Le Sborník dit « de Bisericani » : fausse identité d un manuscrit remarquable - article ; n°1 ; vol.44, pg 29-45
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Description

Revue des études slaves - Année 1965 - Volume 44 - Numéro 1 - Pages 29-45
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Émile Turdeanu
Le Sborník dit « de Bisericani » : fausse identité d'un manuscrit
remarquable
In: Revue des études slaves, Tome 44, fascicule 1-4, 1965. pp. 29-45.
Citer ce document / Cite this document :
Turdeanu Émile. Le Sborník dit « de Bisericani » : fausse identité d'un manuscrit remarquable. In: Revue des études slaves,
Tome 44, fascicule 1-4, 1965. pp. 29-45.
doi : 10.3406/slave.1965.1884
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1965_num_44_1_1884LE SBORN IK DIT «DĽ HISĽ1UCANI» ;
FAUSSE IDENTITÉ
D'UN MANUSCRIT REMARQUABLE
PAR
EMILE TURDEANU
I
Parmi les manuscrits que A. I. Jacimirskij a eu la bonne fortune d'acquérir
en Roumanie, pendant ses fructueuses visites dans ce pays à la fin du xixe siècle,
un des plus importants est sans doute le Sbornik dit « du monastère de Biseri
cani ».
L'origine du manuscrit, sa date et sa destination sont consignées dans une
note, apparemment rédigée par le copiste lui-même, qui affirme ceci :
« En l'an 7020 (1512), par la munificence et par l'ordre du pieux et aimant le
Christ Jean Bogdan voévode, seigneur de tout le pays moldave, ce livre appelé
Nomocanon a été copié (исписа са) pour le monastère de Bisericani. Ce morceau
( KOMdTb) a été dans le monastère de Neam^u, sous le vocable du Panto-
crator, par l'humble pécheur le hiéromoine Nicodim, le hiéromoine Partenie étant
alors hégoumène. Gloire à toi, ô Seigneur! » (1).
Prise à la lettre, l'inscription fait figure d'un document historique, littéraire
et même linguistique digne de toute attention. Elle nous apprend que le
monastère de Bisericani existait en 1512, ce qui projette une lumière inattendue
sur les origines de ce couvent; elle prétend que le monastère de Neam^u se
trouvait sous le vocable du Pantocrator, ce qui est encore un fait à retenir,
^1' L'inscription est en moyen bulgare, sauf les derniers mots qui sont en grec. Voir son
texte ainsi qu'une large description du manuscrit dans A. I. Jacimirskij, Iz slavjanskich ruko
pise]. Teksty i zametki, M., 1899, p. 85-92. ЗО ŹMILE TURDÊANU
puisque tous les documents de l'époque attribuent à ce couvent le vocable
de l'Ascension du Christ; elle témoigne pour la circulation en Moldavie,
dès 1512, d'un certain nombre de textes historiques et de polémique rel
igieuse qui n'y avaient été signalés, auparavant, que dans un Sbornik copié
au monastère de Neamfu en 1557; elle apporte aussi un exemple curieux,
mais point fortuit, de l'emploi du mot колмтъ au sens serbe de « morceau »
dans les inscriptions moyen-bulgares de Moldavie. Mais, par-dessus tout,
elle prête à ce que nous avons appelé jadis « la biographie romancée » de
Grégoire Cambiale un appui dont nous sommes obligé de dénoncer, une
fois de plus, le manque de fondement et de probité.
Reprenant l'enquête que nous avons menée jadis sur d'autres documents
moldaves invoqués à l'appui de la biographie romancée de Grégoire Cam-
blak (1), nous nous proposons de confronter la prétendue inscription de 1512
avec les témoignages de son époque et d'élucider — dans la mesure où notre
information le permettra — les points litigieux qu'elle contient.
La première question que soulève l'inscription publiée par Jacimirskij est
de savoir si le monastère de Bisericani a réellement existé en 1512, quand le
Sbornik lui aurait été offert. En 1899, quand Jacimirskij a livré aux historiens
la curieuse inscription, on le croyait effectivement. Mais on le croyait sur la
seule base d'une autre inscription, qui avait été gravée au-dessus de la porte
principale de l'église de Bisericani en 1786, lors de la rénovation de cette
église. Cette inscription tardive &) affirme que le monastère de Bisericani
a été construit par « §tefan voévode, fils de Bogdan voévode », en 1512. Or,
le nom du prince est ambigu et la date est pour le moins erronée. Car « §tefan
fils de Bogdan » peut être soit §tefan cei Mare (Etienne le Grand, 1457-1504),
soit §tefanita (Etienne le Jeune, 1517-1527) : ni l'un ni l'autre n'a régné en
1512, quand le trône de Moldavie était occupé par Bogdan- Vlad, fils du
premier et père du second. Le manuscrit appartenant à Jacimirskij prend
ainsi un premier risque, et des plus graves, en prétendant apporter à cette
inscription une confirmation indéniable.
