Le Pont-Euxin dans l Antiquité : discours et représentations
133 pages
Français

Le Pont-Euxin dans l'Antiquité : discours et représentations

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
133 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Mémoire de DEA sur les représentations de la Mer Noire dans l'Antiquité grecque et romaine.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 06 octobre 2013
Nombre de lectures 103
Licence : En savoir +
Paternité, pas d'utilisation commerciale, pas de modification
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

 
 
 Mémoire de DEA  Université de Corse – 2000  ------------------   Le Pont-Euxin dans l’Antiquité : discours et représentations  Florent Bertholle   Sous la direction de : Olivier Battistini & Olivier Jehasse
1
 
     « Chaque fois qu’une nouvelle percée de forces historiques, qu’une explosion d’énergies nouvelles fait entrer de nouveaux pays et de nouvelles mers dans le champ visuel de la conscience humaine, les espaces de l’existence historique se déplacent également. De nouveaux critères apparaissent alors, de nouvelles dimensions de l’activité politico-historique, de nouvelles sciences, de nouveaux ordres, des peuples qui naissent ou renaissent à la vie. Ce redéploiement peut être si profond et si subit qu’il modifie non seulement les dimensions et les échelles, l’horizon extérieur de l’homme, mais également la structure même de la notion d’espace. Et c’est là que l’on peut parler de “révolution spatiale”. Or, toute transformation historique importante implique le plus souvent une nouvelle perception de l’espace. » C. Schmitt, Terre et mer, p. 52
 
2
1. Problématique
Introduction
Introduction
La question est de savoir s’il a existé, durant l’Antiquité, une pensée politique hégémonique à propos du Pont.
L’étude du mythe, de ses fondements et de ses projections révèle un intérêt ancien (Homère) pour la zone des détroits. Elle nous livre aussi une justification tardive mais importante de la présence grecque en Mer Noire (Apollonios de Rhodes). Le fait est que le mythe de Jason existe et qu’il dessine une géographie et une géopolitique à venir.
En ce sens,l’époque archaïqueet ses multiples fondations apparaissent hors contexte bien que nous ne puissions l’occulter parce que constituant un préalable nécessaire à notre étude et que les faits s’étalant du 8e au 6e se trouvent intimement liés aux discours siècles mythologiques précités. Fondations agraires ou colonies commerciales ne seront donc étudiées qu’en ce qu’elles serventune politique hégémonique bien ciblée ; ce pourquoi Athènes a une place de choix ici.   En effet, n’ayant pas participé au premier mouvement de colonisation, la phase dite commerciale durant laquelle tant de métropoles grecques ont essaimé sur les rives du Pont,la cité athéniennel’angle habituel des fondations : une crise agrairene peut se concevoir sous et/ou démographique, un oracle moteur de l’expansion outre-mer, unofikstÆw-oikistès tout puissantetc. ce serait plutôt Athènes elle-même qui apparaîtrait toute puissante et décidant lerrnitvooiir ed ed oncnléér ocuhqeru iàe ss”es  (dlee svsoeicnasb uploaliirte attse1n  ursve)  !ueqitilop ed tnemehea nngnideué nciee n  ltres vbeégEs dron al ,e te ique . La politique ath o tide lPorrs pdoen la m eist el ee nP opnlat-cEe udxei nl ae s2tn ddeno( aritéfédc nooThr ànctu éerdiux a6 e,5 syaeans le dbut Miltiade) et a u4tnop ; )eHlsell hmiACt(e noet ess èilècses  ne le centre d’une expansion unilatérale vers l’ouest (Grande Grèce et Sicile), le sud (Egypte), l’est (côtes d’Ionie) et le nord (Thrace et Pont-Euxin).   