Le nombre et le bonheur des hommes. Alfred Sauvy et les politiques de population - article ; n°6 ; vol.47, pg 1575-1588
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Le nombre et le bonheur des hommes. Alfred Sauvy et les politiques de population - article ; n°6 ; vol.47, pg 1575-1588

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Description

Population - Année 1992 - Volume 47 - Numéro 6 - Pages 1575-1588
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Chesnais
Le nombre et le bonheur des hommes. Alfred Sauvy et les
politiques de population
In: Population, 47e année, n°6, 1992 pp. 1575-1588.
Citer ce document / Cite this document :
Chesnais Jean-Claude. Le nombre et le bonheur des hommes. Alfred Sauvy et les politiques de population. In: Population, 47e
année, n°6, 1992 pp. 1575-1588.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1992_num_47_6_3940Le nombre et le bonheur des hommes
Alfred Sauvy et les politiques
de population
Jean-Claude CHESNAIS*
Alfred Sauvy excellait dans l'art de la synthèse. Héritier de la grande
tradition des arithméticiens politiques, de Vauban à Quételet, en passant
par Laplace et Condorcet, il a, très tôt, voulu mettre la science au service
de l'action. Ayant, de son vivant, vu les prouesses de la médecine moderne,
il sera toujours fasciné par le retard des mentalités, la méconnaissance de
la société sur elle-même :
«Vers 1930, je perçois, avec quel déchirement, l'ignorance profonde des
hommes politiques à l'égard des choses qu'ils entendent manier (...) ; gé
nérale est l'ignorance, bien portée d'ailleurs, et plus poussée que celle des
médecins de Molière. »(1)
A l'issue d'un long examen des faits démographiques, il parvient alors
à la conclusion qu'en France la baisse de la natalité est allée au-delà du
point critique et qu'elle met en danger la liberté de la France et le bonheur
de ses habitants.
Dès lors, il n'aura de cesse de lutter pour l'affranchissement des es
prits. S'inspirant du déroulement de l'acte médical, il met au point une
règle originale, simple et utile, mais qui n'est enseignée nulle part, pour
passer du constat scientifique à la décision politique ; c'est la méthode
séquentielle. Celle-ci se divise en quatre temps : la statistique, le diagnost
ic, le pronostic, la thérapeutique. La statistique repose sur l'observation
continue des faits; le diagnostic en est l'explication; mais cette interpré
tation est fragile, et provisoire ; elle est à revoir constamment en fonction
de l'expérience. Quant au pronostic, ce n'est pas une prédiction, ce n'est
qu'une simple prévision conditionnelle, tirée de l'observation et du dia
gnostic ; pour apprécier la justesse des raisonnements, c'est le seul test
valable. La thérapeutique, enfin, se confond ici avec les recommandations
politiques.
* INED.
(I) Sauvy, A. : La vie en plus: souvenirs, Paris, Calmana-Lévy, 1981.
Population, 6, 1992, 1575-1588 1 576 LE NOMBRE ET LE BONHEUR DES HOMMES
Le premier Sauvy est un défricheur timide, qui hésite à franchir le
dernier palier : jusqu'à la veille de la guerre, il reste observateur et, à la
rigueur, projeteur (prévisionniste). Mais en novembre 1938, il devient ac
teur ; il joue même les premiers rôles : nommé ministre des Finances, Paul
Reynaud l'appelle à son cabinet; Alfred Sauvy en profite pour donner de
l'élan à la politique familiale. Au lendemain de la guerre, sans être au
tout premier plan, il est présent dans les coulisses. Spectateur engagé, il
se consacre à sa passion: «éclairer l'action politique»; devenu homme
d'influence, il conseille, par la parole et surtout par les écrits, qui se font
désormais innombrables. C'est que l'instrument d'observation, dont il rê
vait, existe et fait merveille : l'INED est là qui lui épargne son temps.
I. - Le premier Sauvy, ou le défricheur, 1927-1938
Alfred Sauvy se destinait à l'astronomie. Il sera observateur. Il suivra
non pas le mouvement des planètes, mais celui des indices économiques
et accessoirement - en début de carrière tout au moins - l'évolution des
populations humaines. Jeune diplômé, en quête d'emploi, il se présente,
en 1922, à un concours de recrutement; il le réussit: le voilà embauché
