Les médias et les mutations contemporaines du religieux - article ; n°1 ; vol.69, pg 64-75
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les médias et les mutations contemporaines du religieux - article ; n°1 ; vol.69, pg 64-75

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2001 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 64-75
Analysant les relations entre médias et religions, V auteur évoque d'abord les nombreux biais qui, par inculture, parti pris ou autre, déforment les réalités religieuses à travers leur traitement médiatique. Il souligne ensuite les analogies qui mettent aujourd'hui en concurrence religions et médias en tant que vecteurs du lien social. Rivaux ou substituts l'un de l'autre, ils convergent pour exprimer la subjectivité contemporaine. Entre autres exemples, le primat médiatique donné à l'émotion et à l'expérience individuelle est en effet en connivence avec la sensibilité religieuse contemporaine, et satisfait un certain « besoin de croire sans appartenir ».
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 11
Langue Français

Extrait

Jean-Paul Willaime
Les médias et les mutations contemporaines du religieux
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°69, 2001. pp. 64-75.
Résumé
Analysant les relations entre médias et religions, V auteur évoque d'abord les nombreux biais qui, par inculture, parti pris ou
autre, déforment les réalités religieuses à travers leur traitement médiatique. Il souligne ensuite les analogies qui mettent
aujourd'hui en concurrence religions et médias en tant que vecteurs du lien social. Rivaux ou substituts l'un de l'autre, ils
convergent pour exprimer la subjectivité contemporaine. Entre autres exemples, le primat médiatique donné à l'émotion et à
l'expérience individuelle est en effet en connivence avec la sensibilité religieuse contemporaine, et satisfait un certain « besoin de
croire sans appartenir ».
Citer ce document / Cite this document :
Willaime Jean-Paul. Les médias et les mutations contemporaines du religieux. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et
politique. N°69, 2001. pp. 64-75.
doi : 10.3406/chris.2001.2257
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2001_num_69_1_2257Les médias et les mutations
contemporaines du religieux
Jean-Paul Willaime *
Résumé : Analysant les relations entre médias et religions, V auteur
évoque d'abord les nombreux biais qui, par inculture, parti pris ou autre,
déforment les réalités religieuses à travers leur traitement médiatique. Il
souligne ensuite les analogies qui mettent aujourd'hui en concurrence
religions et médias en tant que vecteurs du lien social. Rivaux ou substi
tuts l'un de l'autre, ils convergent pour exprimer la subjectivité contem
poraine. Entre autres exemples, le primat médiatique donné à l'émotion
et à l'expérience individuelle est en effet en connivence avec la sensibilité
religieuse contemporaine, et satisfait un certain « besoin de croire sans
appartenir ».
1. Le traitement médiatique du religieux
La médiatisation du religieux constitue une mise en perspective du rel
igieux qui comporte de nombreux biais. S'opère tout d'abord une vaste
sélection parmi l'information religieuse susceptible d'intéresser les
médias. Les interventions des personnalités et des institutions religieuses
intéressent plus les médias si elles portent sur des problèmes de société
que si elles portent sur des problèmes plus spécifiquement religieux. La
médiatisation sécularise le religieux. Elle le cléricalise aussi en mettant
régulièrement en scène les professionnels du religieux que sont les clercs.
Le succès médiatique du pape Jean-Paul II est un élément essentiel de la
repapalisation du catholicisme post-conciliaire. Ces deux tendances de la
sécularisation et de la cléricalisation qui, au premier abord, peuvent
paraître contradictoires, sont en réalité complémentaires : cléricaliser le
religieux revient en effet à en faire une affaire réservée à quelques spécial
istes et non une affaire qui concerne tout le monde au cœur de la vie de
tous les jours. Cette sécularisation médiatique du religieux passe
* Directeur d'Études à Y École Pratique des Hautes Études (Sorbonne, Paris), Jean-Paul
Willaime est directeur-adjoint du Groupe de Sociologie des Religions et de la Laïcité
(EPHE/CNRS).
64 Les médias et les mutations contemporaines du religieux
d'ailleurs également, de façon tout aussi paradoxale, par la fascination
éprouvée par les médias pour les formes les plus engagées et les plus
