Les « S.D.F. », de qui parle-t-on? Une étude à partir des dépêches AFP - article ; n°3 ; vol.57, pg 569-582
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les « S.D.F. », de qui parle-t-on? Une étude à partir des dépêches AFP - article ; n°3 ; vol.57, pg 569-582

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Population - Année 2002 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 569-582
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

J. Damon
Les « S.D.F. », de qui parle-t-on? Une étude à partir des
dépêches AFP
In: Population, 57e année, n°3, 2002 pp. 569-582.
Citer ce document / Cite this document :
Damon J. Les « S.D.F. », de qui parle-t-on? Une étude à partir des dépêches AFP. In: Population, 57e année, n°3, 2002 pp.
569-582.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_2002_num_57_3_16872« S.D.F. », de qui parle-t-on ? Les
Une étude à partir des dépêches AFP
Julien Damon*
On présente ici les résultats d'une étude menée à partir de données originales,
les dépêches de l'Agence France-Presse (AFP), pour analyser comment sont nom
més des populations et des problèmes sociaux. L'exemple pris dans cet exercice à
visée descriptive et méthodologique est celui des S.D.F. (sans domicile fixe). Depuis
une vingtaine d'années en effet, la présence « » dans les rues et dans le
débat politique s'est amplifiée. Pour autant, sait-on bien de qui l'on parle
exactement? Des travaux de recherche ont permis de clarifier les contours de la
population et les expériences vécues par les personnes habituellement désignées par
des vocables différents, comme S.D.F., sans-abri, sans domicile fixe, exclu, clo
chard, vagabond, sans-logis, mendiant ou sans-domicile^1). Sans nous attacher à
l'analyse sociodémographique de la population visée et sans chercher à savoir s'il
existe une « meilleure » dénomination, nous souhaitons ici montrer deux choses.
Tout d'abord, il apparaît clairement que c'est le terme S.D.F. qui est le plus couram
ment usité, dans le débat public, depuis une dizaine d'années pour dénommer des
personnes et des problèmes auparavant désignés à l'aide d'autres appellations,
comme vagabond ou clochard. Ensuite, si « S.D.F. » est bien le vocable le plus cour
ant, il reste relativement ambigu car très souvent employé comme synonyme
d'autres termes (sans-abri, clochard, etc.) qui n'ont pourtant pas exactement le
même sens, ni la même résonance dans les représentations.
I - Diversité sémantique
Qui sont les S.D.F.? Qui est vagabond? Qu'est-ce qu'un mendiant? Les défi
nitions sont historiquement aussi nombreuses et diverses que les études, les circu
laires, les ordonnances royales, les lois républicaines, les arrêtés municipaux, les
déclarations publiques ou les discussions privées. Des termes comme « chemineau »,
« trimardeur », « nomade », « clochard », « marginal », « sous-prolétaire », « sans-
abri », « sans-logis », « exclu » ou « S.D.F. » font partie de l'appareil sémantique
qui s'est progressivement constitué en France autour de la pauvreté et de l'errance.
A chacun de ces mots est attribuée une définition flottante qui varie en fonction des
gens et des événements. Certains ne sont plus que très rarement usités, comme
chemineau en France ou hobo aux États-Unis(2).
* Bureau de la recherche de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
О Pour une présentation des progrès de la connaissance autour des « sans-domicile », on
peut consulter les publications dirigées par Maryse Marpsat et Jean-Marie Firdion (Marpsat,
1998; Marpsat, Firdion, 2000). Voir aussi les premiers résultats de l'enquête de grande ampleur
menée en 2001 par l'Insee, avec l'appui notamment de l'Ined (Brousse, de la Rochère, Massé,
2002).
(2) Sur la diversité de la population hobo (du travailleur itinérant au clochard sédentarisé
dans la rue) aux États-Unis au début du siècle, cf. Anderson (1921).
Population-F, 57(3), 2002, 569-582 570 J. Damon
Plutôt que de chercher des définitions parfaites, ou au moins convenables, ce
qui conduit souvent à inventer un nouveau termed, il est plus utile de décrire les
situations. Pour être concret et actuel, on peut partir des personnes qui font la
