Le thème des échanges successifs dans la littérature africaine - article ; n°1 ; vol.9, pg 5-22
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Description

L'Homme - Année 1969 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 5-22
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Denise Paulme
Le thème des échanges successifs dans la littérature africaine
In: L'Homme, 1969, tome 9 n°1. pp. 5-22.
Citer ce document / Cite this document :
Paulme Denise. Le thème des échanges successifs dans la littérature africaine. In: L'Homme, 1969, tome 9 n°1. pp. 5-22.
doi : 10.3406/hom.1969.367015
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1969_num_9_1_367015LE THÈME DES ÉCHANGES SUCCESSIFS
DANS LA LITTÉRATURE AFRICAINE
par
DENISE PAULME
Le point de départ de notre étude a été le rapprochement de deux contes
inédits, l'un bété (Côte-dJ Ivoire), l'autre dogon (Mali), recueillis à trente ans de
distance ; le conte dogon étant évidemment une version affaiblie et peut-être
incomplète d'une tradition mieux conservée dans le texte bété.
Conte bété1
Zakole zepE2.
Objet de railleries, Zakols se rend auprès de Dieu, Kamina. Celui-ci lui demande pour le
guérir d'apporter le cœur de son père et celui de sa mère. Zakole, révolté, ne peut s'y résoudre,
il décide de tromper Kamina. Pour cela, il tend des pièges, où il prend deux animaux de
même espèce, des margouillats. Il distribue la viande parmi les villageois, porte les cœurs
séchés à Kamina, qui les mange, puis frappe Zakole au bas des reins. D'où une enflure corre
spondant aux fesses.
Zakole décide de voyager. Il se rend auprès de Gbato, le tresseur de bambous. Là, il
s'assoit sur un lit en bambous, les bambous le pincent. Furieux, Zakole s'enfuit en emportant
les bambous. Il se rend chez des forgerons qui n'avaient jusque-là pas d'abri pour leur forge.
Il leur offre les bambous comme abri ; mais les bambous sont incendiés. Zakole prend donc
un fer de houe en compensation. Il se rend chez des planteurs d'ignames, qui ne connaissaient
pas le fer, n'avaient pour outil qu'un bâton, ble, en bois. Zakole fixe à l'extrémité du ble
son fer, obtient ainsi une houe, gbusu. En partant, il s'enfuit avec une igname.
Zakole arrive chez les mangeurs d'huile, qui ne connaissaient pas d'autre nourriture ; il
leur enseigne la cuisine (à rôtir les ignames, qu'on trempe ensuite dans une sauce à base
d'huile). Il dérobe un vase plein d'huile.
Zakole parvient chez un vieillard, où tous vivent en paix, ne meurent que très vieux.
Il surprend son hôte se frottant d'une eau magique, où a trempé son buko, son talisman.
Zakole offre son huile, vole le buko. D'où mort du vieillard.
1. Conte rédigé par M. Bruly Bouabré, informateur lettré.
2. Zakolo, Zakole « l'Araignée » ; zepe « sans fesses ». 6 DENISE PAULME
Zakole atteint le fleuve Ibo, si large que seul peut le traverser l'aigle djubi. Le fleuve
est démonté. Zakole l'apaise en posant sur les flots le buko, cône de plusieurs couleurs, avec
des cauris et une touffe de plumes d'oiseaux, contenu dans un récipient en bois. Puis il vole
du sable.
Zakole arrive chez des bijoutiers qui lavent leurs bijoux avec de la cendre de charbon ;
il leur enseigne l'usage du sable et s'enfuit avec des bijoux.
Zakols parvient chez les « accompagnateurs d'épouses », qui conduisent la mariée chez
son époux. Zakole se présente à un tel cortège, offre ses bijoux. Puis vole un pagne : « Les bra
celets n'étaient pas miens. »
Zakole arrive dans un pays dont la reine est morte depuis deux jours ; l'enterrement est
fixé au troisième jour, le corps entouré de feuilles de bananier. Zakole offre son pagne. Il
ampute le cadavre d'une jambe.
Chargé de la jambe du cadavre, Zakole regagne son village en poussant de grands cris
pour écarter quiconque de son chemin. Il annonce qu'un mort le poursuit, sa vision tue.
Il dépose la jambe chez lui, puis frappe le tambour, annonçant son mariage.
On lui demande de s'expliquer. Il peint la jambe de plusieurs couleurs, la dispose sur
le seuil, ne laissant visible que la partie du pied au genou, abuse ainsi les villageois. Les
jeunes femmes chantent des chants de mariage (chants provocants pour les célibataires
qu'ils incitent à prendre épouse au plus vite).
Le lendemain a lieu le repas de noces, que Zakole mange seul dans sa case. Le troisième
jour est celui de la présentation de l'épouse1. Zakole va aux champs. Les villageois sont alertés
par l'odeur de putréfaction. Un petit garçon chassant les lézards avec son arc et des flèches
pénètre chez Zakole, il s'enfuit en pleurant. Les villageois indignés incendient la case. Zakole,
voyant son secret éventé, s'enfuit.
Conte dogon2
L'enfant sans fesses.
Une femme accouche d'un enfant sans fesses. L'enfant va trouver Dieu et lui demande
des fesses. Le Créateur lui ordonne de tuer ses parents pour en obtenir. Il tue son père et
cache sa mère dans un panier. Il retourne chez Dieu, qui lui donne une fesse en lui disant
de tuer sa mère aussi. Il la tue et obtient la seconde fesse.
Dieu lui défend de se nettoyer avec de la paille après être allé à la selle. Il enfreint la
défense, ses fesses se détachent. Il demande à la Paille de le rembourser. Elle lui donne une
sauterelle. Il prie un forgeron de lui cuire cette sauterelle. Occupé à son travail, le forgeron
laisse carboniser l'insecte. Le héros demande à l'ouvrier de le payer. Celui-ci lui donne une
houe. L'enfant trouve des chevriers creusant un puits à l'aide de simples bâtons. Il leur
offre sa houe. Ils l'usent en creusant. Les chevriers paient la houe avec une outre d'eau.
Des femmes chargées de bois reviennent de brousse, ayant soif. Il leur donne son outre,
qu'elles vident. Il demande le prix de son eau et obtient du bois. Il continue son chemin
et trouve une nouvelle accouchée. Elle brûle ses cuisses pour faire chauffer l'eau de la toilette
de son bébé. Le garçon lui offre son bois. Elle le récompense avec un petit canari plein de
1. Le rapt est la forme habituelle du mariage bété. La jeune épousée reste trois jours
enfermée chez son mari (3 étant ici le chiffre féminin). On prévient ses parents, qui la rejoi
gnent. Le troisième jour, en présence des deux familles, les parents du mari procèdent à
un rituel de purification qui « libère » la jeune femme : quitter son mari plus tôt l'exposerait
à un châtiment surnaturel (sur le mariage bété, cf. D. Paulme, Une société de Côte d'Ivoire
hier et aujourd'hui : les Bété, Paris-La Haye, 1962).
2. Recueilli en 1935 par D. Lifchitz. L'informateur était un garçon d'une douzaine
d'années. LES ECHANGES SUCCESSIFS J
beurre. Sur son chemin, l'enfant remarque un arbre au tronc blanc. Il demande pourquoi
l'arbre est blanc. C'est par manque de pommade, répond l'Arbre. Il lui donne son canari.
L'Arbre se frotte et lui donne un collier. L'enfant aperçoit un oiseau sans collier. Il lui donne
le sien. L'Oiseau emporte le collier sans rien payer.
Le thème des échanges successifs est bien connu des folkloristes. Dans les
contes européens, la situation initiale est celle d'un homme qui ne possède pour
toute fortune qu'un grain de blé ; un coq ayant mangé le grain, l'homme exige
le coq ; un cochon ayant mangé le coq, il exige le cochon ; pour se retrouver
possesseur d'un bœuf qui a dévoré le cochon. Dans ses Types of the folk-tale,
M. Thompson assigne au conte le n° i 655 et l'intitule « Marché de dupes »
(Deceptive bargain)1. Le thème déborde l'Europe ; on l'a retrouvé en Asie
jusque chez les Katchin de Birmanie. Mais le conte africain apparaît aussitôt
différent.
Plusieurs versions du « Marché de dupes » avaient déjà été recueillies en
Afrique. René Basset mentionne un texte sukuma (Tanzanie) où les échanges
s'effectuent dans l'ordre suivant : miel - grain - poulet - œuf - bâtons - couteau -
queue de bœuf - bestiaux. L'enrichissement du héros est également sensible dans
un conte arabe de Tripolitaine, « L'homme aux ongles »2. Le thème des échanges
se retrouve jusqu'en Afrique du Sud, notamment dans un conte zoulou publié
dès 1868 par l'évêque Callaway : le héros ayant déterré quelques racines comest
ibles, les confie à sa mère pour les faire cuire ; la mère mange les racines et
quand son fils revient, lui remet en compensation un seau à lait ; le héros prête
le seau à des vachers qui traient,

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