radicales de la vie religieuse (la vie monastique aussi bien que les formes
sectaires d'engagements religieux). La sécularisation s'opère ici par
excès de spiritualisation, par concentration sur les héros individuels ou
communautaires de la méditation et de la prière, par fascination pour les
« fous de Dieu ». La religion au rythme du temps médiatique, c'est part
iculièrement celle des temps forts, des grands rassemblements et des
figures charismatiques, des temps forts suivis de périodes de latence
comme si on était religieux par intermittence. Une religion médiatique au
rythme similaire à celui d'une religion individuelle s'exprimant essentie
llement dans les temps forts de la vie (les fameux rites de passage au
moment de la naissance, de la sortie de l'enfance, du mariage et du
deuil).
Mais la représentation télévisuelle du religieux est aussi, comme celle
de la publicité, souvent décalée par rapport aux évolutions religieuses
actuelles. En privilégiant des formes traditionnelles du religieux, maints
journalistes se basent plus sur le religieux de leur enfance que sur une
connaissance précise des expressions religieuses actuelles. Le fait que de
nombreux journalistes n'aient plus de contacts réels et réguliers avec telle
ou telle Église entre en ligne de compte : les non-pratiquants se représent
ent souvent l'Église des années 1990 avec les souvenirs qu'ils ont gardés
de l'Église de leur enfance ; leur représentation est souvent décalée, en
retard sur les évolutions. Le problème soulevé ici est celui de l'inculture
religieuse des journalistes (mais il y a d'heureuses exceptions), une incul
ture qu'il partage avec bien d'autres et qui complique le traitement
médiatique des faits religieux. A quoi, on pourrait ajouter la difficulté des
journalistes français, surtout à la télévision, à appréhender le christi
anisme dans sa diversité confessionnelle en identifiant trop souvent
l'« Église » à la seule Église catholique romaine. Si les médias français
ont peu à peu appris à s'ouvrir au pluralisme religieux en général, ils ont
plus de peine à intégrer la pluralité du fait chrétien, comme si pesait ici
l'héritage d'une histoire profondément marquée par l'identification de la
France au catholicisme.
Le religieux des émissions religieuses télévisuelles publiques obéit à
une double contrainte : d'une part, une contrainte venant des acteurs rel
igieux eux-mêmes qui sont plus ou moins ouverts à la médiatisation de
leur vécu religieux, d'autre part, une venant du canal public
lui-même avec le souci d'accueillir les expressions religieuses les plus
dignes d'être diffusées sur une chaîne publique de télévision. Entre les
65 Jean-Paul Willaime
deux se situe l'intervention essentielle des responsables d'émissions qui
gèrent cette double contrainte. Si les médias généralistes ont tendance à
privilégier le religieux extrémiste, ne serait-ce que parce qu'il s'impose
dans le traitement de l'actualité, les émissions religieuses ont plutôt ten
dance à privilégier le religieux convenable, celui qui apparaît pouvoir
être le mieux accepté par une société sécularisée et pluraliste. Dans ces
émissions, il s'agit de l'image ad extra que les religions désirent donner
d'elles-mêmes.
Ce constat a été souvent fait tant du côté des Églises que du côté des
journalistes spécialisés dans le domaine religieux1. Le religieux propre
ment religieux serait renvoyé aux émissions religieuses du dimanche
matin gérées par les représentants des diverses confessions. Ce constat
reflète une situation où le religieux est considéré comme relevant unique
ment du domaine privé. Si ce constat est exact, il demande néanmoins à
être nuancé, voire inversé. En effet, il suffit de regarder quelques émis
sions religieuses du dimanche matin sur France 2 pour constater que ces
émissions sont loin de se limiter aux aspects proprement spirituels et
cultuels de la religion et qu'une grande place y est faite aux dimensions
sociales et culturelles de la religion. On peut même parler d'une certaine
sécularisation des émissions religieuses au sens où, désirant s'adresser, à
travers le petit écran, à un auditoire beaucoup plus large que celui des
pratiquants réguliers, ces émissions, à des degrés divers selon les confes
sions, cherchent à intéresser chacun, quelle que soit son appartenance ou
non-appartenance confessionnelle ; elles ne se contentent pas du schéma
« les croyants parlent aux croyants ». Alors que le groupe religieux,
lorsqu'il est responsable d'une é

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents