Le problème de la personnalité dans la psychologie religieuse - article ; n°1 ; vol.18, pg 460-477
19 pages
Français

Le problème de la personnalité dans la psychologie religieuse - article ; n°1 ; vol.18, pg 460-477

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
19 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

L'année psychologique - Année 1911 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 460-477
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1911
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Th. Ruyssen
Le problème de la personnalité dans la psychologie religieuse
In: L'année psychologique. 1911 vol. 18. pp. 460-477.
Citer ce document / Cite this document :
Ruyssen Th. Le problème de la personnalité dans la psychologie religieuse. In: L'année psychologique. 1911 vol. 18. pp. 460-
477.
doi : 10.3406/psy.1911.3865
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1911_num_18_1_3865XVII
LE PROBLÈME DE LA PERSONNALITÉ
DANS LA PSYCHOLOGY RELIGIEUSE
A propos de quelques travaux récents '.
Les travaux récents de philosophie religieuse ne semblent
pas avoir réduit l'embarras où se trouvent les sociologues, les
psychologues et les métaphysiciens quand il s'agit de définir
l'objet même de leurs recherches. Une définition rigoureuse,
c'est-à-dire conforme aux règles de la logique classique, conve
nant « à tout le défini » et « au seul défini », ne sera pas sans
doute donnée de sitôt de la religion. Peut-être même pareille
définition est-elle impossible. Prétend-on caractériser tout le
défini? On risque, selon le point de vue, de résorber la phi
losophie religieuse dans la psychologie ou dans la sociologie,
ou dans l'une et l'autre à la fois. Cherche-t-on, au contraire, à
faire abstraction des différences qui distinguent les religions,
rites ou croyances, pour ne considérer que l'attitude commune
à toutes les manifestations religieuses, on risque de ne retenir
de cette attitude qu'un résidu si général qu'on pourra y faire
indistinctement rentrer toutes les manifestations de l'activité
humaine. Tel est, par exemple, le cas de la définition prudente,
éclectique, proposée par M. Salomon Reinach : « Un ensemble
de scrupules qui font obstacle au libre exercice de nos facultés 2. »
II est évident que pareille formule s'applique aussi exactement
à la morale et même au droit. Sans doute on peut prétendre,
— et l'on n'a pas manqué de le faire, — que la morale et le droit
1. H. HöFFDiNG. Philosophie de la Religion, trad, franc, de Schlegel,
Paris, Alcan, 1908; J. J. Gourd. Philosophie de la Religion, préface de
M. Em. Boutroux, Paris, Alcan, 1911; G. Segond, La Prière, essai de
■psychologie religieuse, Paris, Alcan, 1911; Salomon Reinach, Orpheus,
histoire générale des religions, Paris, Picard, 1909; Gustave Le Bon, Les
Opinions et les Croyances, Paris, Flammarion, 1911; Ch. Guignebert.
L'évolution des Dogmes, Paris, 1911.
2. Orpheus, p. 4. RUYSSEN. — LE PROBLÈME DE LA PERSONNALITÉ 461 TH.
sont religieux par leurs origines, peut-être même de façon essent
ielle et permanente. Mais alors il reste, dans ce vaste ensemble,
à démêler les phénomènes moraux et juridiques de ceux qui
limitent l'activité humaine sans présenter d'aspect spécifiqu
ement moral ou juridique, par exemple l'extase, et nous voici
au rouet.
Peut-être cependant avancerait-on la solution du problème
en serrant de près les principaux éléments qui, sans être exclu
sivement propres aux phénomènes religieux, y apparaissent,
du moins, constamment présents. C'est ainsi que M. H. Höff-
ding, en distinguant surtout dans la religion « le principe de
la conservation de la valeur », n'entend nullement donner de
la religion une définition complète. Aucune chose vivante,
dit-il, ne peut être enfermée en une formule abstraite; mais il
lui suffit de constater que, dans toute religion, se fait jour « le
besoin d'accepter la conservation de la valeur que connaît
l'homme à un degré donné de l'évolution1 », en d'autres
termes, — car la formule de l'éminent penseur danois est bien
obscure, — que toute religion implique l'adhésion de la
volonté du croyant au maintien d'un ordre de valeurs admis
par lui comme bon. Pareille formule n'est pas une définition;
mais c'est un fil commode pour relier entre elles un très grand
nombre de manifestations bien différentes de la conscience
religieuse.
N'y aurait il pas, de même, un très grand intérêt à envisager
les phénomènes religieux du point de vue de la personnalité ?
Une étude d'ensemble en ce sens mériterait, croyons-nous, de
tenter un psychologue. Elle n'épuiserait pas l'ample variété
des faits religieux, mais elle y introduirait un ordre de perspect
ive qui éclairerait bien des difficultés.
Et cet ordre n'est pas arbitraire. Par cela seul qu'il est un
sujet conscient capable de réagir avec réflexion en retour des
impressions externes, l'homme, pour vivre, est tenu de prendre
vis-à-vis du monde extérieur une attitude « personnelle », c'est-
à-dire que cette attitude n'est pas simplement la réaction de
l'instinct, commune à toute l'espèce, mais une réponse suscept
ible de varier avec le caractère et la mentalité propres de
chaque sujet. 11 s'adapte aux choses selon ce qu'il sait ou croit
pouvoir en attendre, et ce savoir comme cette croyance sont le
résultat complexe de l'expérience collective plus ou moins éla-
1. HöFFDiNG, Préface, p. x. 462 MÉMOIRES ORIGINAUX
borée par la réflexion individuelle. Or il est évident que cette
adaptation pratique ne se réalise pas seulement à l'égard des
choses prochaines ou coutumières que notre expérience peut
habituellement vérifier; en fait, le champ de notre action déborde
constamment celui de notre savoir; nous sommes sans cesse
sollicités, contraints même, de prendre attitude vis-à-vis de ce
qui est pratiquement pour nous l'inconnu ou même, provisoi
rement, l'inconnaissable; et c'est encore prendre une attitude
que de décider qu'on n'en prendra pas. Or n'y a-t-il pas là un
trait commun à toute manifestation de la vie religieuse? Le
sauvage qui n'ose porter la main sur un objet tabou, le chrétien
qui se mortifie pour assurer son salut, le philosophe qui, avec
Marc-Aurèle, pense collaborer avec un plan divin de l'univers,
règlent leur activité personnelle sur des croyances invérifiables.
Et quel est le résultat commun de cet effort d'adaptation?
C'est, à la fois, de limiter et de fortifier le libre exercice de cette
activité. D'une part, en effet, toute croyance relative à des forces
à la fois indéterminables et susceptibles d'exercer une action
sur le sujet engendre chez celui-ci, pour reprendre l'expression
de M. Reinach, un « scrupule », une crainte qui limite son
activité; d'autre part, cette croyance suggère communément
une réaction défensive, de même ordre que le scrupule, et par
laquelle le sujet se défend contre cela même qui limite son
activité. En d'autres termes, c'est à l'inconnaissable que le
croyant demande une assurance contre l'inconnaissable. C'est
là un fait très remarquable de la vie religieuse. Le croyant a
beau admettre que le supra-sensible interfère constamment
dans le sensible, que la causalité surnaturelle peut se continuer
en causalité naturelle, il ne recourt pas à l'influence qu'il peut
exercer sur celle-ci pour neutraliser l'effet de celle-là. Contre le
loup-garou, on ne se sert pas d'une fourche ni d'un fusil, mais
d'eau bénite; on appelle, non le vétérinaire, mais le sorcier,
pour guérir une épizootie causée par un sortilège; on prie Dieu
ou les saints contre la tentation de Satan. Bref, les objets des
croyances religieuses constituent, sur les limites du monde de
l'expérience quotidienne, une sorte de « sous-univers » homog
ène, duquel on attend à la fois ce qui limite, écrase, anéantit
la personnalité, mais aussi ce qui l'exalte et la « sauve ».
A qui considère le rôle joué par la personnalité active dans
la vie religieuse, apparaît clairement le côté faible de certaines
définitions célèbres de la religion. Par exemple la définition
que Tylor propose comme exprimant le minimum commun à RUYSSEN. — LE PROBLÈME DE LA PERSONNALITÉ 463 TH.
toute religion, « la croyance à des êtres spirituels », est mani
festement insuffisante. Si l'on croyait à l'existence d'êtres
spirituels comme on croit à la présence d'hydrogène dans
Sirius, sans rien attendre de cette existence qui intéresse la vie
personnelle, il y aura

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents