Les ravages des prophètes dans les civilisations paysannes - article ; n°1 ; vol.66, pg 319-330
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Description

Journal des africanistes - Année 1996 - Volume 66 - Numéro 1 - Pages 319-330
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Perrot
Les ravages des prophètes dans les civilisations paysannes
In: Journal des africanistes. 1996, tome 66 fascicule 1-2. pp. 319-330.
Citer ce document / Cite this document :
Perrot Claude. Les ravages des prophètes dans les civilisations paysannes. In: Journal des africanistes. 1996, tome 66
fascicule 1-2. pp. 319-330.
doi : 10.3406/jafr.1996.1110
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1996_num_66_1_1110Notes et documents
Claude-Hélène PERROT*
Les ravages des prophètes dans les civilisations paysannes
« La cause des »l peut être lue, disons-le sans tarder, comme
une magistrale histoire de la Côte d'Ivoire. Ce pays qui vient à peine de
dépasser ses cent années d'existence, a connu depuis les années soixante des
transformations spectaculaires qui n'ont pas manqué d'impressionner ceux qui
en ont été les témoins. En anthropologue, Jean-Pierre Dozon s'interroge sur le
rôle tenu par les prophétismes ivoiriens dans cette marche vers la modernité,
sur leur contribution effective aux changements intervenus, et entre autres à
l'émergence de l'unité nationale (dont les bases paraissaient inébranlables il y
a encore quelques mois).
J.P. Dozon ne s'est pas borné en effet à mettre en scène tous les
personnages inspirés qui se sont succédés en ordre serré sur le sol ivoirien
depuis le temps de William Wadé Harris (1913) jusqu'à celui , très proche, de
Gbahie Koudou Jeannot (1985), et à montrer dans chaque cas les particularités
de l'émission et de la réception du message prophétique émis.
Voyant que le ralliement à un prophète est à chaque fois apparu à ceux
qui l'ont suivi comme une issue, et peut-être la seule accessible, aux difficultés
qu'ils étaient en train de vivre, il a conçu, et réalisé, un projet d'une tout autre
ampleur. Il s'est proposé d'analyser les différents prophétismes, leur inégal
succès et la diversité de leurs implantations dans l'espace géographique et
social ivoirien en les situant avec le plus d'acuité possible dans le contexte
économique, social et politique du moment et de la période où ils ont pris
corps. Il se démarque par là d'une certaine anthropologie religieuse qui a
tendance à suivre et à décrire les avatars des mouvements religieux, sans se
préoccuper beaucoup de l'état de la société globale. C'est un véritable tour de
force que d'être parvenu à faire surgir à partir de la spécificité du contexte,
celle de chacun de ces mouvements qui, à première vue, se ressemblent tous et
dont le nombre est à soi seul un défi.
Cela suppose une quête documentaire menée de façon intensive à la fois
dans les archives coloniales et dans les sources imprimées, à laquelle s'ajoute
1 Jean-Pierre Professeur honoraire DOZON, de La l'Université cause des prophètes. de Paris I. Politique et religion en Afrique contemporaine,
suivi de La leçon des Prophètes par Marc AUGE, Seuil (La Librairie du XXè siècle), 1995.
Journal des Africanistes 66 (1-2) 1996 : 319-340 320 Journal des Africanistes
un travail attentif « de terrain ». Celui-ci s'est effectué en direct chez plusieurs
prophètes contemporains, dans leur lieu de résidence, devenu, en raison des
nombreux individus qui sont venus s'y fixer dans l'espoir de trouver remède à
leurs maux, « village prophétique ». J.P. Dozon qui est l'un des meilleurs
connaisseurs du « dossier » ivoirien a fait oeuvre d'historien, constamment
soucieux de citer les sources sur lesquelles se fonde son argumentation. Il
démontre une fois de plus, et avec quel succès, que les cloisons entre
anthropologie et histoire n'ont nulle raison d'être.
