Le Miroir et la Régression, suivi d une Note sur topera - article ; n°1 ; vol.1, pg 25-36
13 pages
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Description

Romantisme - Année 1971 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 25-36
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Catherine Backès-Clément
Le Miroir et la Régression, suivi d'une Note sur topera
In: Romantisme, 1971, n°1-2. pp. 25-36.
Citer ce document / Cite this document :
Backès-Clément Catherine. Le Miroir et la Régression, suivi d'une Note sur topera. In: Romantisme, 1971, n°1-2. pp. 25-36.
doi : 10.3406/roman.1971.5368
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1971_num_1_1_5368CATHERINE BACKÈS-CLÉMENT
Le Miroir et la Régression
СЛ
L'étreinte poétique comme l'étreinte de chair
Tant qu'elle dure
Défend toute échappée sur la misère du monde.
André Breton,
Sur la route de San Romano.
Le discours philosophique n'est pas separable en droit du discours litt
éraire; leur séparation est en fait le résultat de l'histoire d'un savoir, et leur
isolement disciplinaire est sans doute l'une des caractéristiques de l'idéologie
humaniste dans ses dérivations décadentes. Le champ particulier du romant
isme permet de saisir au plus près le lieu commun des discours philosophique
et littéraire : le mythe, source du rationnel et de l'imaginaire. Le rationnel
qualifie la philosophie ; l'imaginaire est vécu comme le domaine de la « litt
érature » : c'est la méconnaissance de leur origine commune, de leur info
rmation par le mythe, qui opère leur séparation.
La floraison de la mythologie romantique demande à être réfléchie et
évaluée. Réfléchie, elle se regroupe en thèmes tragiques, ceux de l'amour et
de la mort, et de l'impossibilité de les vivre dans le même temps : impossible
unité. Du Liebestod wagnérien à la mythologie surréaliste de l'amour fou, le
lieu de l'impossible unité se situe entre un temps imaginaire et un temps
réel, historique, social; le conflit entre ces deux modalités temporelles
produit l'interdit qui sanctionne le désir romantique et le rend irréalisable.
Tel est le dessin du mythe romantique. Mais sur ce dessin se superposent,
dans le courant des évolutions idéologiques, d'autres figures, apparemment
différentes, et soutenues par les mêmes mots : amour, impossible, réel, mort.
La mythologie romantique, comme toute mythologie, suscite ses propres
réactivations et la persistance du mythe, son renforcement éventuel par le
code politique, rendent nécessaire son évaluation ; il faut pouvoir rendre
compte de la capacité qu'a la forme romantique de refluer sur le devant de
la scène mythique. On procédera pour ce faire à une démarche double : la
première, descriptive, cherchera à dessiner, au travers des mythologies
romantiques, des logiques; Hegel d'une part, Kierkegaard d'autre part,
donneront les matrices pour une mythologie romantique. La seconde démarc
he, qui servira de critique et d'appui à la première, trouvera dans l'expli
cation freudienne les schemes temporels et les structures logiques qui rendront
compte de l'impossible unité. J_,a théorie freudienne ne servira pas ici de clef
pour ouvrir les portes ultimes du bastion de la subjectivité : la psychanalvse
doit être prise comme l'instrument théorique capable de penser le sujet dans 26 Catherine Backès-Clément
la scission constituante effectuée par l'Inconscient. Si la philosophie permet
de décrire psychologiquement et logiquement la subjectivité romantique, la
psychanalyse permet d'articuler le subjectif imaginaire et le réel qui la
conditionne, et de faire apparaître ainsi certaines fonctions du romantisme.
Lieu des régressions aux paradis perdus de l'unité fictive originelle, le
romantisme est aussi le lieu des miroirs et de la folie qui s'y reflète, cherchant
à abolir la différence entre l'homme et la femme dans une fusion mortelle.
Ce mythe déforme, comme tout mythe ; on essaiera d'indiquer le sens de
cette déformation. S'il est mythe, si ses structures s'enracinent dans certaines
formes déterminées de la subjectivité, le romantisme ne saurait être conçu
seulement comme un mouvement littéraire, fût-il éternel; bien plutôt, nous
essaierons de le comprendre comme une des formes les plus irréductibles de
l'idéalisme philosophique, forme qui ne disparaît pas, mais se déplace ; nous
risquerons une description de ce déplacement.
