Les Harmonies magnétiques - article ; n°5 ; vol.2, pg 66-83
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Description

Romantisme - Année 1972 - Volume 2 - Numéro 5 - Pages 66-83
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Claude Mouchard
Les Harmonies magnétiques
In: Romantisme, 1972, n°5. pp. 66-83.
Citer ce document / Cite this document :
Mouchard Claude. Les Harmonies magnétiques. In: Romantisme, 1972, n°5. pp. 66-83.
doi : 10.3406/roman.1972.6286
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1972_num_2_5_6286CLAUDE MOUCHARD
Les Harmonies magnétiques
Boursouflé, le magnétisme, à l'époque où nous l'abordons (en gros, entre
1750 et 1850), et tout en proliférations hétéroclites. A la science et aux sys
tèmes philosophiques, qui connaissent leurs habituels problèmes de coexis
tence, il faut ici adjoindre, outre d'innombrables mises en scène littéraires,
des discours auxquels il peut être difficile d'attribuer un lieu précis et qui
glissent parfois vers l'aberration patente. On dirait que des productions si
diverses ne peuvent tenir dans le même espace, qu'elles s'y recouvrent ou
qu'elles le distendent, qu'elles sont ou trop proches ou trop éloignées les unes
des autres l. C'est là, sans doute, une conséquence particulière de l'affirmation,
à cette époque, des domaines, de leur autonomie et de leurs frontières. Apre
redistribution souvent traduite en nostalgiques harmonies brisées. Si le beau
langage de Schiller peut encore, dans sa noblesse unifiante, prendre son vol,
ce n'est plus que pour crier, blessé, ce qu'il aperçoit de dislocation: «Dès
que d'un côté une séparation plus rigoureuse des classes sociales et des tâches
furent rendues nécessaires, la première par l'expérience accrue et la pensée
devenue plus précise, la seconde par le mécanisme plus compliqué des Etats,
le faisceau intérieur de la nature humaine se dissocia lui aussi et une lutte
funeste divisa l'harmonie de ses forces... » (Lettres sur l'éducation esthétique
de Thomme, trad. Leroux, p. 107.)
Plus de place, donc, nul espace possible pour les harmonies cosmiques
qu'animait naguère le magnétisme (ou le quasi-magnétisme) de Kepler ou
celui de Gilbert2. La puissance unifiante de l'harmonie ne pourra désormais
s'exercer qu'au prix d'une transgression des frontières ou, peut-être, d'une
ruse permettant à des disparités radicales de venir s'atténuer en simples écarts
1. Le magnétisme physique et le magnétisme animal, par exemple, ont-ils autre chose
en commun que le nom ? Précisément, on envisagera ici ce que tente le magnétisme animal
pour se faire exister en faisant jouer son nom dans les relations entre domaines.
2. De Gilbert, ces quelques lignes, définitivement périmées en leur allégresse musicale
de cuivres : « II s'agit sans doute (afin que le monde ne s'effondre) de l'harmonie, de
l'union des parties parfaites et homogènes des globes de l'univers en un tout, de l'accord
mutuel des forces essentielles qui sont en elles, vers la santé, la persistance... et l'unité. C'est
pourquoi, et comme cette puissance se manifeste par une vertu si admirable, si étonnante
(si différente des autres puissances naturelles), l'opinion de Thaïes n'est pas absurde... qui
L' électromagnétisme hier et aujourd'hui, attribue une âme à l'aimant. » (Cité par Bauer,
p. 29.) Les Harmonies magnétiques 67
au sein de l'unité harmonique. Remaniements, transports, inclusions, effac
ements des différences entre les discours, ou assimilations réciproques, méta
phores et métabases, tout ce travail — de pure surface sans doute — se mêlera
désormais, comme leur condition même de possibilité, aux vibrations des
accords les plus musicaux 3.
De tous ces mouvements sur les frontières, nous ne prendrons que quelques
instantanés : partiels donc, et comme arrachés. C'est faute de moyens, sans
doute, mais c'est aussi pour avoir refusé de superposer, à tant d'entreprises
unifiantes, le traditionnel coup d'œil, trop facilement dominateur, sur la pré
tendue cohérence de l'époque.
Philosophia naturalis.