Lapériode hellénistique l’éveil macédonien brisent le modèle athénien. En effet, et un double objectif semble se poursuivre alors : contrôler les détroits et museler Athènes. Deux lignes de conduites qui se mêlent puisqu’ Athènes contrôle la Chersonèse et que se profile déjà la campagne d’Orient entreprise par Philippe et portée à son couronnement par Alexandre.   La mer Noire reprend toute sa valeur avec ladomination romaine et l’épisode de Mithridate qui centre son royaume sur cette mer au milieu des terres, en un espace laissé libre par Rome. Ici encore, l’expansion romaine sera étudiée selon l’angle politique ; la question du Pont pour le Romain relevant plus d’un impérialisme nécessaire et protecteur (les frontières) selle et pqouue r dceulna , osbej edcotiift  dceo mcomnetrrcôilaelr.  leAsf fimramragteios2aplrreno sedc loonisa tniodn de conrtiatn ete  N.s ou,q iusiup enuuq ecnaseu vsei erivunt d’occupation totale de l’espace géographique. Car là est la différence d’approche entre Athènes et Rome : l’une pense le Pont comme une région de l’éΛcÆ, à ce système abstrait de liens qui sous-tendent l’hégémonie politique (le royaume de Bosporos en est le parfait exemple) ; l’autre occupe physiquement l’espace et le Pont est le dernier lieu d’extension de l’imperium: avec Rome, la mer Noire intègre concrètement l’empire du monde et devient, une fois fractionnée, provinces d’où relais du pouvoir.   Sous-jacent, en filigrane, transparaît la question durapport au Barbare. Cette mer dite inhospitalière (axeinosdes Grecs en son sein la ; l’entrée ) puis Noire est barbare “civilise” (Jason, le premier, met en avant ce rapport), elle devient grecque et hospitalière (euxeinos) mais ne sera jamais romaine. Cette différence de vues est de même une des                                                           1Nous remarquerons ainsi qu’Athènes ne fonde pas et se borne à des reprises de sites. 2Par universelle entendons totale en ce sens que le monde se résume à ce que Rome domine (cf. l’oikouménè  grec). Les marges étant les limites du monde, au-delà s’étend une zone presque hors du monde.
 
3
Introduction
données du problème : alors que les colonies commerciales enserrent le Pont-Euxin en un maillage étroit, Athéniens et Romains s’en sont tenus, en gros, à sa rive méridionale, concentrant le nœud du problème autour des détroits, “porte des eaux noires” et en particulier autour de Byzance - Constantinople. Il en résulte qu’au sein même de la question d’Asie, existe unproblème pontique, une gageure pour les empires que de maîtriser cette zone de contact avec des peuples barbares (Sarmates, Scythes et Thraces) riches de leur diversité. 
2. Représentations
« Heu ! quam vicina est ultima terra mihi ! »1 Ovide, Tristes, III, 4b, 2-7 
 Représentation du Pont comme extrémité du monde voire hors du monde et hors du temps.Hors du mondeen ce qu’il a de barbare pour Ovide, cet extrême où se joue le conflit de l’homme barbare, un lieu mort et clos car enfermé dans sa non-évolution. Pour un être civilisé (qui se pense comme tel), dès que l’on quitte les rivages pontiques où se manifeste une grécité à demi assimilée, il ne subsiste qu’un endroit hostile à toutehumanitédiraient les lettrés de la Renaissance, à toutlÒgowdirait un grec, à toutimperiumdirait un Romain.Hors du temps (Ovide,Tristes, V, 10) parce que la civilisation n’y a pas prise et cette mission prométhéenne dont ont pu se croire investis les Grecs ou cette domination universelle à llaoqrsuqeullei l oénctr ita sà piCréés alre s AuRgoumstaei nqsu en es a speasxciiuqsuj eévirra sast p neertes  etcip. isCa r aéilés2Ovide a parti pris mais , nul doute qu’il met en échec cette politique romaine. La réaction est alors toute naturelle : l’empire romain est le monde et toute chose qui lui est réticente ne peut être qu’inhumaine (Ovide,Tristes, III, 9, 1-4 / IV, 4, 84).
