Les bébés de moins de 4 mois regardent-ils au-delà de 40 centimètres ? - article ; n°1 ; vol.86, pg 31-44
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Les bébés de moins de 4 mois regardent-ils au-delà de 40 centimètres ? - article ; n°1 ; vol.86, pg 31-44

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Description

L'année psychologique - Année 1986 - Volume 86 - Numéro 1 - Pages 31-44
Résumé
II est généralement admis dans la littérature que les bébés de moins de 4 mois ont une capacité d'accommodation faible et ne regardent pas au-delà de 40 cm. Diverses observations ont permis de mettre en doute l'existence d'une telle limite. Notre expérience a pour but de voir si les bébés de 5, 7 et 9 semaines s'intéressent effectivement à des stimulus plus éloignés (250 cm) et ont une réelle préférence pour le proche. Les résultats permettent de répondre oui à la première question et non à la seconde. Les diverses recherches sur l'accommodation et les capacités du bébé à regarder loin sont exposées. Les hypothèses interprétatives sont également discutées.
Mots clés : nourrisson, distance, accommodation, acuité.
Summary : Do babies less than four months old look further than forty centimeters ?
Infants under 4 months of age are commonly thought to have poor accomodative capacities and not to look further than 40 cm. A number of observations challenged such limitations. The present experiment tested whether 5, 7 and 9 weeks old infants could be interested in more distant stimuli (250 cm) and if they really prefer near objects. Fixation durations on two targets located at the same distance (either 40 or 250 cm) or at two different distances (40 and 250 cm) were measured. Results show that ail infants look at the remote target as soon as they are 5 weeks old, and a strong preference for close objects was not observed.
Studies about accommodation and the ability to fixate remote points, and their theoretical perspectives are discussed.
Key words : infant, distance, accommodation, acuity.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Roger Lécuyer
Les bébés de moins de 4 mois regardent-ils au-delà de 40
centimètres ?
In: L'année psychologique. 1986 vol. 86, n°1. pp. 31-44.
Résumé
II est généralement admis dans la littérature que les bébés de moins de 4 mois ont une capacité d'accommodation faible et ne
regardent pas au-delà de 40 cm. Diverses observations ont permis de mettre en doute l'existence d'une telle limite. Notre
expérience a pour but de voir si les bébés de 5, 7 et 9 semaines s'intéressent effectivement à des stimulus plus éloignés (250
cm) et ont une réelle préférence pour le proche. Les résultats permettent de répondre oui à la première question et non à la
seconde. Les diverses recherches sur l'accommodation et les capacités du bébé à regarder loin sont exposées. Les hypothèses
interprétatives sont également discutées.
Mots clés : nourrisson, distance, accommodation, acuité.
Abstract
Summary : Do babies less than four months old look further than forty centimeters ?
Infants under 4 months of age are commonly thought to have poor accomodative capacities and not to look further than 40 cm. A
number of observations challenged such limitations. The present experiment tested whether 5, 7 and 9 weeks old infants could
be interested in more distant stimuli (250 cm) and if they really prefer near objects. Fixation durations on two targets located at
the same distance (either 40 or 250 cm) or at two different distances (40 and 250 cm) were measured. Results show that ail
infants look at the remote target as soon as they are 5 weeks old, and a strong preference for close objects was not observed.
Studies about accommodation and the ability to fixate remote points, and their theoretical perspectives are discussed.
Key words : infant, distance, accommodation, acuity.
Citer ce document / Cite this document :
Lécuyer Roger. Les bébés de moins de 4 mois regardent-ils au-delà de 40 centimètres ?. In: L'année psychologique. 1986 vol.
86, n°1. pp. 31-44.
doi : 10.3406/psy.1986.29121
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1986_num_86_1_29121L'Année Psychologique, 1986, 55, 31-44
Laboratoire de Psychologie expérimentale
EPHE, 3e Section, associé au CNRS,
Université René-Descartes (Paris V)1
LES BÉBÉS DE MOINS DE 4 MOIS
REGARDENT-ILS AU-DELA DE 40 CENTIMÈTRES?
par Roger Lécuyer
SUMMARY : Do babies less than four months old look further than forty
centimeters ?
Infants under 4 months of age are commonly thought to have poor
accomodative capacities and not to look further than 40 cm. A number of
observations challenged such limitations. The present experiment tested
whether 5, 7 and 9 weeks old infants could be interested in more distant
stimuli (250 cm) and if they really prefer near objects. Fixation durations
on two targets located at the same distance (either 40 or 250 cm) or at two
different distances (40 and 250 cm) were measured. Results show that all
infants look at the remote target as soon as they are 5 weeks old, and a strong
