Les incendiaires en France au XVIIIe siècle. Essai de typologie criminelle - article ; n°1 ; vol.25, pg 229-248
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1970 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 229-248
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Abbiateci
Les incendiaires en France au XVIIIe siècle. Essai de typologie
criminelle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 1, 1970. pp. 229-248.
Citer ce document / Cite this document :
Abbiateci André. Les incendiaires en France au XVIIIe siècle. Essai de typologie criminelle. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 25e année, N. 1, 1970. pp. 229-248.
doi : 10.3406/ahess.1970.422209
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_1_422209incendiaires Les
dans la France du XVIIIe siècle
ESSAI DE TYPOLOGIE CRIMINELLE
L'enquête sur « crimes et criminalité dans la France
d'Ancien Régime » inaugurée par notre ami François
Billacois (Annales, 1967, pp. 340-349) aboutira à la
prochaine publication d'un premier bilan. L'article de
M. Abbiateci, qui paraît ici, est extrait de l'une des études
qui composent cette publication. Le présent travail,
entrepris sous la direction de P. Goubert, s'appuie essen
tiellement sur les archives criminelles du Parlement de
Paris (tribunal d'appel qui a légué des séries continues
mais sèches d'arrêts, et des séries charnues mais lacu
naires de pièces d'instruction). Faute du loisir de s'enfon
cer dans les séries В d'une trentaine de départements,
l'auteur n'a consulté en première instance que les fonds
du Châtelet. Avec sagesse, il s'est abstenu de donner une
géographie ou une chronologie du crime d'incendie. La
typologie psychosociale qu'il dresse ici n'épuise cepen
dant pas son analyse du phénomène. Crime redoutable
que beaucoup de juristes estiment « cas royal » et passible
du bûcher, faute que l'Église punit d'excommunication,
arme à portée de tous, l'incendie est, dans une société
éminemment « fragile », un « moyen de pression » des
isolés, ou, selon l'expression d'E. Hobsbawm une façon
de « marchandage collectif ».
Une étude du crime peut-elle fonder une observation sociale ? Peut-on
pour l'Ancien Régime, et pour les campagnes en particulier, tenter ce que Louis
Chevallier a fait pour le Paris du XIXe siècle ? C'est pour essayer de répondre à
cette question que nous avons étudié un crime, l'incendie volontaire, à partir
des procès jugés en appel au Parlement de Paris entre 1 730 et 1 789.
229 ENQUÊTE EN COURS
L'incendie, crime de tous les temps, est susceptible d'interprétations variées,
et variables. Au Moyen Age, le boutefeu est lié au démon, aux puissances de
l'enfer. A l'époque contemporaine, le pyromane passe pour un fou : le crime
d'incendie révèle moins des conflits sociaux que des troubles psychiques et
sexuels. Quels sont les mobiles des incendiaires du XVIIIe siècle dans le ressort
du Parlement de Paris ? Au début de l'enquête nous pensions étudier le crime
comme expression d'une révolte sociale (paysans de la Grande peur allant mettre
le feu aux terriers et même aux châteaux de leurs seigneurs; affamés des années
de disette, menaçant de brûler les maisons des accapareurs ; contribuables pres
surés incendiant les demeures des Fermiers généraux...). En fait, nos recherches
nous ont fait saisir une réalité moins exceptionnelle, plus quotidienne, tout aussi
importante : le feu fut, par la crainte qu'il suscitait, un moyen de pression sociale.
L'étude globale des procès (200 au total) permet de définir la répartition
sociale des incendiaires, de connaître leurs complices et leur langage.
Pour un juriste du XIXe siècle, le crime d'incendie est « le crime préféré des
basses classes » \ Pour l'historien des Paysans de Languedoc, « le berger incen
diaire est un personnage familier que l'on rencontre partout, torche au poing »2.
La répartition professionnelle des incendiaires jugés en appel par le Parlement
de Paris apparaît sur le tableau suivant.