« …Jusque vers ces flots de Thrace où ne se montre aucun rivage hospitalier !» Sophocle,Œdipe Roi, 195-197
 Représentation du Pont comme cette autre mer qui confine à l’Océan3 pour les Anciens et qu’apprivoiseront les Grecs d’Ionie. Toute une zone où le mythe a libre cours et pour cause, on la maîtrise mal, on la cerne mal. Homère, contemporain des nombreuses fondations coloniales, traitant de siècles obscurs, parlera de l’Hellespont comme d’un épe¤rvn -apeiron, l’espace illimité de la mer que borne un espace forcément limité, un empire (infra). Le personnage le plus présent en mer Noire est sans nul doute celui de Jason, antique héros hellène, remis au goût du jour par Apollonios de Rhodes au 4e siècle. Son voyage jalonne les (futurs) sites d’implantation coloniale, il préside à l’hellénisation des rivages du Pont. L’Hellespont,la Mer d’Hellé, cetapeironque borde l’Asie, ouvre sur un de ces désert dont nous parle Homère,l›tm-laïtma, ce grand abîme que seule la maîtrise de laproecontenté  :en cela aussi Jason apparaît comme le pouvait aider à ne plus redouter précurseur avec sa “nef” aux cinquante rameurs, Argô, la rapide.   Le nom même de cette mer, de cepresqu’océan, traduit une volonté de mainmise grecque : Est-elle réputée pour ses tempêtes et ses coups de tabac ? on la nommeeuxeinos (accueillante à l’étranger) pour se concilier les génies marins et le rivage se hérissent d’autels aux Dioscures. Est-elle barbare parce que bordée de peuples hostiles ? on la nommeeuxeinos après les avoir non sans mal assujettis et contraints.   Cependant il restera des constantes dans la lutte que se livrent les peuples qui bordent le Pont. L’on voit en effet Darius effectuer une expédition sans succès en Thrace et contre les                                                           1« Hélas ! combien est proche de moi l’extrémité du monde ! » trad. J. André 2Ovide,Tristes, II, 197 /Pontiques, II, 5 3Appellation paradigmatique du Pont-Euxin : Strabon,Géographie, I, 2, 10 : « Simplement on imaginait alors la mer Pontique comme une autre espèce d’océan, et l’on croyait que s’y aventurer constituait un dépaysement total, comme de s’avancer bien au-delà des Colonnes d’Hercule. Il est vrai qu’elle était considérée comme la plus grande de nos mers, et c’est pourquoi, par excellence, on appelait le Pont cette mer particulière, comme on appelle Homère le Poète. » trad. G. Aujac
 
4
Introduction
rois Sarmates ; Philippe (embouchure du Danube, 339) puis Alexandre (Olbia) entendaient soumettre le Scythe, celui-là même dont nous parle Hérodote, et les cités grecques de l’époque hellénistique dans la partie nord du Pont, d’Istros à Dioscurias, eurent maille à partir avec ce barbare parfois hellénisé (à moins que ce ne soit le grec qui se barbarise, ce Mixhellène Ovide craint, que dis-je redoute, les Gètes) ;aux longs cheveux et leurs flèches empoisonnées ; César projetait à son tour une entreprise contre le Scythe afin d’offrir à Rome, enfin, l’empire du monde (il restait donc des zones hors contrôle) ; Hadrien contrôle lelimes pontique mais sa maîtrise ne se comprend que depuis les rivages méridionaux, de Trapézonte : au nord règne le Scythe… Les déboires de Jason aux pays de la Toison d’or et l’assimilation du personnage barbare de Médée attirée par sa grécité rappellent encore la dualité du Pont.  « …il fut reconnu sous Pompée qu’on va en sept jour s de l’Inde en Bactriane sur les bords de la rivière Bactrus, (…), et que les marchandises in diennes transportées de là par la Caspienne dans le Cyrus peuvent être portées par voie de terre en cinq jours au plus jusqu’au Phase pour gagner le Pont. » P. l’Ancien,H. N., 6, 52   Et pourtant, les comptoirs et autres villes commerçantes ont bel et bien existé et survécu : le commerce perçait loin. Que l’on songe à la cité de Tanaïs ou Aïa en Colchide et il n’y a qu’un pas pour imaginer une route partant vers le Caucase certes mais aussi la Caspienne, l’Iaxarte (Syr-Daria), l’Inde et les Monts d’Or de l’Altaï ! Les fouilles toujours plus actuelles des kourganes scythes des plaines méridionales de Russie livrent un matériel mêlé grec et scythe.