I. Matrices philosophiques.
Hegel, comme Kierkegaard, pense le temps comme un rapport à la mort;
cette mort conçue comme disparition peut prendre des apparences variées;
elle peut être, pour Hegel, différée jusqu'à l'annulation — ou l'accompliss
ement total — du Savoir absolu; elle peut, comme dans la pensée de
Kierkegaard, prendre la forme de l'angoisse sans objet, ou d'une nécessité
avec laquelle le dandy, esthète et séducteur, joue. Certes, la temporalité est
réglée par deux logiques différentes : dans le système hégélien, le temps
est régi par la progression dialectique, c'est-à-dire par une alternance
nécessaire de termes radicalement différents entre eux, et cependant reliés
par leur produit commun; dans le système de Kierkegaard, la progression
est essentiellement discontinue, et procède par sauts, c'est-à-dire que le
temps réel est instantané, que ce soit celui de la séduction ou celui de la
confrontation angoissée avec la divinité. Mais pour l'un comme pour l'autre,
le temps progresse vers un terme qui implique une retrospection, un retour
en arrière. Pour Hegel, le de toute la progression dialectique implique
la réintégration par l'activité logique des événements passés, et donc
demande, lorsque tout le savoir est accompli, qu'il soit recommencé, puisque
la dialectique ne saurait en finir. « Ce mouvement, qui est la philosophie, est
déjà accompli lorsque, en conclusion, elle saisit sa propre notion, c'est-à-dire
jette seulement un regard en arrière sur son savoir3.» Saisir, c'est regarder
en arrière ; le temps, d'abord progressif dans son apprentissage, est en réalité
rétrospectif, et c'est ce qu'apprend la dialectique hégélienne : sous sa forme
romantique du moins, et du point de vue du savoir absolu. Pour Kierkegaard,
le temps est, en un sens, comme s'il avait déjà été accompli, déjà fait; toute
1. « Les murs ont la parole », Sorbonně, Odeon, Nanterre, Tchou.
2. Lévi-Strauss, L'origine des manières de table, p. 106.
3. Hegel, Précis de l'encyclopédie des sciences philosophiques, p. 308. Le Miroir et la Régression 27
une partie du discours kierkegaardien se tient de façon « posthume 4 » :
« l'homme étant conscience, il est donc le lieu où le temps et l'éternité se
trouvent en contact perpétuel, où l'éternel fait irruption dans le temporel5 ».
L'instance d'éternité transforme l'homme en mort vivant, en parole posthume,
rétrospective.
Pour faire le lien avec la mythologie romantique, il faut comprendre
quel est, pour chacun des deux philosophes, le statut de la subjectivité et
du rapport entre les sujets : pour l'un comme pour l'autre, elle passe par un
moment essentiellement romantique : le rapport amoureux, pour Kierkegaard,
ou agressif, pour Hegel. Ce rapport est une relation en miroir et le discours
du sujet est un monologue : telle est la subjectivité romantique e.
1. Mythologiques et logiques hégéliennes.
On appellera ici mythologique le parcours de la phénoménologie de
l'Esprit; en effet, dans l'ensemble hégélien, la démarche phénoménologique
se présente comme le mouvement qui conduit l'individu à la science : un
devenir-science accompagné de figures. « L'élément de la science » — c'est-à-
dire le savoir logique de la dialectique — est séparé de la conscience par le
chemin qui conduit du mythe au concept, de la figure à son savoir rétrospectif.
Dans le chemin phénoménologique, les premières figures des rapports inter
individuels s'appellent dialectique de la conscience de soi, et contiennent
la modalité du rapport la plus radicale : c'est la dialectique du Maître et de
l'Esclave. Sans nous intéresser directement à cette figuration de la phéno
ménologie, nous chercherons l'origine même du rapport : la constitution de
ce qui peut sembler dialogue et qui, structurellement, est monologue :
discours « de soi à soi », c'est la définition même de la Conscience de soi,

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