Le savoir de l autre : une alternative ? (commentaire) - article ; n°3 ; vol.56, pg 651-663
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Description

Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 2001 - Volume 56 - Numéro 3 - Pages 651-663
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Pierre Halen
Le savoir de l'autre : une alternative ? (commentaire)
In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56e année, N. 3, 2001. pp. 651-663.
Citer ce document / Cite this document :
Halen Pierre. Le savoir de l'autre : une alternative ? (commentaire). In: Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56e année, N. 3,
2001. pp. 651-663.
doi : 10.3406/ahess.2001.279973
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2001_num_56_3_279973LE SAVOIR DE L'AUTRE : UNE ALTERNATIVE ?
(commentaire)
Pierre Halen
Unité ou diversité des sciences sociales ? On est tenté de répondre
immédiatement : oui, elles sont plurielles, et, dès lors, soyons pluralistes,
en mettant à la fois le réel et la morale de notre côté. Sur la base de
cette réponse, les éléments apportés au débat par Bogumil Jewsiewicki1
conduisent à toute une série d'interrogations, dont certaines ne paraissent
pas trouver de réponse satisfaisante : celle de l'universel et du relatif, celle
du dedans et du dehors, celle de l'articulation des savoirs. Dans cette
conversation à propos du « pluralisme épistémologique »2, des difficultés
surgissent ainsi très vite parce que, si l'affirmation initiale de la diversité
permet bien d'avancer dans la réflexion, elle contient aussi en germe ce
qui la freine ensuite. Si bien que, revenant en arrière, l'interrogation de
base doit être elle-même questionnée. L'unité exclut-elle la diversité3 ? De
quelle unité parlons-nous ? Et la diversité n'est-elle pas elle-même suscept
ible d'être comprise de plusieurs façons différentes ? J'essaierai de montrer
que les choses peuvent s'éclairer lorsqu'on tente d'en revenir aux données
les plus essentielles, en deçà des pressions idéologiques, mais sans quitter
l'horizon éthique, lequel est, de toute évidence, celui du débat.
Dans cette discussion, le choix à effectuer entre deux termes semble
présenter le second (la diversité) comme une « alternative » aux difficultés
suscitées par la première (l'unité) : une solution autre, inspirée par d'autres
valeurs ou procédant selon d'autres voies. Le savoir de l'autre (non occidental)
1. Cf. dans ce même numéro, pp. 625-641.
2. Le concept de « conversation » a été utilisé par Alain Finkjelkraut, La défaite de la
pensée, Paris, Gallimard, 1987, et repris par Hélé Béji, L'imposture culturelle, Paris, Stock,
1997 : il indique notamment qu'au-delà des données scientifiques des positions citoyennes
sont en jeu, dont il n'y a pas lieu de feindre qu'on puisse faire l'économie.
3. Voir, à ce sujet, François Laplantine, Je, nous et les autres. Être humain au-delà des
appartenances, Paris, Le Pommier/Fayard, 1999.
651
Annales HSS, mai-juin 2001, n° 3, pp. 651-663. L'INTERCULTURALITE
est-il, en ce sens, une alternative à même de répondre aux manques laissés
par le savoir occidental ? Au-delà, le pluralisme épistémologique, plaçant
sur un pied d'égalité tous les savoirs, constitue-t-il une alternative heureuse
à notre embarras moral devant le constat de l'envahissement planétaire par
une logique qui semble uniformément inspirée d'un certain modèle occi
dental, alors même que, culturellement, la différence nous importe et que,
politiquement, l'inégalité accrue nous contrarie ?
Recourir ici à la notion ď « alternative » éveillera sans doute quelque
écho nostalgique : ce mot a servi d'étendard, après 1968, lorsqu'il s'agissait
de nourrir d'autres projets sociétaires que celui du libéralisme médiocre et
inégalitaire que nous avions sous les yeux, et qu'il nous paraissait possible
de changer. Nous n'étions pas seuls puisque, ailleurs, et même fort loin,
des frères humains (dont nous ne sentions pas alors que la « différence
culturelle » fût un trait relevant) semblaient partager et notre type de savoir
et les valeurs en fonction desquelles nous lisions le « sens de l'Histoire ».