 
5
La géographie
1èrepartie : La géographie
Nommer la Mer Noire  La géographie antique est avant tout une géographie des couleurs.  A la mer Rouge,Erythros Pontos, à l’est, répond la mer Blanche (al-bahr al-abyadpour les Arabes ;Ak-denizpour les Turcs), la mer Méditerranée, à l’ouest.  Le Pont-Euxin n’échappe pas à cette règle. Au nord par rapport à la Méditerranée et ses peuples, qu’ils soient grec ou turc, la mer Noire indique une direction. Le noir c’est le nord. Le terme grecêΠΑΗΙV∃ l’on a pour habitude de traduire par le français queinhospitalier dériverait de l’adjectif avestiqueakshaêna signifie quide couleur sombre. Cette thèse est étayée par l’appellation même de cette mer aujourd’hui : dite Mer Noire en français, elle ne se nomme pas autrement en Turquie,karadeniz(kara, noir(e) etdeniz, mer).  L’idée que s’en faisait les Anciens n’est pas opposée à notre définition. La meraxine, inhospitalière dans un premier temps, n’est que le reflet de ses eaux sombres agitées de tempêtes et des populations plus ou moins hostiles qu’elles bordent. Le problème réside dans le changement de nom qui s’opère : d’inhospitalière, la mer Noire devienthospitalière. Deux explications s’affrontent : l’une qui veut qu’une fois les Grecs installés sur ses côtes, les villes floinddéée eds ee tP loa mcpulture hellèn1 ierontese llte, erngratél à erèilatip hosenue devrait res aem,el udti;lt   yeul noq eptuo n de ltésgatinavi onius Mela autre se fait l’écho des difficu rencontrer (Jason le premier) et que, par antiphrase, on nomme cette mer hospitalièrvei dpea2r prudence, pour tenter d’apaiser les fureurs des divinités marines, telle est la version d’O . Ce peut être aussi un euphémisme que nous-mêmes pratiquons quotidiennement avec l’Océan Pacifique. Strabon ne distingue pas entre les deux mais les combine :  « (...), car cette mer [ΚãlaΝΝaΗ], (...), était alors inaccessible à la navigation et dite Axine à cause de la violence des tempêtes et de la sauvagerie des populations riveraines [ϑΑΛΕΙΕΓΙÊΗΝwΗ§ΚΗ«Η], surtout des Scythes, (...). par la suite, quand les Ηle fut Ioniens eurent fo3des villes sur la côte [ndé ϑaΛal¤&ϑÒlΑΕV ΓΝΜãΗΝw], el appeléeEuxine. »  ϑÒΗΝΙV-pontos, le passage d’où la mer4, se retrouve également dans l’antichambre du Pont ; l’Hellespont et la Propontide sont respectivementla mer d’Hellé etle passage avant la mer hospitalière, laporte des eaux noires. Le Bosphore, Thrace ou Cimmérien, est lepassage de nt l’entrée dans le lPao nvta-cEhueain,x l5 eschros leabeluo sru :étanche  vaodtu ser .eL toI  règà laes cle dahppncéap sne tClyeaurn éneos, miuq = ΟãfΗeΑnadΕ,vo éeuq eeln io ruo du moins un bleu sombre.  « (...) les sombres Symplégades [cyaneae sunt Synplegades], écueils jumeaux dressant de tous côtés des abrupts escarpés, accoutumés, dans les siècles anciens, à se porter l’un contre l’autre en heurtant leurs masses dans un épouvantable fracas, puis, revenant en a un s veau contre ce qu’ils avaient branléa.r r(.i.è.r) e» 6 vigoureux, à se porter à nou autp r                                                           11, 102 : « (…) jadis le naturel très farouche de s es riverains lui valut le nom d’Axenuspuis, les mœurs de ceux-ci s’étant quelque peu adoucies par leur commerce avec d’autres peuples, il reçut celui d’Euxinus. » 2 ed m alg egécalalitreiè ersphos iu ser  «eJ le rivatenu parc ,”erèilatipsoh es daricne sna eel ”uq inientpelas ap vents furieux agitent les flots et le navire étranger n’y trouve pas de ports tranquilles. »Tristes, 4, 4 3VII, 3, 6 ; le Pseudo-Scymnos (v. 731-737) attribue ce changement à l’œuvre colonisatrice de Milet. 4 ϑÒΗΝΙV -pontos et le latinpontus l’idée d’un passage difficile d’où la mer. Le mot s’emploie traduisent également pour désigner des mers bien définies servant de voie de passage ; l’idée de difficulté est d’ailleurs le nom même de la mer Noire. 5Ousymplégades, littéralementqui s’entrechoquent. 6 A. Marcellin,Histoire ; habilement, l’historien romain mêle ici les deux noms, indiquant et la, XXII, 8, 14 couleur sombre de mauvais augure et le fracas des roches qui s’entrechoquent.
