Les relations État/société dans les pays rentiers ou post­rentiers : appropriation des rentes et élites économiques en Jordanie - article ; n°163 ; vol.41, pg 547-572
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Les relations État/société dans les pays rentiers ou post­rentiers : appropriation des rentes et élites économiques en Jordanie - article ; n°163 ; vol.41, pg 547-572

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Tiers-Monde - Année 2000 - Volume 41 - Numéro 163 - Pages 547-572
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Oliver Wils
Les relations État/société dans les pays rentiers ou post­rentiers
: appropriation des rentes et élites économiques en Jordanie
In: Tiers­Monde. 2000, tome 41 n°163. pp. 547­572.
Citer ce document / Cite this document :
Wils Oliver. Les relations État/société dans les pays rentiers ou post­rentiers : appropriation des rentes et élites économiques en
Jordanie. In: Tiers­Monde. 2000, tome 41 n°163. pp. 547­572.
doi : 10.3406/tiers.2000.1415
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2000_num_41_163_1415LES RELATIONS ETAT/SOCIETE
DANS LES PAYS RENTIERS OU
POSTRENTIERS :
APPROPRIATION DES RENTES
ET ÉLITES ÉCONOMIQUES
EN JORDANIE
par Oliver Wils*
L'un des points faibles du concept d'État rentier tient au fait qu'il
s'attache exclusivement aux rentes qui sont dissociées des secteurs de
production nationaux. D'autres modes d'appropriation de la rente, pro
posés par la théorie de la « société à développement bureaucratique »,
doivent cependant être intégrés. L'article s'intéresse donc aux acteurs
dans l'analyse des relations entre l'État et la société au Moyen-Orient et
en Jordanie. L'élargissement de ce cadre théorique devrait permettre une
meilleure compréhension de l'économie politique de la Jordanie, des rela
tions entre les élites économiques des secteurs public et privé, et de la
dynamique des réformes récentes.
Depuis une dizaine d'années, le concept d'État rentier (ou
d'allocation) est devenu un modèle important, voire essentiel, dans
l'analyse de l'économie politique des pays du Moyen-Orient1. Il y a dix
ans toutefois, les revenus de la rente extérieure étaient déjà moins
accessibles, et de nombreux pays de la région avaient été forcés de
mettre en place des programmes de réforme économique. Comme
nous le montrerons dans cet article, le concept d'État rentier ne suffit
pas à expliquer correctement les dynamiques en cours et la transfo
rmation des relations État/société au Moyen-Orient. Nous proposons
* Département des sciences politiques et sociales, Freie Universitât, Berlin.
1. Beblawi et Luciani, 1987; Schmid, 1991 ; Anderer, 1991.
Revue Tiers Monde, t. XLI, n° 163, juillet-septembre 2000 548 Oliver Wils
donc de combiner ce concept avec certains éléments de la théorie de
« société à développement bureaucratique », présentée par l'univer
sitaire allemand Hartmut Elsenhans1, et de tenir davantage compte des
acteurs en présence.
Depuis sa création, le Royaume hachémite dépend de l'aide étran
gère et des transferts de capitaux extérieurs. Toutefois, leur influence
sur la création d'institutions et sur les relations État/société varie en
fonction du type et des modalités de contrôle et de réutilisation des
rentes extérieures et de l'importance relative des autres revenus de
l'État. Dans cette optique, il importera d'étudier la formation et le rôle
des élites économiques, définies ici de façon assez pragmatique comme
les principaux décideurs dans le domaine de l'activité économique et
de sa réglementation2. En nous attachant aux relations qui se sont
développées entre les élites économiques des secteurs public et privé,
nous espérons contribuer à une meilleure compréhension de
l'économie politique de la Jordanie et de la dynamique du programme
de réforme économique récemment mis en place.