En vérité, cette n'est indéniable que pour celui qui prend à
la lettre tout document recouvert d'un peu de poussière. L'historien plus
méticuleux sera en droit de demander certaines lumières sur l'existence du
monastère de Bisericani au début du XVIe siècle aux sources généralement
accréditées pour les lui fournir : aux chroniqueurs de l'époque, aux chartes
délivrées par les princes régnants et aux annotations des livres ayant formé
la bibliothèque du couvent.
Disons tout de suite que, bien que l'historiographie moldave dispose d'une
série ininterrompue de chroniques qui vont depuis le règne d'Etienne le
W Emile Turdeanu, Grégoire Camblak : faux arguments d'une biographie, RÉS, XXII,
1946, p. 46-81.
W Publiée par N. Iorga, « Inscrip^ii din bisericile României », I, Studii §i documente, XV,
p. 4243. SBORNÍK DIT • DE BISËRICANÎ » 31 LE
Grand jusqu'aux temps modernes M, aucun écrivain du xvi6 siècle n'a enre
gistré le nom du monastère de Bisericani, pas plus que celui du « skyte de
Joseph » qui désignait à l'origine le même couvent. Ce silence est d'autant
plus curieux qu'il s'agit d'annalistes contemporains, qui étaient par surcroît
des ecclésiastiques, et qui ont écrit pour flatter l'orgueil des princes comme
Pierre Rares. (1527-1538, 1541-1546), Alexandre Läpusneanu (1552-1561 et
1564-1568) et Pierre le Boiteux (1er règne, 1574-1577). Sans faire un argument
de ce silence, nous l'enregistrons comme un fait troublant.
Que nous disent alors les chartes ? On connaît à l'heure actuelle environ
1.380 chartes moldaves pour la seule période allant de 1501 à 1590 (2) : trois
seulement concernent le « skyte de Joseph », et encore, de ces trois, les deux
les plus anciennes sont, de l'avis de leurs propres éditeurs, « pour le moins
douteuses ». Faute de meilleurs documents, force nous est de prendre en
considération ces actes : non pas comme témoins historiques, certes, mais en
tant que porteurs d'une tradition concernant les origines du monastère de
Bisericani.
Laissant donc de côté leur prétention d'établir les droits des moines du
« skyte de Joseph » sur certaines propriétés plus ou moins contestables ^,
voyons ce que ces actes nous disent sur les origines de leur monastère. Il va
de soi qu'ils doivent rapporter non seulement la tradition que l'on se croyait
en droit d'entretenir au monastère de Bisericani, mais aussi celle qui devait
être la plus croyable aux yeux de ces juges éventuels qu'étaient le prince et
les boïars du Conseil {divan), dont la mémoire était souvent un véritable
livre. Les faussaires devaient bien se garder de compromettre les chances
de leurs « titres de propriété » en y étalant des allégations historiques dénuées
de tout fondement.
W Les chroniques des XVe et хтіе siècles ont été récemment réimprimées, avec notes et
traduction roumaine, par P. P. Panaitescu, Cronicile slavo-romîne din sec. xv-xvi, Bue,
1959.
(*> Cf. Academia Republicii Populare Romine, Documente privind istoria Romîniei.
Veacul XVI. A : Moldova, vol. I, II et III, Bue, 1951-1953.
W Les propriétaires anciens et surtout les moines qui fabriquaient une charte fausse n'agis
saient pas toujours par une intention frauduleuse. Il arrivait que de vieilles terres soient parve
nues dans la possession du monastère sans leurs « titres de propriété », ou que ces titres aient
été perdus ou détruits au cours de nombreuses vicissitudes. En bonne régie, un propriétaire
privé de ses titres devait faire appel au prince régnant qui, prenant l'avis du Conseil des boïars
et sur la foi des témoins, lui faisait délivrer une « confirmation » (roum. întarire). Mais les cas
ne sont pas rares où les propriétaires avaient recours tout

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