Le royaume abron du Gyaman vu du royaume tutsi du Rwanda. Essai d histoire africaine comparée - article ; n°133 ; vol.35, pg 51-71
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Le royaume abron du Gyaman vu du royaume tutsi du Rwanda. Essai d'histoire africaine comparée - article ; n°133 ; vol.35, pg 51-71

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Description

L'Homme - Année 1995 - Volume 35 - Numéro 133 - Pages 51-71
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Claudine Vidal
Le royaume abron du Gyaman vu du royaume tutsi du Rwanda.
Essai d'histoire africaine comparée
In: L'Homme, 1995, tome 35 n°133. pp. 51-71.
Citer ce document / Cite this document :
Vidal Claudine. Le royaume abron du Gyaman vu du royaume tutsi du Rwanda. Essai d'histoire africaine comparée. In:
L'Homme, 1995, tome 35 n°133. pp. 51-71.
doi : 10.3406/hom.1995.369877
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1995_num_35_133_369877o
1
Claudine Vidal
Le royaume abron du Gyaman
vu du tutsi du Rwanda
Essai d'histoire africaine comparée
d'histoire Claudine développèrent Gyaman aux s'est longue ensembles édifié distance et Vidal, africaine à le la Rwanda, étatiques sous rencontre, d'origine Le comparée. les royaume révèle qui influences vers européenne. naquirent, abron le deux — XVP L'histoire conjuguées du mondes siècle, en Le Gyaman Afrique second, d'une très comparée du vu dissemblables. de migration à du monde l'Ouest, l'écart royaume de deux mande de à partir pasteurs l'Islam tutsi royaumes Le et premier du du et Rwanda. XVe de commerce d'une africains, siècle appartient l'Europe, civiliEssai et se le à
sation agricole autochtone. À la veille des colonisations, au Gyaman, les cités mar
chandes, les communautés spécialisées dans le négoce, les dirigeants politiques eux-
mêmes étaient en quête de richesses procurées par les esclaves et le commerce de l'or.
Rien de tel au Rwanda qui ne connaissait ni l'esclavage, ni l'or : le bétail était la
richesse suprême, le roi possédait toutes choses. En approfondissant la comparaison des
formes politiques et économiques de la domination dans deux sociétés aussi différentes
l'une de l'autre, les historiens devraient mieux comprendre et mettre en évidence leurs
singularités respectives.
Les recherches consacrées, depuis les années soixante, au monde akan de
l'Afrique de l'Ouest et aux sociétés agro-pastorales de l'Afrique cen
trale-orientale sont assez nombreuses et diversifiées pour que le passé
précolonial de ces deux « Afriques » fasse désormais partie des territoires de
l'historien. Aussi le temps de l'histoire comparée me semble-t-il venu. À se lire
mutuellement, les spécialistes de ces univers, confrontés à leurs contrastes
autant qu'à leurs ressemblances, devraient être conduits à poser de nouvelles
questions sur les configurations historiques qui leur sont familières. La publica
tion d'une thèse importante consacrée à un royaume akan1 sera l'occasion
d'une telle expérience de dépaysement. Au lieu de procéder au canonique
compte rendu, j'inviterai à comparer le royaume abron du Gyaman, étudié par
Emmanuel Terray, au royaume tutsi du Rwanda, sur lequel j'ai pour ma part
1 . E. Terray, Une histoire du royaume abron du Gyaman, des origines à la conquête coloniale (Thèse
d'État, Université de Paris V, 1984, 6 vol. multigr.), Paris, Éditions Karthala, 1994.
L'Homme 133, janv.-m.ars 1995, pp. 51-71. 52 CLAUDINE VIDAL
travaillé, à envisager leur histoire et leur société de façon à faire ressortir leurs
principales dissemblances et à approfondir leurs singularités respectives.
Les objets du récit
Le récit historique composé par Terray gravite autour d'un événement :
l'édification d'un État précolonial de l'aire ouest-africaine. Soit l'épisode ini
tial, nullement singulier, fréquemment advenu dans les régions soumises à
l'influence du monde akan2 : à la suite d'une querelle de succession, qui n'a pu
être résolue, un petit groupe de guerriers quitte l' arrière-pays d'Accra (actuelle
capitale du Ghana) et fonde, au début du xviie siècle, le royaume de Domaa ;
leurs successeurs, vaincus par d'autres immigrants, devront fuir vers le nord-est