La donne, on le sait, s'est modifiée depuis ; non pas radicalement,
certes : tout se passe plutôt comme si une sourdine avait été imposée à ce
genre de discours « progressiste », qui ne se fait plus guère entendre en
Occident4 que pour assurer des positions défensives, du type droits de
l'homme. Ceci ne signifie pas qu'il se soit modifié en substance, mais du
moins a-t-il perdu assez de force et d'évidence pour que nous ayons quelque
peine, semble-t-il, à repenser fondamentalement l'ambiguë notion de diffé
rence, où nous retrouvons à la fois l'héritage des discriminations coloniales
et, non sans paradoxe, celui des discours anticolonialistes ; ainsi le relat
ivisme culturel, autrefois arme utile dans une lutte qui paraissait claire, se
retrouve-t-il aujourd'hui mis en question. Dans ce débat, la position la
plus nette a été formulée avec la dénonciation de L'imposture culturelle,
dénonciation dont il est significatif qu'elle soit le fait d'une femme, et
d'une femme qui, tout en ne cachant pas est l'héritière des Lumières,
se revendique, dans l'écriture, d'un « lieu de pensée » contemporain : la
Casbah5. Déboulonnant la statue de la culture, ce bel essai replace sur son
socle le concept de civilisation, lequel avait été autrefois la cible de tant
d'attaques pour avoir servi de soubassement idéologique à l'impérialisme ;
le livre prend ainsi utilement le relais d'autres prises de position comme
celle d'Alain Finkielkraut dans la première partie de La défaite de la pensée.
Cette « civilisation », Hélé Béji la voit comme un processus fondamentale
ment un, mais elle le dissocie complètement de l'Occident, entité dont elle
4. Ce terme d'Occident semble être lui-même le produit d'une crise de la conscience
«européenne», à la fin du xixe siècle, devant l'émergence du nationalisme colonial: cf.
Christopher Gogwilt, The Invention of the West. Joseph Conrad and the Double-Mapping of
Europe and Empire, Stanford, Stanford University Press, 1995.
5. H. Béji, L'imposture culturelle, op. cit. ; voir aussi, Amin Maalouf, Les identités meurt
rières, Paris, Grasset, 1998, et Neil Bissoondath, Selling Illusions, Toronto, Penguin Books,
1994, significatives positions de témoins, ainsi que les essais de F. Laplantine, Je, nous et
les autres..., op. cit., et de Jean-François Bayart, L'illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996.
Tous ces ouvrages s'efforcent de repenser une conception de l'identité culturelle qui a désormais
fait son temps.
652 ■
HALEN ARTICULER LES CONNAISSANCES P.
décrit la renonciation à l'idée de civilisation et son remplacement à la fois
par les cultures et par le marché économique, évolution qui, en définitive,
laisse l'Occident identitairement exsangue et intellectuellement désarmé :
le débat qui nous occupe en est, à coup sûr, une illustration. Les indépen
dances, pour H. Béji, ont constitué un marché de dupes : on a substitué, à
l'égalité civilisationnelle revendiquée au départ, le hochet d'une égalité
culturelle qui se transforme aujourd'hui, dans la.tête des laissés-pour-compte
du village global, en nationalismes forcément religieux.
B. Jewsiewicki voit bien, lui aussi, que le « relativisme radical » conduit
à une impasse à la fois théorique et pratique ; mais il n'en tire pas les mêmes
conséquences radicales et cherche une solution du côté d'un pluralisme
épistémologique qu'il nous propose comme un avatar acceptable, procédant
d'une sorte de «relativisme mitigé». D'autant plus mitigé que, dans le
même temps, il nous rappelle que la notion de tolérance a tout lieu d'être
abandonnée en raison de ses ambiguïtés devenues visibles. Place donc à
l'attitude décrite au moyen des notions de dignité et de respect, qui n'ex
cluent pas la confrontation sérieuse, voire l'affrontement.
Reste alors à mesurer la configuration précise de ce pluralisme épistémol
ogique. En fait de pluralité, le problème semble résider plus précisément
dans l'articulation d'une dualité épistémologique : d'une part, le « savoir
sc

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