Les dents de l'Homme de Rabat - article ; n°1 ; vol.4, pg 31-58

H.-V. Vallois, A. Thoma

Description

Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris - Année 1977 - Volume 4 - Numéro 1 - Pages 31-58
Summary. The teeth of Rabat Man. The rissian Rabat Man was 14 or 15 years old at death. Figures 1 A and 1 В show the state of preservation of his dentition. The left tooth rows are measurable from I2 to M2 and from I1 to M1 The most conspicuous features of the Rabat teeth are their big size and the presence of a cingulum. The latter is strongly developed in the premolars ; it is weaker but clearly discernible in I2, C, C, M1 and M3. The molars are moderately taurodontic. The incisors display strong lingual tubercles. They are slightly shovel- shaped. The upper canine is protruding and shows sinanthropoid characters. The lower canine is semi-incisiform, like the homologous teeth of Neandertals. The premolars are strongly molarized. The occlusal pattern of upper premolars is very complicated. In Pl the vestibulo-lingual (= bucco- lingual) axis connecting the tips of the two cusps is obliquely directed to the mesio-distal axis. In P1 the distal half of the crown forms a true talonide ; correlatively there are two roots. The occlusal surface of the two upper molars bears numerous secondary crests. M1 is smaller and has a more primitive structure than M2. In M2 the system of main crests is degenerated. In both molars the hypoconus is well developed. M1 displays an Y5 pattern, M3 a +6 pattern and enamel wrinklings. Rabat Man belongs to the « Atlanthropus » group. His teeth are at least as primitive as the Ternifine teeth. The Aterian Man of Temara is, in all probability, a modernized « Atlanthropus ». All fossil Men of Maghreb are characterized by big ante-molar teeth. A biometric analysis of the dentitions corroborates the hypothesis of local evolution in North Africa leading from an atlanthropoid stock to Modern Man like Afalou, Taforalt and Wadi Haifa.
Résumé. L'homme rissien de Rabat avait 14-15 ans à sa mort. Les figures 1 A et 1 В montrent l'état de sa denture. Les rangées gauches I2 - M2 et I1 - M1 peuvent être mesurées. Les dents frappent d'abord par leurs grandes dimensions, puis, par la présence d'un cingulum. Ce dernier est très développé sur les prémolaires ; quoique moins apparent, il est encore visible sur I2, С4, С, M1 et M3. Les molaires sont caractérisées par un taurodontisme modéré. Les incisives portent un fort tubercule lingual et montrent une forme « en pelle » peu accusée. La canine supérieure est saillante et sinanthropoïde. La canine inférieure est semi-incisiforme comme chez les Néandertaliens. Les prémolaires sont fortement molarisées. Les supérieures ont une face occlusale très compliquée. L'axe vestibulo-lingual, passant par les deux cuspides de P1, est oblique par rapport à l'axe mésio-distal. Sur P2, la moitié distale de la couronne forme un véritable talonide ; corrélativement il y a deux racines. Les deux molaires supérieures portent de nombreuses crêtes secondaires sur la face occlusale ; c'est M1 qui est la plus petite et la plus primitive des deux. Sur M2 le système des crêtes principales est dégénéré. L'hypocône des deux molaires est bien développé. Mt a une structure en Y5, M3 une structure +6 et des ridulations d'émail. L'Homme de Rabat est un Atlanthropien dont les dents sont au moins aussi primitives que celles de Ternifine. L'Homme atérien de Témara est, selon toute vraisemblance, un Atlanthropien modernisé. Tous les Hommes fossiles du Maghreb sont caractérisés par le macrodontisme anté-molaire. L'analyse biométrique des dentures confirme l'hypothèse d'une évolution locale, en Afrique du Nord, menant d'un stock atlanthropoïde jusqu'à l'Homme moderne (Afalou, Taforalt, Wadi Haifa).
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: BULLETINS_ET_MEMOIRES_DE_LA_SOCIETE_D-ANTHROPOLOGIE_DE_PARIS0
• Publié le: 01 janvier 1977
• Nombre de lectures: 20
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

A. Thoma
Henri-V. Vallois
Les dents de l'Homme de Rabat
In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, XIII° Série, tome 4 fascicule 1, 1977. pp. 31-58.
