations soient prévues par la loi et soient nécessaires dans une société démocratique, ainsi
que dans des conditions impérieuses énoncées dans la Convention, notamment pour la sécurité
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nationale, la sécurité publique, la prospérité économique du pays, la prévention de troubles ou de
crimes, la protection de la santé et de la moralité et la protection des droits et libertés d’autrui.
Le mandat d’arrêt européen prévu par la décision-cadre constitue la première mesure concrète de
droit pénal à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle, que le Conseil qualifie de
«pierre angulaire» de la coopération judiciaire. Par conséquent, nous espérons que le législateur
européen et les législateurs nationaux veilleront - notamment dans l’optique de la protection des
droits de l’homme - à améliorer progressivement et minutieusement ce nouvel outil de
coopération judiciaire.
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