 
6
La géographie
 « La mer Noire passait par une autre mer, liée étroitement à la nôtre : elle fut pour les Argonautes la m1et de la découverte, à la fois pont et prolongement de laer de l’aventure Méditerranée. »    La mer d’Azov conserva le même nom dans l’Antiquité :limné[l¤mn]Maïotispour les Grecs,Palus Méotide les Romains. pourl¤mn ouPalus désigne le marais, l’étang, le marécage, ce qui s’explique par la présence de marais sur ses côtes et la faible profondeur des fonds due aux alluvions que déversent les nombreux fleuves qui s’y jettent.Maïotis ou Méotidequi, parmi d’autres, peuplent ses rivesrenvoi aux Méotes 2.
                                                          1P. Matvejevitch, Bréviaire méditerranéen, p. 178 2Ammien Marcellin,Histoire, XXII, 8, 31  
 
7
La géographie
Description générale du Pont-Euxin  Le Pont-Euxin occupe une superficie totale de 435.000 km². Sa plus grande longueur est de 980 km d’est en ouest, sa largeur de 550 km du nord au sud. Le Pont est constitué de deux bassins : - Au nord, une plate forme continentale, prolongement des plaines ukrainiennes, immergée sous une dizaine de mètres d’eau. Cette plate forme est partagée en deux parties inégales par la presqu’île de Crimée (péninsuleTaurique) : à gauche le bassin où se jettent Dniepr [Borysthène], Boug [Hypanis], Dniestr [Tyras [] et DanubeIster] ; à droite, lePalus Méotide couvre 37.600 km² pour une profondeur qui1 15 mètres et recevant le Don de [Tanaïs]. - Au sud, la profondeur atteint les 2.212 mètres, large fosse au pied des monts du Caucase.   Quelques 150 fleuves s’y déversent ; ajoutés aux précipitations et à l’apport des eaux souterraines, le Pont-Euxin reçoit annuellement 575 km³ d’eau alors que l’évaporation en retire à peine 410 km³ d’où un fort courant de sortie par le Bosphore dont nous parle déjà Polybe [IV, 43, 3,infra, p. 10].  « Plus loin, en effet, régnaient le mystère et l’effroi. A la mer humaine et familière, où le regard distingue toujours la ligne d’une côte prochaine, succédait la mer sans îles, la mer sans bornes. Les contemporains d’Hérodote, qui croyaient en connaître la structure générale, lui attribuaient une longueur de 11.100 stades (2.000 kilomètres) et une largeur de 3.300 stades (600 kilomètres)2. Les Grecs du 8e siècle imaginaient mieux encore. Pour eux, la mer Maiotide, où aboutissait le Pont, était aussi vaste que lui et se déversait dans u débouchait à son tour dans l’Océan. »3 ne autre mer, la Caspienne, qui   Hérodote,L’Enquête[Pléiade] - IV, 85 : « Quant à Darius, lorsque, faisant route depuis Suse, il fut parvenu dans le pays de Chalcédoine, sur le Bosphore, à l’endroit où le pont était construit, il monta sur un bateau et se rendit de là aux roches appelées Cyanées, lesquelles, disent les Grecs, étaient autrefois vagabondes ; et, prenant place sur un promontoire, il contempla le Pont-Euxin, qui offre un spectacle digne d’être vu. De toutes les mers, il mérite le plus d’admiration ; sa longueur est d’onze mille cent stades ; sa largeur, là où il est le plus large, de trois mille trois cent. L’embouchure [ΜΝÒma ; en longueur, le détroit] de cette mer a une largeur de quatre stades [ıaÈcÆΗle