Répartition professionnelle des incendiaires jugés en appel de 1750 à 1789
Nombre d'incendiaires Catégorie y compris les complices)
№ 1 Errants, mendiants, gens sans condit
ion, déserteurs, prostituées. 30
№ 2 Domestiques, manouvriers, brassiers. 52
№ 3 Métiers :
27 — vignerons textile (tisserands, et jardiniers fileurs) 13
Autres métiers :
— artisans, métiers de l'alimen
tation, employés de l'admi
nistration. 29
№ 4 Marchands. 14
№ 5 Laboureurs et fermiers 46
№ 6 Curés 3
Total 214
1. E. DUCHÉ, Le Crime d'incendie (thèse pour le doctorat en droit), Paris, M. Giard et
E. Brière, 1913, p. 33.
2. E. LE ROY LADURIE, Les Paysans de Languedoc. S.E.V.P.E.N., 1966, pp. 88-89.
230 AU XVIII* SIÈCLE A. ABBIATECI INCENDIAIRES
Ce tableau appelle deux remarques. Les incendiaires appartiennent bien pour
une grande part aux « basses classes » de la société rurale; en effet, près de la
moitié des criminels sont d'une condition médiocre, voire misérable (accusés des
catégories 1 et 2, fileuses, peigneurs de laine, petits marchands de cire...). Mais
à côté de ces incendiaires pauvres, il faut noter le nombre relativement important
de laboureurs ou fermiers (46, soit 1 /5 du total environ) ; d'autant qu'ils ont
souvent l'initiative du crime dans d'autres cas, où ils utilisent les domestiques
comme agents d'exécution.
Les criminels agissent plus souvent en isolés (123 cas) qu'avec des comp
lices (74 cas) \ Les complicités se révèlent essentiellement familiales (dans
42 procès sur 74) ; les autres sont professionnelles, ou bien liées au même mode
de vie marginal (errants, mendiants) ou à une communauté d'intérêts.
L'attitude des complices au cours du procès est intéressante. Sauf cas très
rare, jamais ils ne dénoncent ni ne chargent l'accusé principal. La famille notam
ment forme devant les juges un bloc uni, solidaire et muet. Pour triompher de ce
mutisme, les juges, afin « d'avoir révélation des complices » infligent au condamné
à mort la peine de la question préalable. Mais sans succès, sauf exception 2.
Dans leurs interrogatoires, les juges accordent une extrême importance aux
paroles prononcées par l'accusé avant le crime, aux menaces qu'il a faites à la
victime. Cela nous permet une étude brève du langage des criminels. Langage
des laboureurs, concret, plein d'images empruntées à la vie paysanne.
« Je te ferai éveiller par le coq rouge » 3; « il menaçait les gens d'allumer
leur pipe » 4; « il mettrait un homme habillé de rouge qui raflerait tout » 5... ; « il lui
sèmerait une graine de laquelle il se souviendrait longtemps » e.
Langage caractéristique d'un métier; le boucher G. Villain a dit à la victime
qu'il « mériterait d'être grillé comme un cochon ». Mais aussi parfois langage plus
énigmatique : « Si on lui ôtait les terres... l'on verrait des prunes de Damas » 7.
« Vous ne voulez pas donner de blé, eh bien là là là là !, d'un air en colère 1 8 »
Ces menaces mystérieuses reçoivent, lors du procès, une double interpréta
tion; P. Darras, accusé d'incendie, accorde certes aux témoins qui lui sont hostiles
avoir dit plusieurs fois avant le feu qu'il avait « trois choses à faire »; seulement
pour lui ces trois choses ne sont pas « tuer, brûler et se détruire » comme le pré
tend le témoin, mais « remettre au curé... son héritage... payer ce qui était dû...
faire une reconnaissance de dette » 9.
1. De nos jours, l'incendiaire est quasi toujours un individu isolé, anomique, ou asocial.
Constatation à nuancer dans une étude rétrospective, où l'on ne peut suivre totalement Gas
ton BACHELARD : « Comme des porteurs de flambeaux, les hommes de misère transmettent
d'âge en âge la contagion de leurs rêves ďíso/és » (Psychanfayse du feu, Gallimard, 1938, p. 35).
2. X 2 b 1028. Arrêt contre Jacques Bellanger et Louis Bréchard, 23 juillet 1762.
3. Cité d'après un document de 1657 dans F. DEBOUVRY, Étude Juridique sur le mauvais
gré, Lille, 1899, p. 166.
4. X2a1119 : interrogatoire de F. Carré, 18 décembre 1755.
5. X2a1127 : de F. Riante, 19 juillet 1764.
6. Х2Ы070 : arrêt du 12 septembre 1782 : J.-Baptiste Scellier.
7. X2a1143 : i

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