Ce retrait de l'ancienne harmonie, les sciences de la nature le manifestent,
et le magnétisme y joue un rôle déterminant.
Le entre dans le champ de la science positive avec Coulomb,
par extension du modèle newtonien et de la loi de l'attraction universelle.
Il était déjà présent dans les Principes mathématiques de Newton (par exemp
le : Définitions V, VI, VII, sur la « force centripète »), mais un peu en retrait,
parce que, faute de mesures et de la notion de masse magnétique, la loi quant
itative semblait ne pas s'appliquer à son cas. Mais surtout, il avait tenu une
place essentieUe (quoique avec nuances et complexité) dans la cosmologie
harmonique de Kepler. On pourrait alors penser qu'en revenant, grâce à Cou
lomb, au premier plan de la science de style newtonien, il allait ramener les
thèmes harmoniques dont il était depuis si longtemps pétri. Il n'en sera rien
pourtant, du moins dans la science positive — on le voit bien dans le cas de la
loi des pôles : par rapport aux termes képlériens de sympathies, de parties
amies et ennemies, l'énoncé scientifique (les pôles de même nom se repoussent,
les pôles de noms contraires s'attirent) ne peut se concevoir que comme une
rupture et un paradoxe. Mais alentour, dans le public et peut-être même chez
les physiciens, on pourrait certainement déceler l'attente d'un retour de cet
ordre, dont il subsistera, latéralement, des traces nostalgiques...
L'éloignement de l'harmonie touche encore aux relations entre science et
métaphysique. La dynamique newtonienne rompt avec les décisions philo
sophiques qui commandaient le mécanisme cartésien et suscite un débat inla
ssablement répercuté au xvni0 siècle (attraction contre tourbillons, propagat
ion des forces contre transmission du mouvement4). Leibniz est proche de
Newton quand il s'agit de la spécificité de la dynamique, mais s'oppose à
lui sur les rapports de la dynamique avec la métaphysique. La dynamique de
Newton n'est certainement pas sans implications métaphysiques (et d'abord,
3. On fait donc jouer ici ensemble deux traditions distinctes de l'harmonie : harmonie
cosmique (Gilbert, Kepler) et harmonie des domaines ou des facultés (Kant, Schiller).
Leibniz, harmonie d'harmonies, serait une fois de plus au confluent.
4. Au creux de ce débat bourdonne tout un essaim mobile de représentations plus ou
moins neuves — matières subtiles, éthers, fluides immatériels — qui, grâce à leur fortune,
se répandront à travers plusieurs domaines et seront associées à des spéculations sur
l'harmonie. 68 Claude Mouchard
les forces fondamentales ne sont pas, pour lui, de nature physique), mais, par
un geste où le positivisme se reconnaîtra, la relation à la métaphysique tend
à être suspendue (et Kant, dans les Principes métaphysiques, pose les forces
sans les déduire). Chez Leibniz, au contraire, la métaphysique de lbarmonie
lie la physique à des décisions incompatibles avec les nouvelles données, avec
la réalité de l'opposition qui se manifeste dans les forces d'attraction et de
répulsion, dans la dualité des électricités positive et négative, dans la polarité
magnétique, enfin. Un certain type аЪагтоше se retire donc, une fois de plus,
devant des données physiques dont le magnétisme est un des meilleurs exemp
les.
Et pourtant, au sein même de ce champ newtonien, l'harmonie revient ou se
recrée, bien différente, il est vrai, moins savoureuse et plus neutre, et plutôt
comme expression et justification d'une tentative pour organiser certains sec
teurs du savoir. Le magnétisme, encore : Coulomb, on Га dit, procède par
extension du modèle newtonien ; mais, dès avant sa réussite, le magnétisme
est rangé avec d'autres secteurs qu'on ne se lasse pas d'énumérer en appelant
l'application généralisée des lois de Newton à l'ensemble : voici l'électricité,
la chimie, la théorie de la chaleur, l'étude des vivants, la psychologie 5. C'est
cet état des sciences de la nature qui conduit à postuler, métaphysiquement
sans doute, l'unité des forces naturelles : « Les forces pénétrantes dont ces
grands corps (les corps célestes) sont animés, écrit Buff on, ... animent aussi
chaque atome de matière, et cette propension mutuelle de toutes ces parties
les unes vers le

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