à la Statistique Générale de la France (l'ancêtre de l'INSEE).
S'il publie peu sur les questions de population, il creuse un sillon
profond, marquant. Chacune de ses interventions à la Société de Statistique
de Paris porte sur un sujet crucial pour la vie du pays et, à chaque fois,
il ne manque pas d'apporter un éclairage novateur. Ainsi, en 1927(2), dans
sa première contribution, il fait le bilan des francisations et évalue l'apport
démographique des étrangers. L'année suivante, il publie les premières pro
jections de population réalisées en France, du moins les projec
tions «analytiques» (c'est-à-dire détaillées suivant le sexe et l'âge des
habitants); en 1932 et 1937(3), il reprend et prolonge ses calculs, avec des
hypothèses nouvelles: ce sont, bien entendu, des projections «conditionn
elles», qui ne font qu'illustrer des avenirs possibles, définis par les choix
d'hypothèses retenus. Mais l'exercice a des vertus pédagogiques hors pair.
Il conduit l'auteur à montrer les risques associés à la prolongation des
tendances observées, en particulier au maintien ou à l'accentuation de la
sous-fécondité de l'époque. Le résultat attendu est clair : le vieillissement
de la population est appelé à s'amplifier; or la France est déjà le pays
qui, en raison de la baisse prolongée de sa natalité, compte la plus forte
proportion de personnes âgées dans sa population. Mais que signifie ce
vieillissement pour le devenir de la société? Ce n'est pas l'augmentation
du nombre ou de la proportion de personnes âgées qui semble, selon Sauvy,
(2> Sauvy, A. : «La population étrangère et les naturalisations», Journal de la Société
de Statistique de Paris (J.S.S.R), 19 janvier 1927.
<3> Sauvy, A. : «La française jusqu'en 1956», J.S.S.P. 1928 et 1929. «Cal
culs démographiques sur la population 1980», J.S.S.P., 1932; «Perspect
ives statistiques sur la population, l'enseignement et le chômage», 1937. LE NOMBRE ET LE BONHEUR DES HOMMES 1 577
devoir créer le plus de difficultés, c'est davantage le recul possible de la
jeunesse : c'est donc l'avenir même qui est en cause. La source des pro
blèmes tient, finalement, dans la partie invisible de la pyramide des âges :
il s'agit de «ceux qui ne sont pas nés»; autrement dit, du déficit des
naissances par rapport à une norme, supposée optimale (le remplacement
des générations).
L'Encyclopédie française En 1936, de même, dans une contribu-
Le potentiel d'accroissement tion à Y Encyclopédie française^, réa
lisée sous la direction de Maurice
Halbwachs, Alfred Sauvy traite de deux sujets : le renouvellement des géné
rations et l'immigration étrangère. Sur le premier point, il rappelle que la
France est le premier pays à s'être engagé dans la voie de la restriction
des naissances et que le mouvement a pris une telle ampleur qu'en 1933,
le taux net de reproduction est nettement inférieur à l'unité (il est tombé
à 0,86). La France est, écrit-il, en situation de «dépopulation virtuelle»;
son «pouvoir d'accroissement», son «potentiel vital» est insuffisant pour
assurer l'équilibre démographique à long terme. Mais que faire? Attendre
un relèvement « spontané » ? Ou réagir par des « mesures législatives pro
natalistes»? L'auteur soulève la question, mais il ne tranche pas. Il met
cependant en garde contre le risque de cercle vicieux, de mouvement auto-
entretenu, le vieillissement pouvant, par les dépenses qu'il entraîne, amp
lifier la baisse de la natalité :
«quel que soit le régime économique, les vieillards sont à la charge de
la collectivité (...) Si les charges sont trop lourdes, les jeunes ménages
vivent de revenus réduits et limitent le nombre de leurs enfants.»
Cet argument oublié dans l'euphorie des «trente glorieuses», est r
edevenu d'une brûlante actualité dans la France contemporaine. Quelques
années plus tard seulement, en 1946, prônant la souplesse et l'allégement
des coûts, il se fera l'avocat de la retraite « progressive »(5).
Les néo-Français et le destin Sur le bilan de l'apport démographi-
national que de l'immigration, il dresse,
toujours en 1936, une première évalu
ation, simplifiée certes, mais

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