Les forgerons du Fouta-Djallon - article ; n°2 ; vol.35, pg 317-352
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Les forgerons du Fouta-Djallon - article ; n°2 ; vol.35, pg 317-352

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Description

Journal de la Société des Africanistes - Année 1965 - Volume 35 - Numéro 2 - Pages 317-352
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 149
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

B. Appia
Les forgerons du Fouta-Djallon
In: Journal de la Société des Africanistes. 1965, tome 35 fascicule 2. pp. 317-352.
Citer ce document / Cite this document :
Appia B. Les forgerons du Fouta-Djallon. In: Journal de la Société des Africanistes. 1965, tome 35 fascicule 2. pp. 317-352.
doi : 10.3406/jafr.1965.1396
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0037-9166_1965_num_35_2_1396LES FORGERONS DU FOUTA-DJALLON
PAR
B. APPIA
Les informations recueillies auprès des forgerons du Fouta-Djallon par
Mme B. Appia, de 1938 à 1940 en Guinée, lui avaient permis à l'époque de rédiger cet
article. A sa demande, nous avons revu ce travail. Les textes d'invocations et de prières
en peul ou malinké, ou encore faits d'un mélange de ces deux langues et comportant
des mots arabes, ont été traduits par S. E. A. Hampaté Ba, érudit malien qui a éga
lement apporté un certain nombre de commentaires insérés en note sous son nom.
Nous le remercions ici de sa collaboration à cette publication.
G. DIETERLEN.
Cet article présente les résultats de huit enquêtes effectuées en Guinée
dans les montagnes du Fouta-Djallon en 1938 г.
Les informations ont été recueillies auprès de divers forgerons : à Boun-
doukoura avec Fode Baïlo ; à Dalaba avec Alfa Dyan ; à Ditinn avec
Alfa Dyan Masaré et Marna Sahilu ; à Kankalabé avec Sadyo Baïlo, for
geron non caste ; à Timbi Touni avec Moumini Dyallo Kante, Foula
Wassulu de la Haute-Guinée, qui exerce aussi la profession de guérisseur ;
à Kebali avec Toumani Baïlo Kamara (celui-ci abandonna les hauts
fourneaux et se consacra à la menuiserie après un stage à Konakry ; ses
renseignements sont donc beaucoup plus fragmentaires) ; enfin à Bodié
1. Transcriptions phonétiques.
Consonnes :
injectives : b bandu « corps »
d didi « deux »
injective palatale : dy dyakude « mâcher »
palatales : dy dyalo « houe »
ty tyaski « Acacia albida »
ň ňiri ч bouillie de mil »
dorsale nasale : и
occlusive glottale : ' 'ina « mère ».
Voyelles :
longues : à, ë, etc.
nasales : à, è, etc.
ouvertes : 0, ç , etc. 318 SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
avec Hamadi Dyallo Koroma, venant de Sangaran, du cercle de Kou-
roussa (Haute-Guinée).
Notre interprète fut M. Balde Sheikou, alors instituteur à Dalaba.
Nous remercions M. Mouret qui nous a secondé pour la rédaction de ce
texte.
Les incantations des forgerons sont composées le plus souvent en deux
langues mêlées, peul et malinké. Il s'y glisse des mots « magiques » nom
més tyefi en peul. Ces paroles ont beaucoup de valeur pour ceux qui les
prononcent car elles constituent un langage conventionnel entre eux et
les puissances surnaturelles qu'elles contraignent à ne pas demeurer inac
tives à leur requête. Sans ces termes magiques, les génies pourraient faire
la sourde oreille en n'entendant pas le mot de passe qu'ils sont censés
avoir enseigné à l'ancêtre de celui qui le formule. Les incantations ont
un sens double, ou multiple, fait d'allusions créant un lien particulier
entre le requérant et les images qu'elles évoquent. Chercher à en donner
une explication ou une traduction trop précises demanderait de procéder
à de longues et difficiles enquêtes qui n'ont pas encore été réalisées et
dépassent le cadre de cet article.
Les prières sont généralement plus simples : l'influence de l'Islam
empiète et évince peu à peu les restes des croyances traditionnelles.
Chaque jour davantage les incantations elles-mêmes débutent par des
prières musulmanes pour se terminer par des textes ésotériques.
L'ensemble des prières ci-dessous ont été recueillies au cours de huit
enquêtes principales — chaque forgeron n'ayant consenti à donner qu'un
nombre restreint de l'ensemble des prières que lui avaient léguées son
maître et ses ancêtres. Ceci par crainte de dévoiler les « secrets » de son
métier — ce qui serait dangereux pour sa personne, pour l'exécution
des rites, la réussite du travail, et contraire à son serment d'initié. Les
variantes existant d'un artisan à l'autre témoignent d'une protection
particulière à chacun d'eux, car chacun a son propre « secret ».
La Caste des Forgerons.
Un peu partout, en Guinée, le travail latéritique met la roche ferru
gineuse à nu. Depuis des temps immémoriaux, elle est exploitée par les
habitants. Ceux qui se sont spécialisés dans le travail du fer forment une
caste. Ils ne connaissent leur origine que par des légendes : ignorants de
leur point de départ, ils affirment cependant n'être pas autochtones et
se reconnaissent dépositaires d'une tradition sacrée. Dans leurs prières
généalogiques, ils évoquent les généalogies des artisans illustres qui
remontent jusqu'à Anabi Dauda (David) et son « père » Anabi Syita. LES FORGERONS DU FOUTA-DJALLON 319
On raconte que Koli Pullo x vint au Fouta accompagné des disciples
du roi David : les Dyawogo (ou Dya Ogols). Ceux-ci auraient initié les
forgerons du pays en leur révélant une partie de leurs secrets. « Si les
Dyawogo, disent les informateurs, avaient tout révélé, les artisans du
Fouta seraient aussi habiles que les Européens. » Voilà pourquoi presque
tous les récits s'accordent pour faire remonter l'origine de la caste à
David, à qui Dieu révéla le fer et qui est reconnu de tous comme
« patron 2 ». Mais, lorsqu'il s'agit d'expliquer l'origine du travail du métal,
les légendes présentent de nombreuses variantes. Il y a superposition de
croyances : l'islamisme est venu se greffer sur la religion traditionnelle et
cette dernière a tendance à s'estomper devant le culte des musulmans,
plus vivant actuellement.
On rapporte par exemple que l'archange Gabriel révéla le fer à Adam
quand il fut chassé du paradis terrestre, en lui remettant le soufflet,
l'enclume et le marteau, objets qui n'ont pu être inventés par l'homme.
Ces outils sont dessinés au ciel par des étoiles. L'ange, accompagné d'un
« esprit de l'Enfer » au nom inconnu, forgea devant Adam pour lui donner
sa première leçon. Muni d'outils et de fer, Adam fabriqua ensuite une
houe en leur présence. L'esprit s'était chargé d'apporter aussi le feu.
Gabriel apprit encore au premier homme à extraire. le minerai, en lui
ordonnant de faire chauffer la pierre. En outre, avant de l'abandonner à
lui-même, on lui enseigna comment fabriquer un mortier à piler ainsi
que la poterie qui sert à cuire les aliments. Une fois seul, Adam n'aboutit
à rien. A la troisième tentative, il lui fut suggéré de demander l'aide des
ginna, génies chargés par Dieu de la surveillance des métaux. Dieu four
nit lui-même le matériel nécessaire aux offrandes de ce premier sacrifice.
On suppose que les incantations actuelles tirent leur origine de cette pre
mière cérémonie. Grâce au pacte conclu, les génies viennent indiquer
l'emplacement du minerai et font affleurer à la surface du sol les pierres
ferrugineuses.
Selon d'autres versions on rapporte qu'Anabi Dauda pouvait prendre
le fer rouge avec ses mains. Parmi ses enfants, il eut un bâtard, qui fut
ainsi reconnu car il ne put saisir le fer rouge. Cet apprenti suppléa à son
infirmité par l'invention d'un outil, fait en imitant les pinces de la crevette
d'eau douce, disent les uns, du crabe, disent les autres. Une variante de
cette légende relate que les forgerons, jadis capables de tenir un fer rouge
entre leurs mains, perdirent cette faculté le jour où Dieu, pour punir un
artisan malhonnête, leur retira le privilège de l'insensibilité.
1. Les koliabe forment une sorte de classe guerrière descendant de Koli Pullo, l'un des chefs
conquérants du Sénégal et du Fouta. La trace de son pied et celle du premier bœuf qui l'accompa
gnait se voient souvent, les indigènes se vantant de pouvoir les montrer.
2. Coran : chapitre 34, versets 10 à 13 inclus. SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES 320
Organisation religieuse et sociale.
Les castes de forgerons portent le nom de wailu\>e, un forgeron étant
toujours appelé bailo Untel. Cette cast

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