et s'installer dans la région de Bondoukou (de nos jours, ville de Côte-d' Ivoire)
dont ils assujettissent les populations pendant les premières années du
xviir siècle. Ainsi les Abron — c'est le nom de ce groupe — fondèrent-ils le
royaume du Gyaman3.
Terray analysera les succès et les revers des Abron, étudiera les modalités
de leur gouvernement jusqu'en 1898, dernière année de son indépendance : la
multiplicité de ses investigations, le recours à toutes les disciplines susceptibles
d'informer ses enquêtes, la mobilisation d'une érudition monumentale,
expliquent les dimensions impressionnantes de l'ouvrage. Il reste que cette
accumulation de connaissances est structurée par deux intérêts : pratiquer
l'observation historique stricto sensu, mener une réflexion théorique qui relève
d'une philosophie politique, du moins à mon sens. Je rapprocherai deux cita
tions de Terray illustrant bien ce partage entre deux programmes.
Celui du théoricien : « Je voudrais y insister : de mon point de vue,
l'essence même de l'État, c'est l'existence dans le tissu social d'une déchirure
irréductible qui introduit entre gouvernants et gouvernés comme une différence
de nature, quelles que soient les formes sous lesquelles cette est
exprimée4. »
Celui de l'historien : « Ce que j'ai donc écrit, c'est l'histoire d'un État,
c'est-à-dire d'un ensemble organiquement lié de rapports économiques, sociaux
et politiques de domination et de subordination. Comment cet ensemble a-t-il
pris corps ? Comment s'est-il transformé au cours des âges5 ? »
Deux intérêts, deux pièges peut-être : celui d'un théoricisme méconnaissant
la diversité des pratiques, celui d'un positivisme inconscient des catégories qui
ordonnent le récit.
2. Le terme « akan » désigne les populations qui ont défriché et occupé la forêt dense de l'actuelle
République du Ghana et celles qui leur sont culturellement proches.
3. Le territoire occupé par le royaume abron du Gyaman se trouve au nord-est de l'actuelle Côte-
d'Ivoire et au nord-ouest de l'actuel Ghana ; il s'étend entre le Komoé et la Volta noire, à la limite
de la savane et de la forêt dense.
4. E. Terray, « L'État, le hasard et la nécessité. Réflexions sur une histoire », L'Homme. Anthropolog
ie : état des lieux, 1986, 97-98 : 219 ; Paris, Navarin/Le Livre de poche, 1986 : 241.
5. Ibid. : 214 (235). Histoire africaine comparée 53
Dans le premier cas, la théorie politique asservirait les connaissances à un
être de raison, en l'occurrence l'État. Il arrive que cette attitude l'emporte et
que l'auteur propose une théorie des origines de l'État traditionnel, théorie qui
appartient à l'espace philosophique plutôt qu'au champ historiographique.
J'aurai à y revenir car il me paraît important de distinguer le travail de la « rai
son philosophique » sur l'État du travail de la « raison historique » appliqué
aux formes des relations politiques.
Dans le second cas, il y aurait intérêt exclusif pour la connaissance d'un
objet daté et situé — l'organisation de rapports de domination et leurs conte
nus — , nommé État abron précolonial, par analogie avec d'autres objets histo
riques, également nommés État — l'État moderne ou l'État romain. Faute de
distance critique, ces analogies pourraient composer un modèle sous-jacent,
suscitant des mises en ordre préconçues de la matière documentaire, par
exemple en déterminant a priori ce qui est ou non du ressort de l'État.
Pour comprendre le plus petit, passer par le plus grand
La première partie (livre I et livre II) situe la fondation de l'État abron par
rapport à un vaste contexte spatial (une aire s 'étendant du Mali au Ghana) et
temporel (de la fin du xiF siècle au début du xvnr). En quoi ce long préambule
concerne-t-il le petit royaume du Gyaman ? N'y a-t-il pas disproportion entre le
récit de développements historiques embrassant cinq siècles et un espace dont
la traversée en ligne droite, du nord au sud, compte plus de 2 000 km et l'étude
d'un micro-État n'existant que depuis le xvme siècle, moins étendu qu'un
département français ? Cette longue exposition, qui a de l'épique braudélien,
est-elle vraiment indispensable à la mise en scène des vicissitudes

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