1 / SOURCES DE LA RENTE ET RELATIONS ÉTAT/SOCIÉTÉ :
QUELQUES CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
Le pouvoir d'analyse du concept d'État rentier tient à la stricte
définition des rentes comme revenus externes. Il dissocie donc des sec
teurs nationaux de production ce qui constitue, dans l'économie clas
sique, la tâche principale de l'État : la collecte et la redistribution de
ressources. La classification établie par Giacomo Luciani (1987), qui
oppose les États d'allocation aux États de production, est un élément
essentiel de ce concept. Ainsi, les rentes, directement perçues par
l'État, sont censées renforcer l'autonomie de l'État par rapport aux
intérêts sociaux. La bureaucratie - en disposant de revenus qui ne sont
pas produits localement - peut satisfaire soit des groupes stratégiques,
soit l'ensemble de la population par des mesures sociales. Ce système,
associé à un faible niveau d'imposition, explique pourquoi le slogan
du mouvement indépendantiste américain, no taxation without repre
sentation ( « pas d'impôts sans représentation » ), n'a pas d'équivalent
au Moyen-Orient. Enfin, dans cette perspective, les décideurs préfèrent
1. Voir bibliographie, 1981-1996.
2. Dougherty et Wils, 1999. Les relations État/société dans les pays rentiers ou postrentiers 549
recourir à la politique étrangère plutôt que d'accroître la productivité
locale, afin de préserver le mode d'accumulation actuel1.
Les disparités économiques et politiques engendrées par la format
ion de rentes à l'extérieur du pays ont conduit à formuler des hypot
hèses et des conclusions importantes sur l'économie politique des pays
du Moyen-Orient. Mais en se focalisant sur les rentes extérieures et la
dissociation des États d'allocation et de production qui en découle, le
concept d'État rentier ne peut avoir un caractère historique. Ce - essentiellement lié à la circulation de la rente, du fait de
l'augmentation du prix du pétrole, entre 1973 et 19822 - ne rend pas
correctement compte des périodes qui précèdent et qui suivent le boom
pétrolier. Il ne prend donc pas en considération le principal mode de
production et de relation entre l'État et la société antérieur à
l'accroissement de la rente et ne fournit pas un cadre pertinent
d'analyse de la dynamique politique et économique postérieure au
boom pétrolier. Sans perspective historique, on peut même ne pas
tenir ce concept pour une explication satisfaisante de l'absence de réi
nvestissement des rentes dans le secteur productif.
Autre défaut de cette approche, le caractère central de l'État.
Comme pour le point précédent, elle ne permet pas une analyse histo
rique des relations État et société. La notion d'autonomie de l'État,
pourtant essentielle, reste floue. Si cette autonomie est liée à une vision
institutionnaliste de l'État dans la tradition webérienne3, il est impérat
if d'expliquer les résultats de Kiren Chaudhry (1997) quant à l'impact
négatif de l'afflux des rentes sur la capacité institutionnelle de l'État
saoudien. De ce point de vue, pendant le boom pétrolier, dans les pays
véritablement rentiers, l'État s'est transformé en se personnalisant plu
tôt qu'en s'institutionnalisant4. En bref, le concept d'État rentier
n'apporte pas de réponses satisfaisantes sur la nature de l'État et
n'offre pas d'analyse historiquement fondée des relations entre État et
société, hormis la prétendue capacité de l'État à coopter des groupes
stratégiques.
1. Schmid, 1991 ; Brand, 1994.
2. Même si Beblawi et Luciani (1987) affirment que les résultats de leurs recherches ont un caractère
plus général, la valeur explicative de leur modèle repose essentiellement sur l'importance des transferts de
capitaux étrangers qui caractérisait les années 1970 et le début des années 1980 presque partout au
Moyen-Orient.
3. Evans, Rueschemeyer et Skocpol, 1985 ; plus critiques, Migdal, Kohli et Shue, 1994.
4. Crystall, 1995. 550 Oliver Wils
Conceptualisation de la rente
dans une société à développement bureaucratique
La théorie de la société à développement bureaucratique de Hart-
mut Elsenhans tente d'expliquer pourquoi le passage des pays du tiers
monde au capitalisme est incomplet, voire bloqué1. Contrairement aux
systèmes capitalistes où les excédents sont utilisés comme profits et
réinvestis, la principale forme d'excédent dans les sociétés à développe
ment bureaucratique est la rente, qui s'ajoute au profit et aux salaires
ou aux taxes. Dans ce type de sociét

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