manche au coin des rues, qui fouillent dans les poubelles, qui dorment dans la rue
sur une bouche de chaleur, qui viennent déclamer leurs difficultés dans les rames du
métro ou les couloirs d'une gareW. Ces personnes sont devenues les symboles de la
grande pauvreté, de l'exclusion. On les appelle d'ordinaire exclus, sans-abri ou
S.D.F. Le terme de vagabond n'est plus guère utilisé, mais on qualifie volontiers de
mendiant toute personne qui sollicite de l'argent dans l'espace public, tout en l'asso
ciant souvent à la situation de sans-abri. Or, comme l'économiste américain
O'Flaherty (1996) l'a très justement remarqué, toutes les personnes qui sont
acculées à la mendicité ne sont pas Et les sans-abri ne
font pas la manche. La mendicité est pourtant communément tenue pour une activité
réservée aux sans-abri, et le vagabondage pour un mode de vie lié à l'absence de
logement. Ces assimilations empêchent de saisir la diversité et l'instabilité des situa
tions que vivent les personnes comptées comme mendiants, vagabonds ou S.D.F.
Si l'on retrouve la trace de l'abréviation S.D.F. sur les registres de police ou
sur ceux des bureaux de bienfaisance dès le XIXe siècle(5), ce n'est que très récem
ment que le terme s'est imposé. Il rassemble et agrège désormais les significations
de sans-logis (privé de logement), de sans-abri (victime d'une catastrophe), de clo
chard (figure pittoresque n'appelant pas d'intervention publique structurée), de
vagabond (qui fait plutôt peur), ou encore de mendiant (qui sollicite les personnes
dans l'espace public). Des hommes isolés (les clochards), des familles (les sans-
logis) et des phénomènes assez différents (absence de logement, spectacle de la
dereliction dans l'espace public, mendicité, etc.) sont ainsi assemblés sous une
même appellation.
II - Une étude originale à partir des dépêches AFP
Pour montrer la diversité des situations associées au seul terme S.D.F., nous
allons travailler sur un matériau relativement peu mobilisé - en tout cas de manière
systématique -, à savoir les dépêches de l'AFP. Nous nous intéressons seulement au
contenu des dépêches, qui ont été retenues de façon exhaustive, sans analyser le pro
cessus même de production (et de sélection) de l'information, lui-même producteur
d'événement^).
Ces dépêches sont de toute première importance car elles sont très souvent en
position intermédiaire entre un phénomène et son traitement médiatique, celui-ci
ayant toujours un impact sur la formulation d'un problème dans le débat politique.
Le travail de journaliste passe beaucoup par le traitement de ces dépêches, qui sont
fréquemment reprises in extenso dans une brève ou dans le corps d'un article. Les
qualifications et dénominations des problèmes qui y sont retenues sont donc
particulièrement importantes car elles peuvent avoir un impact sur toute la presse.
Les « agenciers » de l'AFP ont en effet un rôle crucial de relais. Ces journalistes,
pigistes ou permanents, correspondants locaux ou nationaux, collectent, traitent et
diffusent des informations très différentes. Les termes qu'ils retiennent sont le reflet,
(3) Quelques observateurs proposent ainsi des termes originaux pour tenter de dépasser les
embarras sémantiques attachés aux expressions nommant les vagabonds, les clochards ou les
S.D.F. Durou et Rimailho (1970) retiennent «pour sa puissance évocatrice » un terme désuet
(mais flou) : les « vagueux ». Porquet (1987), dans son enquête d'observation participante qui a
fait date, propose un néologisme : les « stiffs », terme d'argot anglais signifiant « raide ».
<4) Partir ainsi de la visibilité des personnes et de leurs activités est l'option choisie, aux
États-Unis, par le sociologue Jencks (1994) et l'économiste O'Flaherty (1996) dans leurs travaux
sur les homeless.
(5) Cf. Gabonau(1998).
(6) Pour un exemple de ce type de travail, voir l'article de Kingston (1996) sur la couvert
ure par l'AFP des informations concernant l'Irlande. Les «SDR », de qui parle-t-on ? 571
non d'une ligne éditoriale, mais de la diversité ou de l'homogénéité des appellations
données aux populations et aux problèmes sociaux. Sans conférer une importance
démesurée à

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents