Le paradigme berbère : approche de la logique classificatoire des anthropologues français du XIXe siècle - article ; n°3 ; vol.1, pg 257-275
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Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1989 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 257-275
THE BERBER PARADIGM : THE CLASSIFYING LOGIC OF FRENCH ANTHROPOLOGISTS DURING THE XIXth CENTURY Summary. — This paper examines the scientific debate brought about by the distinction between Arabs and Berbers established by French anthropologists during the colonial period (19th century). By analysing several anthropological scientific theories (Périer, Topinard, Collignon, Bertholon and Chantre), it discusses that distinction as the cultural logic of the anthropological classification of this period. The classification claimed support on biological features even though the anthropologists already knew that the distinction was essentially cultural.
Résumé. — Cet article est une réflexion sur le débat scientifique qui s'est engagé quant à la distinction entre « Arabes » et « Berbères » produite par les anthropologues français durant la fin du XIXe siècle. Il montre qu'elle était la logique culturelle de la classification anthropologique de cette période coloniale par l'analyse des travaux de savants de l'époque (Périer, Topinard, Collignon, Bertholon et Chantre). La classification prétend s'appuyer sur des filiations et des ressemblances biologiques bien que les anthropologues du moment sachent déjà que la distinction est essentiellement de l'ordre du culturel.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles Boetsch
Jean-Noël Ferrie
Le paradigme berbère : approche de la logique classificatoire
des anthropologues français du XIXe siècle
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série, tome 1 fascicule 3-4, 1989. pp.
257-275.
Abstract
THE BERBER PARADIGM : THE CLASSIFYING LOGIC OF FRENCH ANTHROPOLOGISTS DURING THE XIXth CENTURY
Summary. — This paper examines the scientific debate brought about by the distinction between Arabs and Berbers established
by French anthropologists during the colonial period (19th century). By analysing several anthropological scientific theories
(Périer, Topinard, Collignon, Bertholon and Chantre), it discusses that distinction as the cultural logic of the anthropological
classification of this period. The classification claimed support on biological features even though the anthropologists already
knew that the distinction was essentially cultural.
Résumé
Résumé. — Cet article est une réflexion sur le débat scientifique qui s'est engagé quant à la distinction entre « Arabes » et «
Berbères » produite par les anthropologues français durant la fin du XIXe siècle. Il montre qu'elle était la logique culturelle de la
classification anthropologique de cette période coloniale par l'analyse des travaux de savants de l'époque (Périer, Topinard,
Collignon, Bertholon et Chantre). La classification prétend s'appuyer sur des filiations et des ressemblances biologiques bien que
les anthropologues du moment sachent déjà que la distinction est essentiellement de l'ordre du culturel.
Citer ce document / Cite this document :
Boetsch Gilles, Ferrie Jean-Noël. Le paradigme berbère : approche de la logique classificatoire des anthropologues français du
XIXe siècle. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, Nouvelle Série, tome 1 fascicule 3-4, 1989. pp.
257-275.
doi : 10.3406/bmsap.1989.2583
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1989_num_1_3_2583Bull, et Mém. de la Soc. d'Anthrop. de Paris, n.s., t. 1, nos 3-4, 1989, pp. 257-276
LE PARADIGME BERBÈRE :
APPROCHE DE LA LOGIQUE CLASSIFICATOIRE
DES ANTHROPOLOGUES FRANÇAIS DU XIX« SIÈCLE
Gilles Boetsch (*) et Jean-Noël Ferrie (**)
Résumé. — Cet article est une réflexion sur le débat scientifique qui s'est engagé quant
à la distinction entre « Arabes » et « Berbères » produite par les anthropologues français
durant la fin du xixc siècle. Il montre qu'elle était la logique culturelle de la classification
anthropologique de cette période coloniale par l'analyse des travaux de savants de l'épo
que (Périer, Topinard, Collignon, Bertholon et Chantre). La classification prétend s'appuyer
sur des filiations et des ressemblances biologiques bien que les anthropologues du moment
sachent déjà que la distinction est essentiellement de l'ordre du culturel.
THE BERBER PARADIGM : THE CLASSIFYING LOGIC OF FRENCH ANTHROPOL
OGISTS DURING THE XlXth CENTURY
Summary. — This paper examines the scientific debate brought about by the distinc
tion between Arabs and Berbers established by French anthropologists during the colonial
period (19th century). By analysing several anthropological scientific theories (Périer, Topi
nard, Collignon, Bertholon and Chantre), it discusses that distinction as the cultural logic
of the anthropological classification of this period. The classification claimed support on
biological features even though the anthropologists already knew that the distinction was
essentially cultural.
I. — INTRODUCTION
En 1881, Topinard, élève de Broca et auteur de Y Anthropologie (1877), pré
senta une communication à la Société d'anthropologie de Paris sur « Les types
indigènes de l'Algérie », dans laquelle il distinguait avec beaucoup de certitude
le Berbère de l'Arabe. Cette certitude venait sans doute de ce qu'il avait pu faire
quelques observations de terrain, observations « au vol » selon le mot acerbe de
Duhousset (Séance 1881 : 471). A cette occasion, Topinard reconnut « avec doul
eur » que le type berbère représenté dans son Anthropologie (cf. figure 1), et choisi
avec soin parmi les dessins mis à sa disposition par Duhousset après son voyage
de 1863 (1), était en fait arabe (Topinard, 1881 : 517). Duhousset, comme on pou-
(*) UPR 221 du CNRS et Laboratoire d'Ecologie Humaine (Université Aix-Marseille III). 346, route
des Alpes, 13100 AIX-EN-PROVENCE.
(**) Laboratoire d'Anthropologie et de Préhistoire de la Méditerranée occidentale (Université
Aix-Marseille I).
(1) Publié par le Tour du monde en 1867, cet article de Duhousset deviendra pourtant un article
de référence. Les naturalistes populaires comme, par exemple, Figuier (1872) dans son ouvrage sur
les races humaines, ne citent que Duhousset dans la partie consacrée aux berbères. 258 SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE DE PARIS
Figure 1. — Type berbère (puis arabe) [extrait de l'Anthropologie de Topinard, 1877]. LE PARADIGME BERBÈRE 259
vait s'y attendre, refusa la critique de Topinard et pourvut « à la légitimité de
[son] Kabyle » (Séance 1881 : 472), remarquant à propos de Topinard que celui-
ci « est plus intéressant que sérieux et n'engage sa responsabilité de touriste que
sous un insuffisant langage scientifique » (Séance 1881 : 471). Lors de la séance
suivante, Topinard répliqua que le Kabyle de Duhousset « n'était créé qu'à l'image
des goûts artistiques de celui-ci », et confirma, non sans une certaine douleur, que
le type pris pour berbère était bien arabe (Topinard, 1881 : 577) (2). Cette polé
mique, outre le témoignage qu'elle apporte sur les mœurs scientifiques de l'épo
que, tendrait à montrer que la distinction « Arabe/Berbère » est aussi péremptoi
rement affirmée que difficile à confirmer : les mêmes critères morphologiques peu
vent, tour à tour, servir à dénoter les deux types. D'où vient-il alors qu'il faille
distinguer l'Arabe du Berbère ? L'explication platement positiviste selon laquelle
il s'agirait de faits objectifs paraît ici d'un usage difficile. Si les faits étaient si
objectifs que cela, la polémique Topinard/Duhousset n'aurait vraisemblablement
pas eu lieu. Ceci nous a conduit à nous interroger sur la logique culturelle de cette
classification — ou, si l'on préfère, sur l'origine de son objectivité.
L'exercice auquel nous allons nous livrer consiste à traiter les catégories des
anthropologues physiques du XIXe siècle comme si nous avions affaire aux caté-
gories d'une peuplade primitive ; ainsi nous proposons-nous de soumettre leurs
classifications à une investigation anthropologique, à l'instar de ce que font les
ethnologues pour les ethnosciences. Latour (1988) a justement fait remarquer qu'il
n'y avait pas de raisons pour traiter nos connaissances scientifiques différemment
des connaissances « primitives ». Il s'agit bien dans les deux cas de façons de ren
dre compte du réel à l'aide de systèmes symboliques spécialisés ; que l'une de ces
façons — i.e. la nôtre — soit plus performante que les autres ne modifie en rien
son essence. Dans tous les cas, les objets de connaissance sont des constructions
symboliques (Molino, 1989) fondées sur un « paradigme particulier, à un moment
de l'histoire » (Borel, 1989 : 117). Il n'y a rien là que Koyré n'ait déjà dit (par
exemple, 1973) : la science est d'abord une pensée scientifique, c'est-à-dire une
pensée située dans une conjoncture — i.e. au milieu d'un faisceau de problèmes
à résoudre — et une culture — i.e. une façon de procéder communément admise
pour y parvenir.
Si une façon de procéder réussit, il serait pour le moins antiréaliste de consi
dérer que n'importe quelle autre la vaut (Latour, 1988), mais rien ne nous empê
che d'interroger la logique de cette façon de faire ou, plus exactement, d'interprét
er son fonctionnement culturel, ce qui est le propre de l'anthropologie (Gellner,
1967). On peut toutefois, sans être excessivement pervers, considérer qu'il est encore
plus intéressant d'étudier les types d'erreurs que peut produire une pensée qui réuss
it. De ce point de vue, la logique classificatoire utilisée par les anthropologues
physiques du siècle dernier pour décrire les populations de l'Afrique du Nord
s'avère d'un grand intérê

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