Le socialisme serbe à la croisée des chemins : bakuninisme ou marxisme - article ; n°1 ; vol.23, pg 102-119
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Description

Revue des études slaves - Année 1947 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 102-119
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1947
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Mousset
Le socialisme serbe à la croisée des chemins : bakuninisme ou
marxisme
In: Revue des études slaves, Tome 23, fascicule 1-4, 1947. pp. 102-119.
Citer ce document / Cite this document :
Mousset Jean. Le socialisme serbe à la croisée des chemins : bakuninisme ou marxisme. In: Revue des études slaves, Tome
23, fascicule 1-4, 1947. pp. 102-119.
doi : 10.3406/slave.1947.1452
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1947_num_23_1_1452LE SOCIALISME SERBE
A LA CROISÉE DES CHEMINS
ВАКШШ1ЅМЕ OU MARXISME ?(I)
PAR
JEAN MOUSSET.
Les principales lectures de Svetozar Marković étaient, nous dit
Skerlié : Cernyševskij, Dobroljubov et Pisarev. Déjà Herzen,
même en Serbie, était passé de mode, et Marković lui reprochait
d'être « un publiciste très superficiel et inconséquent ^ ». Sve
tozar a conscience qu'il appartient à la génération des années 60.
Il lui restera toujours fidèle. Dans une lettre adressée à Belimar-
kovié (écrite à Zurich le 26 juin 1869), il déclare sans ambages :
« Nous devons être pour le peuple serbe ce que Cernyševskij,
Dobroljubov et les autres ont été pour le peuple russe ». En
Suisse, certes, Marković entrera en contact avec les révolutionnai
res russes. Il acceptera les responsabilités de « correspondant de
la section russe de l'Internationale » et deviendra
du journal socialiste russe Narodnoe Delo, qui paraît à Genève.
Mais bien avant, nous le savons, l'évolution de Svetozar Mar
ković sera dictée par celle du socialisme russe. Avec Pisarev,
Marković pensera que la question sociale ne peut être résolue
que par le prolétariat. Le prolétaire est le sauveur du peuple.
C'est en lui que se trouve incarné ce qu'il y a de meilleur et de
plus solide dans l'Etat. La tradition n'existe pas : elle est un
M Cet article a été achevé par Jean Mousset quelques semaines avant sa mort :
c'est le d ігпіег qu'il ait écrit , et cela alors que, sentant sa fin prochaine, il avait
à cœur de tenir l'engagement pris envers notre Revue des Etudes slaves. Les lec
teurs y reconnaîtront une maîtrise qui leur permettra de mesurer la perte que
viennent de faire nos études en la personne de ce jeune historien [Note de la
Rédaction].
(s! Jovan Skerlić, Svetozar Markovié, njegov iivot, rad i ideje, ae éd., Beograd,
199a, pp. 22 et suiv., p. 127.
Revue des Etude* slaves, t. XXII!, »9^7. fasc. \-h. SOCIALISME SERBE À LA CROISÉE DES CHEMINS. 103 LE
préjugé qui entrave la marche du progrès. Pisarev disait : « Ce
qu'on peut briser, il faut le briser. Ce qui supportera le choc est
bon; ce qui tombera en morceaux n'est que poussière. En tout
cas, frappe à droite, frappe à gauche, il ne peut être de mal à
cela ».
Quand Svetozar Marković vint à Pétrograd, Pisarev était le
chef de la jeunesse révolutionnaire. Son « esprit héroïque »
enthousiasma le jeune Serbe. Mais l'influence de Pisarev fut
d'un autre caractère, plus profonde. Elle apparaît dans Realizam
u nauci i u životu. Skerlić note, avec raison, que, chez les Serbes
des années 70, il y avait plus de traductions de Pisarev que de
Cernyševskij M. Ce n'est point là un pur hasard.
La seconde phase de l'évolution politique de Svetozar Mar
ković est marquée par l'influence de Cernyševskij, à partir de
1872 (2). Cernyševskij croyait à la priorité des réformes politiques
sur les réformés économiques. La Russie devait éviter la phase
capitaliste qui pesait si lourdement sur les nations occidentales.
En fait l'organisation sociale que préconisait Cernyševskij était
plutôt d'inspiration saint-simonienne et fourriériste. Aux yeux
de Svetozar Marković, Cernyševskij avait un prestige immense :
c'était le « Robespierre russe » de qui il convenait de faire un
« Robespierre serbe ». Dans le Radenik, Svetozar expose longue
ment, systématiquement, les doctrines sociales et politiques de
l'auteur de Que faire? (3\ de « notre grand maître Cernyševskij »,
comme il l'appelle avec dévotion; et de faire de lui un éloge
vibrant : « II n'est pas un réformateur au xixe siècle qui ait aussi
profondément et universellement conçu la renaissance sociale . . .
Ses réformes embrassent tout l'homme et toute la société : la
famille, la commune, l'Etat... ». «Pour nous, Serbes, écrit-il
(') Sur Cernyševskij, voir Красный Архив, М.-Л. , 1998, t. IV (plus
particulièrement sur la surveillance qu'exerçait la 3e Section sur les amis
de l'auteur de Que faire ?). On a également consulté avec profit B. I. Gorev,
II. Г. Чернышевский, мыслитель и революционер, M., 19З4, pp. 28 et
suiv. ; G. V. Plechanov, H. Г. Чернышевский, Институт К. Маркса и Ф.
Энгелса, t. V, р. 363, M., it)39i ^u> Steklov, H. Г. Чернышенский, 2 vol.,
M., 1Q29; Em. Jaroslavskij , Николай Гаврилович Чернышевский i8n8-
іда8, p. 5 '1, M., 1929. Que faire ?, de Cernyševskij , a été traduit partie
llement la première fois en serbe en 1871 dans le Radenik, puis édité séparément.
Une seconde partie du roman fut publiée postérieurement par Pera Todorović
dans le Rad. L'œuvre complète ne fut traduite qu'en 1 909 par M. Radicević
(Belgrade, 1909).
(s' V. Bogucarskij, Из истории политической борьбы в 70х и 8о* гг. XIX. века
(Партия «Народной Волн», ея происхождение, судьбы и гибель), М. , îgia«
№ Radenik, 1871, n° Зо. ОД JRAN MOUSSET. 1
dans une de ses lettres le і з juillet 187З, Gernyševskij est d'une
importance particulière, car il comprend pleinement la différence
entre la société industrielle et la société agricole et la
des moyens qu'il faut employer pour transformer la propriété
privée en propriété collective ». Que faire ? était, à en croire Mark
ović, « l'évangile de la nouvelle foi ». En 1870, la Matica, com
mentant la nouvelle erronée de sa mort, écrit : « C'était un
homme. C'est de tels hommes qu'il faut aux Russes et qu'il nous
faut à nous aussi ». Svetozar Marković, enfin, offrait à ses compat
riotes une adaptation serbe des Principes de V économie nationale
de Cernyševskij, lesquels n'étaient au reste qu'une traduction
de l'œuvre de Stuart Mili.
N'exagérons pas d'ailleurs le rôle personnel de Markovié.
Les petits cercles intellectuels des années 60 sont profondé
ment imprégnés de Cernyševskij, plus particulièrement ceux qui
se forment autour de ces « académies » des velikoskolci de Bel
grade. Ce sont les « sept Apôtres », comme ils s'appellent non
sans quelque prétention : Svetozar Marković, Košta Rašić, Tana-
sije Vesović, Ljubomir Belimarković, Vaša Filipović, Jovan Ger-
čikov et Pavle Mihailović. Ce petit club recevait régulièrement
le Kolokol de Londres. Mais lorsque les « Apôtres » quittèrent
l'Université et que Svetozar Marković partit pour Pétrograd,
le club fut décapité. Alors apparaissent leurs cadets, Vladimir
Ljotić, Vladimir Nikolić, Miloš Djurić, qui entretiendront avec
Karavelov de fraternelles relations M.
Cette brillante société d'étudiants belgradois — que Svetozar
Marković va abandonner — est bien intéressante. On aime en
Karavelov le « frère bulgare », partisan de l'entente et de la fédé
ration, bien que Karavelov ne soit pas socialiste, mais libéral.
On organise des petites soirées de fraternisation auxquelles
ne craignent pas d'assister des professeurs de la Velika Škola,
comme Panta Srećković et Stojan Boskovic. On se moquait,
tous ensemble, du Knèze, de la mesquine et tyrannique bureauc
ratie serbe et de ses « âmes damnées ». Hélas, ce bon temps ne
dura guère. La bureaucratie et le Knèze se vengèrent et Karavelov,
qui venait d'épouser une jeune Belgradoise, dut quitter la ville
qu'il aimait tant. Dans un de ses contes, un de ses héros s'adresse
ainsi à la ville blanche — et l'on sent bien que c'est Karavelov
qui parle :
'•' Rusanov, Социалисти Запада в России, Спб. , і9°9> РР* а^7 е^ 8Uiv» LE SOCIALISME SERBE À LA CROISEK DES СНЕИ1ЛЅ. 105
« Belgrade, Belgrade, mère du pays serbe, père du peuple serbe! Tout le
monde t'aime et, moi-même, je ne sais pas pourquoi. Tu es vraiment beau!
Tu tournes ton front clair vers le monde entier, et tu parles

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