Pour qui cherche à mieux comprendre l'évolution de la Côte d'Ivoire au
cours de ce siècle, dans ses différentes phases, et à mieux percevoir les liens
entre « infrastructure » et « superstructure », comme on disait naguère, la
lecture de ce livre subtil s'impose, lecture que favorise la vivacité et l'aisance
du style. Rappelons brièvement ces phases:
Au début du siècle la répression des mouvements de résistance à la
colonisation conduite d'une main de fer par le gouverneur Angoulvant fait le
lit du harrisme (1913) . Le succès de ce qu'il est convenu d'appeler la
pacification démontre l'éclatante et l'inéluctable supériorité matérielle des
Blancs. William Wadé Harris, le prophète venu du Libéria, indique la voie qui
permettra aux Africains de les rattraper, de combler l'écart, par l'adoption,
avec les ajustements nécessaires, des principes spirituels et des pratiques
religieuses qui paraissent être à la clé de leur spectaculaire avancée. La Basse
Côte, à l'exception de ses extrémités occidentale et orientale, lui est
massivement acquise, dans un élan d'une vigueur inouïe.
Dans les années vingt le prophétisme « devient une affaire ivoirienne ».
Toujours concentrés en Basse Côte d'Ivoire, comme leur prédécesseur, mais
dans un rayon d'action plus restreint, les Bodjiii Aké, Salomon Agri, Jonas
Ahui, qui opèrent en pays adjukru et surtout en pays ébrié, revendiquent avec
quelques autres le prestigieux héritage et ne se montrent en général pas
hostiles à l'ordre social établi.
Dans les années trente c'est l'essor de l'économie de plantation (cacao,
café). Les Ivoiriens ont repris à leur compte certains des objectifs économiques
qui leur avaient été initialement imposés par les colonisateurs et en ont fait
leur chose. A cette expansion et à la volonté de s'approprier le progrès
économique, fait écho un prophétisme soucieux d'assurer « la bonne marche
des plantations » et, pourrait-on dire d'une façon plus générale, de promouvoir
le développement avec Botto Adaï à Grand-Lahou et Papa Nouveau chez les
Ebrié (terre d'élection du prophétisme, décidément). Ces personnages qui
attirent dans leurs villages fidèles et malades, sont eux-mêmes des planteurs et
ils construisent des écoles, des dispensaires. Ce sera aussi le cas du célèbre
Albert Atcho.
Journal des Africanistes 66 (1-2) 1996 : 319-340 Notes et documents 32 1
Puis vient l'ère de la prospérité, les vingt ou presque trente « glorieuses »
(jusqu'au milieu des années soixante-dix), les prophètes sont alors des
rassembleurs qui font vibrer la corde nationaliste et se placent volontiers sous
l'égide d'Houphouet nimbé de l'aura de père fondateur de la Côte d'Ivoire.
Enfin avec la « conjoncture » terme par lesquels les Ivoiriens désignent
avec humour la crise économique qu'ils vivent depuis le début des années
quatre-vingt, surgit un prophétisme particulièrement virulent, qui, à l'inverse
des précédents, est contestataire. Introduit et imposé dans les villages par des
«jeunes hommes» d'une trentaine d'années, engagés dans des activités de
production, il tente de renverser l'ordre lignager en abaissant l'autorité des
anciens et il s'attaque à l'antique idéal égalitariste, toujours bien enraciné dans
le monde rural. Jusqu'ici l'aspiration à l'égalité continue à servir de bannière
idéologique brandie d'une main ferme, bien que la vision d'une société
homogène, sans écart saillant entre les riches et les pauvres, ait été dans la
pratique constamment démentie par les faits, comme le montre l'histoire des
sociétés précoloniales — y compris celles de type « segmentaire » ou
« lignager ». L'offensive a été lancée en 1985 par Gbahié Koudou Jeannot, qui
a connu un succès dont Г ampleur, sinon les effets à long terme, rappelle celui
de W. W. Harris2
Mais qu'en est-il de la « cause » des prophètes telle qu'elle est plaidée,
sinon épousée, par J.P. Dozon ?
J.P.Dozon dit avoir « découvert chez eux, au-delà de leur folie et de leur
enfermement, la silhouette de rivaux, ou mieux, de collègues .... Discuter avec
eux, observer leurs activités, entendre leurs discours revenait bien souvent à
recueillir.. .des exercices anthropologiques ou sociologiques »

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