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Thoma A., Vallois Henri-V. Les dents de l'Homme de Rabat. In: Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris,
XIII° Série, tome 4 fascicule 1, 1977. pp. 31-58.
doi : 10.3406/bmsap.1977.1861
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0037-8984_1977_num_4_1_1861Abstract
Summary. The teeth of Rabat Man. The rissian Rabat Man was 14 or 15 years old at death. Figures 1 A
and 1 В show the state of preservation of his dentition. The left tooth rows are measurable from I2 to M2
and from I1 to M1 The most conspicuous features of the Rabat teeth are their big size and the presence
of a cingulum. The latter is strongly developed in the premolars ; it is weaker but clearly discernible in I2,
C, C, M1 and M3. The molars are moderately taurodontic. The incisors display strong lingual tubercles.
They are slightly shovel- shaped. The upper canine is protruding and shows sinanthropoid characters.
The lower canine is semi-incisiform, like the homologous teeth of Neandertals. The premolars are
strongly molarized. The occlusal pattern of upper premolars is very complicated. In Pl the vestibulo-
lingual (= bucco- lingual) axis connecting the tips of the two cusps is obliquely directed to the mesio-
distal axis. In P1 the distal half of the crown forms a true talonide ; correlatively there are two roots. The
occlusal surface of the two upper molars bears numerous secondary crests. M1 is smaller and has a
more primitive structure than M2. In M2 the system of main crests is degenerated. In both molars the
hypoconus is well developed. M1 displays an Y5 pattern, M3 a +6 pattern and enamel wrinklings. Rabat
Man belongs to the « Atlanthropus » group. His teeth are at least as primitive as the Ternifine teeth. The
Aterian Man of Temara is, in all probability, a modernized « Atlanthropus ». All fossil Men of Maghreb
are characterized by big ante-molar teeth. A biometric analysis of the dentitions corroborates the
hypothesis of local evolution in North Africa leading from an atlanthropoid stock to Modern Man like
Afalou, Taforalt and Wadi Haifa.
Résumé
Résumé. L'homme rissien de Rabat avait 14-15 ans à sa mort. Les figures 1 A et 1 В montrent l'état de
sa denture. Les rangées gauches I2 - M2 et I1 - M1 peuvent être mesurées. Les dents frappent d'abord
par leurs grandes dimensions, puis, par la présence d'un cingulum. Ce dernier est très développé sur
les prémolaires ; quoique moins apparent, il est encore visible sur I2, С4, С, M1 et M3. Les molaires
sont caractérisées par un taurodontisme modéré. Les incisives portent un fort tubercule lingual et
montrent une forme « en pelle » peu accusée. La canine supérieure est saillante et sinanthropoïde. La
canine inférieure est semi-incisiforme comme chez les Néandertaliens. Les prémolaires sont fortement
molarisées. Les supérieures ont une face occlusale très compliquée. L'axe vestibulo-lingual, passant
par les deux cuspides de P1, est oblique par rapport à l'axe mésio-distal. Sur P2, la moitié distale de la
couronne forme un véritable talonide ; corrélativement il y a deux racines. Les deux molaires
supérieures portent de nombreuses crêtes secondaires sur la face occlusale ; c'est M1 qui est la plus
petite et la plus primitive des deux. Sur M2 le système des crêtes principales est dégénéré. L'hypocône
des deux molaires est bien développé. Mt a une structure en Y5, M3 une structure +6 et des ridulations
d'émail. L'Homme de Rabat est un Atlanthropien dont les dents sont au moins aussi primitives que
celles de Ternifine. L'Homme atérien de Témara est, selon toute vraisemblance, un Atlanthropien
modernisé. Tous les Hommes fossiles du Maghreb sont caractérisés par le macrodontisme anté-
molaire. L'analyse biométrique des dentures confirme l'hypothèse d'une évolution locale, en Afrique du
Nord, menant d'un stock atlanthropoïde jusqu'à l'Homme moderne (Afalou, Taforalt, Wadi Haifa).Bull, et Mém. de la Soc. d'Anthrop. de Paris, t. 4, série XIII, 1977, pp. 31-58
LES DENTS DE L'HOMME DE RABAT
par A. Thoma (*) et H.-V. Vallois (**)
Introduction
Le crâne de Rabat (Kébibat) a été trouvé, en 1933, sans faune et sans
industrie paléolithique (J. Marçais, 1934). H.-V. Vallois (1945, 1960) a publié
deux premières descriptions de ces pièces, dont la seconde, accompagnée
d'un certain nombre de mensurations et de photographies, porte presque
uniquement sur l'étude du crâne facial et de la denture. Une analyse beau
coup plus détaillée des parties osseuses et envisageant aussi les restes du
crâne cérébral, a paru récemment (R. Saban, 1975) ; le lecteur pourra y
trouver les radiographies des dents. Nous présentons maintenant l'étude
descriptive et comparative de la denture.
L'âge géologique de l'Homme de Rabat est tensiftien ou présoltanien
selon J.-J. Jaeger (1975 a), étages contemporains du Riss européen.
En ce qui concerne le matériel comparatif, les Hommes acheuléens de
Ternifine, en Algérie (C. Arambourg et R. Hofstetter, 1963), dont l'âge cor
respond au Mindel européen, sont les plus anciens. Ils sont donc contem
porains du Sinanthrope dont la denture a été l'objet d'une étude magistrale
de F. Weidenreich (1937). Les restes humains, accompagnés d'une industrie
acheuléenne, de Sidi Abderrahman (C. Arambourg et P. Biberson, 1956) sont
rissiens, comme la mandibule provenant de la carrière Thomas I (F. Sausse,
1975) et le crâne de Salé (J.-J. Jaeger, 1975 b), fossiles tous marocains. Selon
la communication orale de J. Tixier (1976) les crânes moustériens de Djebel
Irhoud (Maroc) proviennent du Wiirm ancien. La mandibule de Témara, au
Maroc (H.-V. Vallois et J. Roche, 1958), est associée, selon les nouvelles
recherches de J. Roche (1976), à l'Atérien supérieur (20.000-30.000 B.P.).
Les débuts de l'Atérien peuvent remonter jusqu'à 50.000 B.P. (L. Balout,
1976). Les nombreux gisements ibéromaurusiens du Maghreb, ayant livré
une forme humaine cromagnoïde, s'échelonnent de 20.000 a 10.000 B.P.
Afalou est plus ancien que Taforalt, Columnata est encore plus récent et
passe au Néolithique (G. Camps, 1975).
(*) Laboratoire de Paléontologie des Vertébrés et de Paléontologie humaine, Université
Catholique de Louvain, 3, place Louis-Pasteur, 1348 Louvain-La-Neuve, Belgique.
(**) Institut de humaine, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris. société d'anthropologie de paris 32
I. — Odontographie qualitative
Les dents de l'Homme de Rabat n'ont que peu de traces d'usure et
montrent les moindres détails de leur forme. Aucune d'elles ne présente de
carie.
Au niveau du maxillaire (fig. 1 B), les dents présentes sont les suivantes,
toutes du côté gauche :
P, C, P1, M1, M2.
Ces dents sont complètes, sauf les deux molaires, réduites à leur cou
ronne. En outre, le morceau de grès où était incluse la voûte du palais pré
sente la contre-empreinte de la face linguale de l'incisive médiane, avec son
bord libre.
A la mandibule ffig. 1 A), on a :
&• a x T ±9 A2' T r ' p 1> p 2' m 1 •» dr T l' P ]' P 2' M l» M 2' M 3"
L'incisive latérale et la canine droites, les 2° et 3e molaires gauches
sont absentes. L'incisive médiane droite n'est représentée que par sa cou
ronne. Les secondes prémolaires sont abîmées : à droite la moitié vestibu-
laire de la couronne fait défaut ; à gauche, une partie de l'émail de cette
même face manque. La Iго et la 2" molaires droites sont coupées au collet ;
seules leurs racines, en place dans les alvéoles, sont présentes. La 3e molaire
est incluse dans son alvéole et sa face masticatrice affleure tout juste le bord
alvéolaire ; ses racines ne sont pas encore formées.
Toutes ces dents ont leurs bords libres au contact les uns des autres,
sans aucun diastème. Elles forment des arcades régulières. Les incisives
s'articulent en bout-à-bout comme chez tous les Hommes fossiles. Celles du
bas forment avec les canines correspondantes une rangée presque transvers
ale, au lieu de décrire un arc de cercle.
L'état de la denture étant identique à celui de l'individu du Moustier
(W. Dieck, 1923), l'âge doit être comparable : 14-15 ans.
A. — Dents supérieures.