Les conséquences sociales de la libéralisation en Inde - article ; n°165 ; vol.42, pg 33-59
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Les conséquences sociales de la libéralisation en Inde - article ; n°165 ; vol.42, pg 33-59

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Tiers-Monde - Année 2001 - Volume 42 - Numéro 165 - Pages 33-59
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gérard Heuzé
Les conséquences sociales de la libéralisation en Inde
In: Tiers-Monde. 2001, tome 42 n°165. La libéralisation économique en Inde: inflexion ou rupture? (sous la direction
de Frédéric Landy). pp. 33-59.
Citer ce document / Cite this document :
Heuzé Gérard. Les conséquences sociales de la libéralisation en Inde. In: Tiers-Monde. 2001, tome 42 n°165. La libéralisation
économique en Inde: inflexion ou rupture? (sous la direction de Frédéric Landy). pp. 33-59.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2001_num_42_165_1468CONSÉQUENCES SOCIALES LES
DE LA LIBÉRALISATION EN INDE
par Gérard Heuzé*
Avec une décennie de recul il devient possible d'évaluer l'impact de la
nouvelle politique économique d'ouverture aux forces du marché mise en
œuvre en Inde depuis 1991. Après avoir rappelé le contexte de son
élaboration et refusé la thèse d'une rupture brutale avec un passé
« socialiste », l'article met en lumière l'influence des nouvelles mesures
sur la pauvreté, l'environnement, l'emploi et le secteur public : effets
mitigés sur la pauvreté et le chômage, aggravation de l'agression contre
les milieux naturels, maintien du secteur public. Le conservatisme relatif
observé sur la scène sociale est-il l'expression des contradictions de
l'État indien ? Sans doute, mais cette stabilité apparente cache
l'émergence de nouvelles couches dominantes.
Il est difficile, au regard de l'expérience passée, de caractériser la
politique économique de l'Inde indépendante. Le protectionnisme, le
dirigisme, l'État-providence et le socialisme ont souvent été invoqués
comme des modèles avant d'être de plus en plus confondus,
après 1980, avec ces repoussoirs que sont la corruption, le contrôle
bureaucratique ou le populisme. Les caractérisations précitées visaient
à globaliser et à pourvoir de cohérence ce qui ne fut, longtemps et
souvent, qu'un ensemble de mesures prises au coup par coup. C'est
leur grand défaut, car le protectionnisme, le dirigisme et la régulation
étatique ont constitué et demeurent des tendances notables. Il est
tentant, cependant, de faire remarquer que dans un pays où, en 1990,
les 9/ 10e de la population active travaillaient dans le secteur
informel1, les politiques d'encadrement de l'investissement ou les
* cnrs-ehess, Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du Sud (CEIAS).
1. Désigné en Inde sous le nom d'inorganisé, le secteur organisé étant constitué d'entreprises
déclarées dans le cadre de la loi sur les usines de 1948 et d'établissement employant en principe plus de dix
Revue Tiers Monde, t. XLII, n° 165, janvier-mars 2001 34 Gérard Heuzé
régulations étatiques visant l'implantation des usines ou le commerce
extérieur, qui allaient être au centre des réformes libéralisantes, ne
concernaient qu'une petite minorité de gens.
Le dirigisme étatique est né sous le Raj1 (1858-1947), durant les
années 1920 et au cours de la crise des années 1930, pour répondre à
des besoins pressants que l'hyperlibéralisme imposé au pays
depuis 1830 semblait incapable de satisfaire. Il s'est ensuite densifié et
renforcé en faisant fonds des recettes de développement mises au point
par l'école de Keynes, dont avait procédé la création de la Banque
mondiale et la plupart des institutions internationales après le second
conflit mondial. Il est certain que le grand patronat, et dans une
moindre mesure les firmes multinationales, ont subi des défaites
politiques. Il est beaucoup moins sûr qu'ils ne se soient pas montrés
capables, après l'avoir accepté ou exigé, d'apprivoiser la tendance au
dirigisme étatique et d'en faire une source de profit.
La Nouvelle politique économique (nep), mise en œuvre entre 1985
et 1996 par des gouvernements du Parti du Congrès, puis du centre
gauche et du bjp2 (droite nationaliste), a été présentée comme une
nécessité et un modèle ne tolérant pas d'autre solution, ainsi que
l'avait été en son temps le dirigisme. Cet ensemble de mesures visant à
favoriser les entreprises privées indiennes et les investisseurs étrangers,
appelés à produire et exporter sans frein pour l'enrichissement de tous,
a marqué un tournant. Pour tenter de comprendre l'influence de cette
Nouvelle politique économique mise en œuvre, une fois de plus, par
l'État, il parait cependant intéressant de considérer son impact social
et environnemental. L'évolution de la pauvreté, l'environnement,
l'emploi et les transformations du secteur public serviront à concrétiser
cette analyse.
LA DÉTÉRIORATION DU NIVEAU ET DES CONDITIONS DE VIE
DES MILIEUX POPULAIRES
La politique de réformes n'a pas été menée au nom d'une idéologie
individualiste, malgré le débat obsédant sur le mérite personnel. Elle
devait apporter des réponses aux questions sociales, à commencer par
la pauvreté. Il est très difficile d'évaluer la pauvreté en Inde, en raison
(ou vingt) personnes. Avec l'essor de la sous-traitance et l'éclatement de plusieurs branches industrielles,
les limites entre les deux secteurs, qui n'ont jamais été faciles à saisir, sont devenues de plus en plus floues
mais il demeure des pôles.
1. L'Empire britannique.
2. BJP, Parti du peuple indien. Les conséquences sociales de la libéralisation en Inde 35
de l'inadaptation des indicateurs macro-économiques, de la présence
d'une forte économie cachée ou parallèle, et de la réticence des
gouvernements et des administrations à reconnaître de possibles
augmentations du nombre des pauvres1.
ÉVOLUTION STATISTIQUE ET GÉOGRAPHIQUE DE LA PAUVRETÉ
En 1993, la Commission du plan évoqua l'existence de 20 % de
pauvres, le critère étant de disposer de 264 roupies/mois en ville, 229
en campagne. Ce pourcentage a été considéré comme optimiste par
des chercheurs indépendants, le critère de pauvreté étant jugé trop
restrictif. Si la pauvreté s'évalue mal, certains faits comme la chute
brutale du revenu par tête (de 330 à*310 $/an) en 1991-1992 sont plus
faciles à interpréter. L'introduction de la nep n'était pas seule en
cause. Il y eut à cette époque une récession et, selon l'organisation non
gouvernementale oxfam, l'indice global de pauvreté a crû pour la
première fois depuis l'indépendance. Selon la même source, de 1971
à 1991, l'incidence de la pauvreté avait pourtant reculé de 57 % à 35 %
dans les campagnes, 45 % à 32 % en ville. Entre 1991 et 1993, cette
incidence aurait progressé de 35 % à 48 % dans les campagnes et de
32 % à 33 % dans les villes. En 1996, selon la même source, le
pourcentage global de pauvres serait remonté entre 45 % et 50 %2. Les
chiffres officiels indiquent une tendance dans le même sens mais moins
brutale. Selon le nss3, il y avait 215 millions de pauvres en 1990 et
245 millions en 1994. En 1998, 45 % des ruraux (37 % en 1987) et 38 %
des urbains (39 % en 1987) sont classés « pauvres » ce qui cache de
fortes disparités régionales4. Sur un plan global, mais plus sérieux
quant aux critères d'évaluation, en 1996 l'Inde fut classée 135e sur
173 pays en référence à l'index composite de développement humain.
Elle avait régressé de trois places en deux ans. Elle allait encore en
perdre deux en 1998.
1. A. Krishnakumar (1994), Exploding a Myth, The Poverty Line and Gouvernement Claims,
Frontline, 11 février.
2. С. P. Chandrashekhar et A. Sen (1996), Statistical Truths, Economie Reforms and Poverty, 23 février.
3. National Sample Survey Org, Organisation nationale des enquêtes par sondages, une branche de
l'Organisation centrale de la statistique (CSO), fondée en 1953, qui s'occupe de faire des enquêtes ciblées
entre les recensements décennaux.
4. Bihar, 55 % ; Orissa, 58 % ; Punjab, 25 % ; Haryana, 28 % de « pauvres ». 36 Gérard Heuzé
C'est au niveau de la répartition régionale de la pauvreté que les
évolutions sont sans doute les plus marquées, cette évolution rappelant
l'impact de la première période de libéralisme économique du

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