preference for close objects was not observed.
Studies about accommodation and the ability to fixate remote points, and
their theoretical perspectives are discussed.
Key words : infant, distance, accommodation, acuity.
La réponse à la question posée dans notre titre est bien
connue, et négative, si l'on en juge par la littérature.
Un exemple suffira à résumer le propos habituel, exemple
extrait de l'excellent ouvrage de R. Schaffer (1981) : « Le bébé
ne peut fixer convenablement son regard que sur un objet distant
d'environ 20 cm. Tout ce qui est plus rapproché ou plus éloigné
a tendance à être flou » (p. 54). De plus, Schaffer fait une remarque
1.28, rue Serpente, 75006 Paris. 32 Roger Lécuyer
que l'on retrouve fréquemment dans la littérature : « Heureuse
ment, c'est à cette distance-là qu'apparaissent souvent les choses
les plus importantes, le visage de la mère notamment. »
Cette opinion ne fait toutefois pas l'unanimité, Robin (1978)
ou Lécuyer et Pêcheux (1983) signalent que le très jeune enfant,
observé dans son cadre de vie, fixe fréquemment des objets
situés à une distance largement supérieure aux 40 cm habituel
lement admis comme maximum.
L'origine de cette idée d'incapacité du jeune enfant à fixer
au-delà de la distance de 40 cm se trouve dans une expérience
de Haynes, White et Held (1965). Ces auteurs ont mesuré
l'accommodation chez le bébé par rétinoscopie dynamique : un
pinceau lumineux est envoyé dans l'œil et les modifications de
l'image réfléchie sont utilisées comme indice de l'état de réfraction
de l'œil. Pour tester l'accommodation, on procède à un change
ment de distance du stimulus présenté, ou bien on introduit
entre ce stimulus et l'œil une lentille qui change la distance
apparente. Haynes et al. ont observé des bébés de 6 jours à 4 mois,
plusieurs fois pour la plupart d'entre eux. Ils constatent qu'avant
1 mois, il n'y a aucune accommodation, et que « le système
semble bloqué à une distance focale dont la valeur médiane est
de 19 cm pour le groupe ». Après 1 mois, les performances des
bébés se rapprochent progressivement de celles de l'adulte qui
sont atteintes à 4 mois.
Un grand nombre de critiques peuvent être faites à l'expé
rience de Haynes et al, et aux conclusions qui en ont été tirées.
Hershenson (1970), Haith (1980) et Banks (1980) mettent en
cause l'intérêt, jugé trop faible, des stimulus présentés. Haith
affirme que la rétinoscopie nécessite, pour que les résultats
soient fiables, un œil immobile, alors que les yeux des bébés
bougent au moins deux fois par seconde. Selon Salapatek,
Bechtold et Bushnell (1976), ainsi que Banks (1980), la rétinos
copie surestime la distance de mise au point, les bébés seraient
encore plus myopes que ne le laisseraient supposer les résultats
de Haynes et al. Banks ajoute d'autres critiques : l'angle visuel
n'est pas maintenu constant, la taille rétinienne du stimulus
diminue donc quand la distance augmente. Le niveau de vigilance
des bébés n'est pas contrôlé, or la capacité d'accommodation
peut être fortement influencée par la vigilance. De fait, les bébés
de Haynes et al. étaient allongés (posture habituellement utilisée
à cette époque, mais abandonnée depuis, les performances des Exploration du regard chez le bébé 33
bébés étant bien supérieures en position assise ; cf. Bower, 1972).
Haynes et al. signalent d'ailleurs que « parfois, des enfants de
cet âge (moins de 1 mois) ne sont pas restés éveillés assez long
temps pour que l'on puisse procéder à une calibration complète
de leurs réponses ».
On peut ajouter que Haynes et al. observent un phénomène
intéressant qui n'a été analysé ni par eux, ni par les différents
auteurs qui les citent : en mesurant la proximité de mise au
point d'enfants de moins de 1 mois endormis, ils constatent que
cette proximité est inférieure de cinq dioptries à la médiane des
proximités mesurées à l'état de veille ; c'est-à-dire qu'au repos,
l'œil des bébés a une focale qui est la même que celle de l'adulte
emmétrope : l'infini. On ne peut dire dans ces conditions que le
bébé n'accommode pas, tout au plus que les variations de
distance de présentation du stimulus ne provoquent pas cette
accommodation. Enfin, une autre critique peut être faite aussi
bien à Haynes et al. qu'à leurs successeurs : le temps très long
nécessaire aux bébés pour produire la plupart de leurs réponses
n'est pas pris en compte. Aucune indication précise de durée ne
nous est fournie, mais Haynes et al. écrivent que « la réponse
d'accommodation est mesurée en introduisant brièvement2 des
lentilles de pouvoir connu devant l'œil ».
Ces critiques nombreuses et importantes n'ont rien changé
au « savoir » acquis. Qu'en est-il en réalité ? Pour bien le comp
rendre, il faut considérer les relations entre accommodation et
acuité visuelle. Ces relations peuvent être envisagées de deux
points de vue. D'une part les objets ayant le plus souvent une
taille constante, il est d'autant plus difficile d'en percevoir les

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