Le Tiers Monde avant le Tiers Monde, 1770-1870 - article ; n°129 ; vol.33, pg 7-29
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Description

Tiers-Monde - Année 1992 - Volume 33 - Numéro 129 - Pages 7-29
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Batou
Le Tiers Monde avant le Tiers Monde, 1770-1870
In: Tiers-Monde. 1992, tome 33 n°129. La fin des hyperinflations en Amérique latine. pp. 7-29.
Citer ce document / Cite this document :
Batou Jean. Le Tiers Monde avant le Tiers Monde, 1770-1870. In: Tiers-Monde. 1992, tome 33 n°129. La fin des hyperinflations
en Amérique latine. pp. 7-29.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1992_num_33_129_4671LE TIERS MONDE
AVANT LE MONDE, 1770-1870
par Jean Batou*
Vers 1800, les régions du Tiers Monde1 actuel disposaient, pour
autant qu'on puisse l'évaluer, d'un revenu et d'un produit industriel
par habitant comparables à ceux de l'Europe et de ses colonies de
peuplement. Dès 1860, pourtant, un fossé était apparu entre ces deux
grands ensembles en devenir : leur revenu variait déjà du simple au
double et leur produit industriel par tête du simple au quadruple2.
L'essentiel de la rupture était intervenu entre 1830 et 1860, avec la dif
fusion de la révolution industrielle en Europe occidentale et aux Etats-
Unis.
Que s'était-il donc passé ? Le démarrage industriel des régions
aujourd'hui sous-développées avait-il été envisagé, voire même ébauché,
durant cette période ? Si oui, dans quels pays, avec quels objectifs explic
ites, quelles chances d'aboutir et résultats tangibles ? Avait-on
assisté à l'ébauche de modèles de croissance alternatifs, adaptés aux
conditions particulières de la périphérie et qui lui auraient permis, au
* Maître-assistant, Université de Genève. Cet article présente de façon synthétique l'argument
principal de mon livre : Cent ans de résistance au sous- développement. L'industrialisation de l'Amérique
latine et du Moyen-Orient face au défi européen, 1770-1870, Genève, Droz, 1990.
1. Pour la période considérée, le terme Tiers Monde est doublement anachronique. Tout d'abord,
parce que son invention remonte à 1952 : on sait que c'est Alfred Sauvy qui en a le premier consacré
l'usage pour désigner les pays les plus pauvres, le tiers état des nations. Ensuite, parce que, au xuf siècle
les écarts de développement internationaux ne justifient pas la distinction d'une telle catégorie.
2. Ces estimations sont proposées par Paul Bairoch. Voir notamment : The Main Trends in
National Economie Disparities Since the Industrial Revolution, in P. Bairoch, et M. Lévy-
Leboyer (Ed.), Disparities in Economic Development Since the Industrial Revolution, Londres et
Basinstoke, p. 12-14 ; International Industrialization Levels From 1750 to 1980, The Journal of Euro
pean Economic History (Rome), 11 (2), p. 281 ; Le Tiers Monde dans l'impasse, Paris, 1983, p. 271.
Dans un article recent, le même auteur démontre à nouveau la validité de ces ordres de grandeur et
dresse un bilan critique des principales contributions au débat (How and Not Why ; Economie Ine
qualities Between 1800 and 1913 : Some Background Figures, in J. Batou (Ed.), Between Develop
ment and Underdevelopment, 1800- 18 70, Genève, 1991, p. 1-42).
Revue Tiers Monde, t. XXXIII, n° 129, janvier-mars 1992 8 Jean Batou
moins pendant un certain temps, de résister au processus de sous-déve
loppement ? Dans cette hypothèse, ceux-ci avaient-ils su rallier des sec
teurs décisifs de la société ? Enfin, pourquoi n'avaient-ils pas eu le succès
escompté ?
Avant de tenter de répondre de façon plus précise à cette série
d'interrogations, nous aimerions justifier trois partis pris : 1 / le choix
de la période, soit le siècle qui précède 1870; 2 / le cadre géogra
phique retenu, soit l'Amérique latine et le Moyen-Orient (au sens
anglo-saxon, soit de la Perse au Maroc) ; 3 / le parallèle tracé entre
tentatives d'industrialisation et résistance au sous-développement.
1 / Choix de la période 1770-1870
Nous commencerons par un constat de fait : c'est dans les
années 1770 à 1810, que les toutes premières fabriques modernes font
leur apparition dans certains pays de l'actuel Tiers Monde1 ; il faut
cependant attendre la seconde décade du XIXe siècle pour assister à des
efforts plus systématiques (voir plus loin). A cela, il convient d'ajouter
deux remarques analytiques : d'une part, comme nous l'avons vu, la
période 1770-1870 constitue la première phase du procès de sous-
développement, au moins en tant que phénomène économiquement
quantifiable. D'autre part, jusqu'en 1870, l'intégration économique
internationale reste limitée. De ce fait, la périphérie est encore mal
définie et dispose d'un degré d'autonomie important.
Ce n'est que depuis 1870-1890, que les caractéristiques fondament
ales de l'économie mondiale connaissent de profondes mutations ten
dant à renforcer qualitativement la dépendance des pays de la périphér
ie par rapport à ceux du centre. Il y a essentiellement quatre raisons à
cela :
a I La chute des coûts du fret international, suscitée par la mécanis
ation des transports, notamment l'essor de la navigation à vapeur et
des chemins de fer2.
1 . Sans prétendre à l'exhaustivité, en voici quelques exemples significatifs : un chantier naval, des
fonderies de canons, une production d'armes légères, une usine de drap et une papeterie en Turquie
(1773-1805), un chantier naval et une fonderie de canons en Egypte (1780-1790), une nouvelle géné
ration de manufactures textiles en Amérique latine, notamment dans le Minas Gérais, au Brés
il (1768), à Mexico (1801) et à Santiago du Chili (1804).
2. R. M. Mclnnis, The Emergence of a World Economy in the Latter Half of the Nineteenth Cent
ury, Ninth International Economic History Congress (Berne 1986). Debates and Controversies, Zur
ich, 1986, p. 83-110. Le Tiers Monde avant le Tiers Monde, 1770-1870 9
b I La seconde révolution technologique, qui rend chaque jour plus
difficile la diffusion internationale de l'innovation : les nouveaux équipe
ments sont plus coûteux, plus complexes à construire, à installer, à
manipuler, à entretenir et à réparer.
с I La tonalité dépressive des années 1870-1890 qui marque l'épuis
ement d'une vague d'essor accéléré des économies européennes1. La satu
ration des marchés et la hausse des salaires, depuis les années 1850,
commencent à entamer les marges bénéficiaires des entreprises2. Dans
de telles conditions, il devient plus intéressant d'exporter des capitaux
outre-mer, ce qui conduit à une subordination accrue des économies de
la périphérie à celles du centre2.
d f L'alliance entre l'oligarchie traditionnelle et les capitaux
étrangers ou mixtes de la mine, des plantations, des transports ou du
secteur commercial se renforce, fondée sur une identité d'intérêts
croissante. En même temps, l'explosion de la dette extérieure permet
d'exercer des pressions nouvelles sur les Etats restés indépendants. C'est
aussi l'époque de la colonisation directe, en Afrique et en Asie.
L'essor d'un courant national protectionniste tourné vers l'industrie,
en Inde, en Chine et en Amérique latine, durant cette même période, va
donc apparemment à contre-courant. Il convient cependant d'en noter
les limites. Tout d'abord, ces efforts font appel pour l'essentiel à des
technologies peu coûteuses, devenues souvent obsolètes en Europe et
aux Etats-Unis (fabrication de filés grossiers). Elle vise à satisfaire une
demande croissante du marché intérieur, stimulée par l'urbanisation. En
effet, lorsque les matières premières sont disponibles sur place (le coton,
par exemple), la perspective d'une faible valeur ajoutée justifie de moins
en moins leur traitement dans les fabriques européennes. Enfin, l'insta
bilité, voire la baisse des cours de certains produits d'exportation durant
les années 1870-1880, encourage aussi des capitaux de la périphérie à se
recycler dans l'industrie4. Mais, contrairement à la phrase précédente,
1. Le taux de croissance annuel du PNB/hab. de l'Europe passerait de 1,50 %, dans les
années 1860, à 0,18 %, dans les années 1870, et à 0,59 %, dans les années 1880 (P. Bairoch,
Commerce extérieur et développement économique de l'Europe au XIXe siècle, Paris, 1976, p. 149).
2. P. L. Cottrel, Industrial Finance 1830-1914 : The Finance and Organization of English Manu

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