Le temps, l imagination, l incertitude dans la théorie du professeur G. L. S. Shackle - article ; n°2 ; vol.33, pg 297-322
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Le temps, l'imagination, l'incertitude dans la théorie du professeur G. L. S. Shackle - article ; n°2 ; vol.33, pg 297-322

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Description

Revue économique - Année 1982 - Volume 33 - Numéro 2 - Pages 297-322
Si l'œuvre du Professeur G. L. S. Shackle n'a pas eu l'audience qu'elle mérite, la raison en est certainement que l'économie « orthodoxe » n'a pas voulu faire face aux questions qu'elle pose. Partant des conditions et procédures des choix économiques telles qu'elles sont étudiées dans le dernier livre du Prof. Shackle, l'article se propose d'en montrer la portée par l'examen des problèmes fondamentaux qui y sont posés et les conclusions en découlant logiquement — en particu­lier la subversion du rationalisme économique qui, en excluant à la fois le temps et l'imaginaire de l'homme, conduit au fatalisme du déterminisme absolu. Par ses implications (l'exemple capital de la théorie des profits est rapidement présenté), l'œuvre du Prof. Shackle montre qu'une autre Economie Politique est possible, moins « performante » sans doute puisqu'elle ne prétend plus à la prescience ni même à l'objectivité, mais plus réaliste, plus compréhensive, et plus humaine.
Time, imagination, uncertainty,
In professor G. L. S. Shackle's theory
Philippe Beaughand
If Professer G.L.S. Shackle's work has not the audience it should have got, the reason certainly is that « orthodox » economces has not cared to face the important issues it raises. Beginning with conditions and processes of making economic choices, as studied by Prof. Shackle in his latest book, this article intends to show its significance by examining the fundamental problems it brings up and the conclusions logically reached — particularly the subversion of economic rationalism which, while excluding ail together time and man's imagination, leads to fatalism of total determinism. By its implications (as a paramount example thé theory of profits is rapidly exposed) Prof. Shackle's work shows that an other Political Economy is conceivable ; surely it gives fewer results, as it no more claims predictions nor objectivity, but its approach is more realistic, more comprehensive, and more human.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Philippe Beaugrand
Le temps, l'imagination, l'incertitude dans la théorie du
professeur G. L. S. Shackle
In: Revue économique. Volume 33, n°2, 1982. pp. 297-322.
Résumé
Si l'œuvre du Professeur G. L. S. Shackle n'a pas eu l'audience qu'elle mérite, la raison en est certainement que l'économie «
orthodoxe » n'a pas voulu faire face aux questions qu'elle pose. Partant des conditions et procédures des choix économiques
telles qu'elles sont étudiées dans le dernier livre du Prof. Shackle, l'article se propose d'en montrer la portée par l'examen des
problèmes fondamentaux qui y sont posés et les conclusions en découlant logiquement — en particu-lier la subversion du
rationalisme économique qui, en excluant à la fois le temps et l'imaginaire de l'homme, conduit au fatalisme du déterminisme
absolu. Par ses implications (l'exemple capital de la théorie des profits est rapidement présenté), l'œuvre du Prof. Shackle
montre qu'une autre Economie Politique est possible, moins « performante » sans doute puisqu'elle ne prétend plus à la
prescience ni même à l'objectivité, mais plus réaliste, plus compréhensive, et plus humaine.
Abstract
Time, imagination, uncertainty,
In professor G. L. S. Shackle's theory
Philippe Beaughand
If Professer G.L.S. Shackle's work has not the audience it should have got, the reason certainly is that « orthodox » economces
has not cared to face the important issues it raises. Beginning with conditions and processes of making economic choices, as
studied by Prof. Shackle in his latest book, this article intends to show its significance by examining the fundamental problems it
brings up and the conclusions logically reached — particularly the subversion of economic rationalism which, while excluding ail
together time and man's imagination, leads to fatalism of total determinism. By its implications (as a paramount example thé
theory of profits is rapidly exposed) Prof. Shackle's work shows that an other Political Economy is conceivable ; surely it gives
fewer results, as it no more claims predictions nor objectivity, but its approach is more realistic, more comprehensive, and more
human.
Citer ce document / Cite this document :
Beaugrand Philippe. Le temps, l'imagination, l'incertitude dans la théorie du professeur G. L. S. Shackle. In: Revue économique.
Volume 33, n°2, 1982. pp. 297-322.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1982_num_33_2_408653LE TEMPS, L'IMAGINATION, L'INCERTITUDE,
DANS LA THÉORIE
DU PROFESSEUR G.L.S. SHACKLE *
« Le temps est un scandale pour la pensée logique. »
Paul Chanter.
G. L. S. Shackle est un économiste à part, sinon marginal. Bien
qu'on ne puisse plus concevoir aujourd'hui une histoire de la pensée
économique contemporaine qui ne lui consacre au moins quelques
paragraphes, Shackle demeure moins méconnu que délibérément ignoré
des économistes « orthodoxes » en face desquels il fait figure d'héré
tique obstiné.
Sans doute admire-t-on très largement sa théorie de l'incertitude :
tel qui s'enthousiasme qu'on puisse construire des courbes de Phillips
« en colimaçon » ne peut manquer de s'intéresser à la formalisation
de la « surprise potentielle» et aux «élasticités de surprise». Mais à
l'époque du postulat des « anticipations rationnelles », à un moment
où la théorie orthodoxe entend plus que jamais pouvoir tout expli
quer, on comprend que Shackle soit jugé « hors de propos » — les
Anglo-Saxons diraient « irrelevant ». L'idée est en effet très larg
ement répandue que Shackle «ne mène nulle part », que sa théorie
ne propose aucune réponse aux questions essentielles que s'adresse
la science économique (car son « nihilisme épistémologique » est perçu
comme une négation de la science) et qu'en tant que telle, la science
se doit de l'ignorer superbement. En outre, Shackle a pu être accusé
de « sociologisme » ou de « psychologisme », et ainsi critiqué pour s'être
écarté de l'exact domaine de la science économique.
* Bien que cet article doive beaucoup à une fructueuse et sympathique corre
spondance avec le professeur Shackle, et qu'il se propose de présenter quelques-
uns de ses thèmes essentiels, il ne saurait engager que son auteur.
297
Revue économique — N° 2, mars 1982. économique Revue
Le dernier livre publié par G. L. S. Shackle, Imagination and the
nature of choice (1979) 1 ne devrait pas susciter de réactions différentes :
quarante et un ans après la parution de son premier ouvrage 2, Shackle
y poursuit les mêmes thèmes dont le propos s'affirme toujours aussi
destructeur des principes du mécanisme orthodoxe. A plus d'un titre,
Imagination and the nature of choice devrait même apparaître comme
un aboutissement. Aboutissement moins ambitieux, certes, que son
magistral traité Epistemiçs and economics (1972), dont le dessein visait
clairement à la reformulation critique de la théorie économique géné
rale — la branche économique de Yépistémique, la théorie de la pensée
et du sujet pensant — mais aboutissement plus fondamental encore
puisque, dans ce petit livre, Shackle s'attache à l'étude quasi philoso
phique des bases de son épistémique économique, aux justifications de
sa théorie du choix économique. .
Dès l'abord, si l'on veut suivre la pensée de G.L.S. Shackle et se
plonger dans sa structure théorique, il faut en accepter le présupposé —
ce que Shackle appelle « an election of policy » 3 — l'adoption d'une
attitude sur la nature dès choses. Dans la vision déterministe, en effet,
il n'existe et ne peut exister d'autres actions qu'en réponse à l'impé
rieuse nécessité, d'autres choix que ceux imposés par les circonstances ;
un tel cadre n'est pas même celui de Yhomo economicus, tout au plus
est-ce celui du robot 4 ! Si au contraire on admet que l'homme cons
truit dans une certaine mesure sa propre histoire, qu'à chaque moment
il est libre de choisir quel chemin prendre ou même de créer son
propre chemin, qu'à part l'inertie des choses seule sa volonté et son
imagination le limitent dans ses actions, alors et alors seulement existe-t-
il un choix digne de ce nom, un choix ni vide ni illusoire, ni vain ni
impuissant.
L'adoption d'une attitude non déterministe n'est pas arbitraire. Il
est courant de souligner combien les divergences d'ordre philosophique
sont irréductibles. Tel n'est pourtant pas totalement le cas pour les
fondements de l'épistémique économique de Shackle ; et ainsi que le
suggèrent ces vers admirables de Guillaume de Lorris, souvent cités et
commentés par Shackle lui-même, la raison en est l'existence ou
plutôt la transcience du temps :
1. Des références plus complètes sont données à la fin de cet article (voir
bibliographie, p. 321). Soulignons que, devant la maîtrise de la langue anglaise
dont fait preuve G. L. S. Shackle, nous avons généralement renoncé à traduire
des citations et préféré la paraphrase, qui permet une transcription plus libre.
2. Shackle, Expectations, investment and income (1938).
3.Imagination and the nature of choice, p. 6.
4.Time in economics, p. 103.
298 Philippe Beaugrand
Li tens, qui s'en vet nuit et jor
sanz repox prendre et sanz sejor,
et qui de nos se part et emble
se celeement qu'il nos semble
qu'il s'areste adès en un point,
et il ne s'i areste point,
ainz ne fine de trespasser,
que l'en ne puet neïs penser
quel tens ce est qui est presenz 5.
L'attitude de Shackle est donc a priori justifiée par la perception que
nous avons du temps : l'homme n'appréhende qu'une chose, sa pensée
— et ses cortèges de souvenirs et d'espérances ; il n'existe aucun futur
objectif, et la seule « justification » de l'opinion déterministe ne pourr
ait être qu'une foi métaphysique dans la destinée — foi à laquelle
le scientifique doit évidemment se refuser.
Les conséquences pour la théorie économique du rejet du déter
minisme sont immenses. La plus caractéristique semble être la prise
en compte de l'imagination, cette capacité proprement créatrice de
l'homme, condition nécessaire &

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