Le voyage et la chambre dans l œuvre de Xavier de Maistre - article ; n°4 ; vol.2, pg 76-89
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Description

Romantisme - Année 1972 - Volume 2 - Numéro 4 - Pages 76-89
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilbert Durand
Le voyage et la chambre dans l'œuvre de Xavier de Maistre
In: Romantisme, 1972, n°4. «Voyager doit être un travail sérieux.». pp. 76-89.
Citer ce document / Cite this document :
Durand Gilbert. Le voyage et la chambre dans l'œuvre de Xavier de Maistre. In: Romantisme, 1972, n°4. «Voyager doit être un
travail sérieux.». pp. 76-89.
doi : 10.3406/roman.1972.5408
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1972_num_2_4_5408GILBERT DURAND
Le voyage et la chambre
dans l'œuvre de Xavier de Maistre
CONTRIBUTION A LA MYTHOCRITIQUE
L'épithète de «modeste» dont Anatole France gratifie l'âme «délicate»
et «bienveillante» de Xavier de Maistre peut s'appliquer sans difficulté à
toute l'œuvre du gentilhomme savoisien. Modestes sont d'abord les dimens
ions des Œuvres complètes1 constituées en tout et pour tout par l'élégant
volume de quelques deux cents pages paru en 1825. Modeste la place
qu'occupe l'œuvre littéraire dans la vie de l'auteur lui-même. Comme l'écrit
mon ami Henry Planche2, «ces œuvres ne constituent qu'un petit volume
qui n'a demandé que peu d'heures dans un long destin » ; destin consacré
davantage à la peinture, à la vie brillante des salons, au rude métier des armes
bien plutôt qu'aux besognes littéraires. Modeste aussi, la place du fils cadet
des Maistre, à l'ombre de l'aîné Joseph, Les Soirées de Saint-Pétersbourg
ayant éclipsé souvent le léger Voyage autour de ma chambre. Trop modeste
enfin, la place que la littérature française a faite à cet écrivain occasionnel,
exilé dans la lointaine Russie, édité à Lausanne et à bien
avant de l'être à Paris, mais dont l'œuvre préface à la fois l'obsession
lamartinienne du temps qui fuit ou l'épopée de Michel Strogoff, et ces
réversions de l'épopée romantique, ces situations « oxymoroniques » si chères
à la critique de mon ami Léon Cellier 8 : l'on est étonné de voir le pieux
vicomte écrire en 1790*: «Je ne puis m'empêcher de prendre un certain
intérêt à ce pauvre Satan... je crois même que je l'aiderais volontiers, malgré
la honte qui me retient... » Cette curieuse « admiration » pour la « fermeté »,
la « grandeur de son courage » prélude très précocement à tant d'illustres
« fins de Satan » romantiques.
Toutefois, la modestie des dimensions de l'œuvre ne fait que rendre plus
acessible son unité thématique et ses articulations structurales significatives.
Cette œuvre si concise — et comme accidentelle dans la carrière mouve
mentée du général savoisien de l'armée russe — ne peut pas ne pas frapper
1. Nous nous référons à la réédition de 1959, in collection о Cent chefs-d'œuvre »,
B. Laffont édit, 247 p.
2. H. Planche, Voyage avec Xavier de Maistre, Paillet édit., 1964, Bourgoin (France).
3. Cf. L. Cellier, L'épopée romantique, P.U.F., 1954, Paris.
Cf. également L. Cellier, « D'une rhétorique profonde : Baudelaire et l'oxymoron », in
Cahiers internationaux de Symbolisme, n° 8, 1965, Mons (Belgique).
4. Voyage autour de ma chambre, op. cit., en. xxxvn. Le voyage et la chambre dans ïœuvre de Xavier de Maistre T7
le lecteur par jjimté_quasi-obsessionnelle de ses thèmes majeurs .qui se
reflète d'abord dans les titres mêmes des ouvrages: le charmant écrit de
1790, Le Voyage autour de ma chambre, ordonne par ses deux substantifs
antithétiques toute l'œuvre de Xavier de Maistre et se trouve suivi de près
par cette sorte de redondance accentuée qu'est L'Expédition nocturne autour
de ma chambre (1798-1800). Les trois autres œuvrettes de l'exilé à Saint-
Pétersbourg : Le Lépreux de la cité Skoste (1810), Les Prisonniers du Caucase
et La Jeune Sibérienne, font jouer dès la suggestion de leur titre même,
le thème de la claustration du lépreux, des prisonniers ou de l'exilée en
Sibérie et de la pérégrination rêvée par le reclus, accomplie par l'évasion
périlleuse des prisonniers ou par l'odyssée filiale de Prascovie Lopouloff
traversant toute l'immensité de l'Empire des Tzars pour venir demander la
grâce de son père ; l'on pourrait ajouter à cette double image obsédante de
la pérégrination et de la claustrophilie, bien des vers du maladroit poème
Le Papillon et les projets jamais réalisés, soit d'écrire alors que l'auteur se
trouve à la forteresse de Pignerol (1786) un roman « sur le masque de fer »,
soit, à Turin, d'écrire une nouvelle sur « l'histoire intéressante de la prisonnière
de Pignerol5».
Le contenu de ces œuvres ne va pas démentir l'intention des titres. Nous
allons — hélas, avec la brièveté qu'impose le format d'un simple article —
passer successivement en revue la triple amplification imaginale de ces titres
où se confrontent les images de la chambre et celles du voyage, les rêveries
statiques, douillettes et plus ou moins nocturnes, du lit, du fauteuil, de la
robe de chambre, et les rêveries des lointains exils, et des longs exodes qui
gravitent autour de l'odyssée de tout voyage.
Dans une première partie, nous nous contenterons de l'explication quasi-
stylistique et extensive de ces amorces symboliques dans le déroulement
des images mêmes de chaque œuvre.
Dans la seconde partie, et en cela suivant un peu la méthode de Charles
Mauron 6, nous esquisserons les résonances psychocritiques de ces symboles
dans la biographie — et surtout afin qu'il n'y ait pas « imposture r » — dans
l'autobiographie et les lettres de l'auteur.
Enfin, dans une troisième partie, nous montrerons que la psychocritique
exige une amplification ultime qui retrouve le texe de l'œuvre en tant
qu'univers ordonnant des valeurs « numineuses » et par là, ordonné aux
grands mythes passibles d'une mythologie, fondant une « mythocritique ».
Le symbolisme que préludent de façon obsédante les titres puis les
thèmes généraux de l'œuvre de Xavier semble à première vue se grouper
en deux séries antithétiques gravitant autour de la chambre ( — « nocturne »
5. Voyage, ch. xxxrv ; Expédition, chap. xt.
6. Cf. l'ouvrage fondamental de Charles Mauron, Des métaphores obsédantes au
mythe personnel. Introduction à la psychocritique, Paris, José Corti, 1963.
Sur Ch. Mauron, cf. Anne Clancier, t La psychocritique », in Circé, n° 1, Paris, 1969,
Minard édit.
7. Allusion au livre polémique de G. Picard, Nouvelle critique, nouvelle imposture. 78 Gilbert Durand
— « charmant réduit » du lépreux — prisons du Caucase — exil dans l'isba
sibérienne — puis couvents de Kiev, de Nijnii et de Novgorod — ) et du
voyage ( — - « expédition » — exode à travers toute la Russie — fuite mouve
mentée des prisonniers — pérégrinations dans le jardin du lépreux). Nous
n'avons pas la place, dans un simple article, de faire le relevé complet des
images, des groupes d'images qui, à chaque page de l'œuvre maistrienne,
nous rappellent le leitmotiv obsédant de ces deux thèmes. Nous nous conten
terons de marquer simplement les grands accents significatifs de ces images
dans l'œuvre de Xavier.
Ces deux séries de thèmes se classent facilement sous le Régime Nocturne
de l'Image, dans les deux catégories structurales que nous avons décrites
ailleurs sous le nom de « mystique » et de « synthétique » 8. Elles s'opposent
bien en une dialectique simple qui est celle du repos et celle du mouvement.
Cependant ce qui doit alerter notre curiosité critique, c'est que chez Xavier
ces deux séries thématiques sont inséparables, tout comme si un problème
sous-jacent était posé, un problème d'herméneutique qui consiste à placer
de différentes manières — donc à valoriser de différentes façons — le thème
du voyage et celui de la chambre. Bien des combinaisons imaginaires peuvent
en effet résulter de la situation symbolique respective de la « chambre » (et
de ses dérivés) et du voyage (et de ses dérivés) ; soit que l'on considère la
chambre comme point de départ ; soit au contraire comme terme de l'arrivée ;
soit

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