Bosphore et sur lequel le] formé par cette embouchure, qui est ce qu’on appelle pont était construit, atteint cent vingt stades ; le Bosphore rejoint la Propontide. La Propontide, large de cinq cents stades, longue de quatorze cents, se déverse dans l’Hellespont, qui a sept stades dans le sens étroit, et en longueur quatre cents. L’Hellespont débouche dans une mer de vaste étendue, celle qu’on appelle l’Egée. » IV, 86 : « comment ont été établies ces mesures. Un vaisseau [ VoiciΗΔËV], en général, parcourt dans les longs jours environ soixante-dix mille orgyies, et, la nuit, soixante mille4. Or, pour aller de l’embouchure au Phase (c’est la plus grande longueur du Pont-Euxin), il y a neuf jours et huit nuits de navigation ; cela donne un million cent dix mille orgyies, et ce nombre d’orgyies fait onze mille cent stades. Pour aller de la Sindique à Thémiscyre qui est sur le fleuve Thermodon (c’est là qu’est la plus grande largeur du Pont-Euxin), il y a trois jours et deux nuits de navigation ; ce qui fait trois cent trente mille orgyies, et trois mille trois cent stades. Voilà donc comment j’ai établi les mesures de ce Pont, du Bosphore et de l’Hellespont, qui sont tels que je l’ai dit ; et il y a, débouchant dans ce Pont, un lac [l¤mΗΔΗ] de peu moins grand que lui-même, qu’on appelle Palus Maiotis et mère du Pont-Euxin. »                                                           1 Cf.Polybe, IV, 40, 8,infra, p. 9 2stades de long, 2.350 de large aux points choisis par Hérodote.Hérodote IV, 85-86 ; en réalité : 6.000 infra 3G. Glotz, Histoire grecque, I, p. 163-164 4(jour et nuit) à mille stades soit environ 184 (69) évaluait la moyenne de navigation quotidienne  Skylax kilomètres.
 
8
La géographie
 - Polybe,Histoires  IV, 39 : «1.un périmètre très voisin de 22.000 stades [3.900 km]Ce qu’on appelle le Pont à et possède deux embouchures diamétralement opposées, l’une du côté de la Propontide, l’autre du côté du Palus Méotide, lequel a lui-même 8.000 stades de tour [1.440 km].2. Beaucoup de grands fleuves venant d’Asie se déverser dans ces réservoirs et d’Europe de plus nombreux et plus grands encore, il en résulte que le Palus Méotide, rempli par ces fleuves, s’écoule dans le Pont par l’embouchure et le Pont dans la Propontide.3. du L’embouchure Méotide est appelée Bosphore Cimmérien ; sa largeur est d’environ 30 stades [5 km, en fait 1.200 m au point le plus étroit], sa longueur de 60 [12km] ; elle est généralement peu profonde.4.Celle du Pont est appelée parallèlement Bosphore de Thrace ; sa longueur est de 120 stades [21 km, en fait 31,7 km], sa largeur n’est pas partout la même.5. qui L’espace s’étend entre Chalcédoine et Byzance, et qui est de 14 stades [2,5 km], constitue le point de départ de la bouche venant de la Propontide.6.L’endroit nomméHiéron[;eΛÒΗ;cf.Ap. de Rh.,Arget Strabon, VII, 319 ; dédié à Zeus Ourios, il se trouve à environ 7 km sur la., 2, 532 rive asiatique de l’entrée du Pont] commande celle qui vient du Pont ; c’est en ce lieu, dit-on, que, à son retour de Colchide, Jason sacrifia pour la première fois aux douze dieux. Cette ville est située en Asie et elle est éloignée de douze stades [2 km] de l’Europe et duSarapeion [SaΛaϑΑΙΗ;cf.STR., VII, 319] de Thrace, qui est juste en face.  /1 7.Le continuel écoulement du Méotide et du Pont a une double cause. La première est évidente d’elle-même : une foule de courants tombant dans un périmètre de récipients étroits, le volume d’eau devient de plus en plus considérable.8. n’y avait aucun S’il écoulement, il faudrait que cette eau, montant de plus en plus, déborde dans toute l’étendue du creux ; mais, comme des écoulements existent, il est nécessaire que l’eau qui tombe sans cesse de plus en plus s’écoule et soit emportée continuellement par les bouches qui existent.9. ces fleuves apportant un limon varié et voici la deuxième : Et abondant dans les creux susdits selon les chutes de pluie, l’eau, pressée par les levées de terre qui s’accumulent, monte toujours elle aussi et se trouve emportée de la même manière par les écoulements existants.10. L’apport d’alluvions et l’écoulement des fleuves étant continuels et ininterrompus, il est fatal que l’écoulement soit lui aussi continuel et ininterrompu par les embouchures.11.(...) » § 40 : «1. (...)Justification scientifique de son travail 2. est le propre de notre Cela époque où, toutes les régions étant accessibles par terre et par mer, il ne conviendrait plus de faire appel, au sujet des choses inconnues, au témoignage des poètes et des mythographes, 3.ce qu’on fait, sur la plupart des sujets, ceux qui nous ont précédé et qui nous fournissaient, selon le mot d’Héraclite, des garants incroyables sur des points discutés ; mais il faut essayer de donner aux lecteurs par le canal de la seule histoire une confiance suffisante.4. disons donc que, maintenant comme autrefois, le Pont se Nous remplit et que, avec le temps, comme le Palus Méotide, il sera comblé lui aussi, (...).5. En effet, puisque le temps est illimité [ÒΗΙVêϑΑΕΛΙV] et ces bassins limités [le Pont semble connu et maîtrisé dans son ensemble si limité] de tous côtés, il est évident que, que soit l’accroissement, ils seront comblés avec le temps.6.(...)7.(...)8.Il est visible que cela se produit déjà ; il se trouve que le Palus Méotide est déjà comblé. La plus grande partie n’a que sept ou cinq brasses de profondeur [soit une dizaine de mètres, chiffre exact aujourd’hui], si bien qu’on ne peut plus, sans pilote, y naviguer avec de grands vaisseaux.9. Ce qui était autrefois une mer en communication avec le Pont, comme en conviennent tous les Anciens, est maintenant un lac d’eau douce, la mer ayant été refoulée par les alluvions et les apports des fleuves prenant le dessus.10.Il en est et en sera de même pour le Pont et cela se produit déjà. Le résultat n’est pas encore trop visible pour les gens à cause de la grandeur de cette fosse, mais le phénomène est patent dès maintenant, si l’on s’y arrête quelque peu. » § 41 : «1. venant d’Europe se jeter dans le Pont par plusieurs embouchures, il L’Ister s’est formé devant lui et presque sur mille stades [180 km] un banc couvrant la longueur d’un jour de voyage à partir de la côte et constitué par le limon qui se déverse par les                                                           1 excursusgéographique et hydrographique.
 
9
La géographie
embouchures. 2.sur le Pont, se croyant toujours en pleine mer, qui naviguent  Ceux viennent échouer, la nuit, sans s’en rendre compte, en cet endroit que les marins appellentStethé[les Mamelons].3.-9.(...). » § 42 : «1.  6.(...)7.Cela soit dit pour ceux qui ne veulent pas croire que, si le Pont se -comble maintenant et se comblera peut-être encore, une mer de cette importance deviendra un lac et un marais.7. (...)8. Mais revenons à la suite de l’exposé sur la situation favorable de Byzance. » /  § 43 : «1.Le détroit [ΜΝÒmatow] qui réunit le pont à la Propontide a 120 stades de longueur [21 km] comme je l’ai dit tantôt. Il est délimité par leHiéron, du côté du Pont et l’espace situé autour de Byzance, du côté de la Propontide.2.Entre les deux se trouve l’Hermaion, du côté de l’Europe, sur une sorte de saillie en forme de promontoire sur le détroit. Il n’est qu’à cinq stades environ [900 mètres]de l’Asie, à l’endroit le plus resserré de tout le détroit ; c’est là, dit-on, que Darius joignit les deux rives, à l’époque où il faisait une descente chez les Scythes. 3.Sur tout le reste du canal depuis le pont, la force du courant est à peu près identique, parce que la distance entre les deux rives opposées est égale à la dimension de l’embouchure.4. Mais, quand, à la hauteur de l’Hermaionen Europe, où, nous l’avons dit, le passage est le plus étroit, le courant, venu du Pont et enfermé, se précipite avec force, et alors repoussé avec une certaine violence, il se rejette sur la côte opposée d’Asie ;5.et de là, de nouveau, sous l’effet d’un contrecoup, il fait volte-face contre les hauteurs appelées Hestia, du côté de l’Europe.6. De là, s’élançant de nouveau, il se jette contre le point situé en Asie et appeléla Vache, sur lequel, selon les fables [il s’agirait en fait de la tombe du général athénien Charès], Io prit pied pour la première fois, après avoir franchi la mer.7.Finalement, le courant s’élançant de la Vache porté directement sur Byzance. Se divisant à la hauteur de la ville [ estϑÒlΕΗ], rapidement, il délimite un golfe [ΓÒlϑΙΗ] appeléla Corne[1èremention ;cf.STR. VII, 320], tandis que la plus grande partie est de nouveau détournée.8. n’a plus alors assez de force Il pour atteindre la rive opposée, sur laquelle se trouve Chalcédoine.9.Après avoir, plus d’une fois, changé de route et le détroit prenant maintenant de la largeur à la hauteur de cet endroit, le courant, épuisé désormais, ne fait plus de retour vers la rive opposée à angle aigu mais plutôt à angle obtus.10. quittant la ville de Chalcédoine, il se laisse porter à travers le Et, détroit. »  -Pomponius Mela,Chorographie   Ip,o7rt:h « L2tne eremnert tllseseelreo  r eùtnelleppon zehc lae   dséuea ser mfretum1, chez les Grecs mos. Là  s’élargiton lui donne des noms qui varient selon les endroits. Là où elle se resserre pour la première fois on l’appelle Hellespont ; Propontide là où il y a évasement ; là où de nouveau il y a étranglement, Bosphore thrace ; là où de nouveau il y a étalement, sPoanptp-eElulex inM ;é oltài doeù el3le rejoint le marais [paludi], Bosphore Cimmérien ; le marais lui-même . »  I, 102 : « C’est ici que s’ouvre maintenant l’immense Pont-Euxin dont les côtes, sauf là où il y  ro utre en formant une longue ligne da rodietse4ntenréseur lt posip  ,ampntmoreoi ss,ôté comme de laéetdnne tdnuc moc c emtiso; sés denusiree e st sne no tomni elles sependant retrait en face que vers la droite et la gauche et qu’elles s’infléchissent doucement en un mouvement oblique jusqu’à faire de chaque côté deux angles aigus, leur courbe a tout à fait la forme d’un arc scythe5. Peu profond, mauvais, brumeux, avec des mouillages peu nombreux, il est entouré d’un rivage qui n’est ni en pente douce ni sablonneux ; il est voisin des aquilons et, n’étant pas profond, houleux et agité ; jadis le naturel très farouche de ses riverains lui
                                                          1Littéralementdétroit, ici Gibraltar. 2 porymÒw: détroit, bras de mer. 3Au § précédent, il parle deNostrum mareMer, désignant la Méditerranée ; ici, il s’attache à la décrire, Notre selon des points caractéristiques et l’on remarque que, sans coupure, il glisse vers le Pont-Euxin ; les Romains considéraient donc le Pont comme partie intégrante de lamare Nostrumet de leur empire. 4La côte méridionale, de la Bébrycie à la Colchide. 5 Cf.A. Marcellin, XXII, 8, 10,infra, p. 11
 
10
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents