Les tribus privilégiées en Algérie dans la première moitié du XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.21, pg 44-58
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1966 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 44-58
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 106
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Les tribus privilégiées en Algérie dans la première moitié du
XIXe siècle
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e année, N. 1, 1966. pp. 44-58.
Citer ce document / Cite this document :
Les tribus privilégiées en Algérie dans la première moitié du XIXe siècle. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 21e
année, N. 1, 1966. pp. 44-58.
doi : 10.3406/ahess.1966.421348
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1966_num_21_1_421348tribus privilégiées en Algérie Les
dans la première moitié du XIXe siècle
Le système turc.
En Algérie, on ferait fausse route si l'on croyait à une succession de
régimes sociaux déterminés par des modifications de l'organisation éc
onomique depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. L'influence de puissantes
familles arabes a toujours été primordiale, et cependant il est difficile,
tant à l'époque turque qu'à l'époque française, de parler de régime féodal.
Quant au capitalisme moderne, étant donné le faible développement
industriel, il n'a pas les caractères qu'on lui trouve dans les pays d'Europe.
A la campagne, on peut distinguer des classes sociales : grands pro
priétaires de biens fonciers individuels ou familiaux ; fellahs des propriétés
collectives ; khamès, c'est-à-dire métayers qui ne gardent pour eux que
le cinquième de la récolte ; ouvriers agricoles temporaires ou permanents
(ces derniers très peu nombreux au temps des Turcs) ; esclaves noirs
pour le service domestique dans les familles riches, jusqu'à l'abolition
de l'esclavage sous la Seconde République. Dans les villes, il y a des bour
geois et des artisans groupés (jusqu'à l'époque française) en corporations
selon le métier ou l'origine ethnique (juifs, biskris, mozabites, etc.). Mais
on constate que, dans la campagne, le régime de la propriété collective
des tribus empêche la constitution de classes sociales conscientes de leurs
intérêts, et que, dans les villes, la division du travail est trop peu marquée
pour engendrer un capitalisme et un véritable prolétariat.
Dans l'ensemble, la structure sociale de l'Algérie est plutôt constituée
par des groupes privilégiés ou ordinaires (raias) plutôt que par des classes
sociales : tribus maghzen à l'époque turque, chargées de lever l'impôt et
de surveiller les tribus raïas, colons européens à l'époque française, sont
les soutiens du régime politique et défendent leurs privilèges contre toute
tentative de refonte du sytème de domination. Si on se place à ce point
de vue, il n'y a pas de contraste entre le régime turc et le régime français :
ce dernier continue dans une certaine mesure le système des tribus pri
vilégiées et de gouvernement par l'aristocratie militaire ou religieuse
jusqu'à l'occupation de la totalité du pays et la fixation d'importants
44 TRIBUS EN ALGÉRIE
groupes européens constituant dans les régions fertiles une puissante
armature de nature politique et économique.
Pendant trois siècles, les Turcs ont gouverné l'Algérie. Ils ont formé
une classe dominante à la tête de laquelle se trouvaient les janissaires,
recrutés dans l'Empire ottoman, et quelques renégats, secondés par des
métis de Turcs et d'Arabes, les Coulouglis. On est étonné de constater
le petit nombre de ces dominateurs. Ils semblent n'avoir jamais dépassé
une vingtaine de milliers d'hommes. Si, en temps de guerre, on pouvait
mobiliser 10 à 12 000 soldats turcs ou coulouglis, en temps de paix les
garnisons étaient squelettiques. Nous avons un recensement des troupes
permanentes en 1829 : il indique un total de 3 661 hommes x. Bien des
témoignages et le spectacle de la révolution qui fut, dans l'intérieur, la
conséquence immédiate du débarquement français, nous indiquent que
la domination turque était détestée. Et cependant la faiblesse numérique
des dominateurs prouve que leur pouvoir était d'ordinaire accepté sans
opposition grave (sauf dans certaines régions montagneuses) par l'e
nsemble de la population arabe de l'Algérie. De 1956 à 1962, une armée fran
çaise de plus de 400 000 hommes, pourvue d'une supériorité écrasante
en armes et en matériel, n'a pas réussi à obtenir les résultats dont jouis
saient les Turcs avec 3 661 hommes. Il est vrai que les petites garnisons
d'autrefois (noubas) étaient plutôt des « bureaux arabes ». Les chefs
devaient connaître les personnages influents sur lesquels ils pouvaient
compter, les changer au besoin, conserver un bon service de renseignements
et faire preuve dans leur action politique d'une activité incessante. Les
Turcs avaient la même religion que les autochtones (le rite seul était un
peu différent) et ils n'étaient pas tracassiers à condition que l'impôt fût
régulièrement versé. Ils étaient perfides et féroces en cas de résistance,
mais ils avaient rarement l'occasion d'exercer directement leur fureur.
Les Arabes, très divisés, comprenaient que l'ordre ne pouvait se maint
enir dans la Régence d'Alger que par l'arbitrage de ces rudes musulmans,
qui parlaient une langue étrangère et ne cherchaient pas à accaparer les
terres ou à coloniser le pays. Un Turc était un soldat orgueilleux, qui
vivait de sa solde et ne se mêlait pas aux détails de l'administration.
Le dey laissait même une indépendance complète aux régions qui auraient
été difficiles à conquérir : Kabylies et territoires sahariens.
Les appuis de la puissance turque : les Coulouglis.
Les janissaires turcs établis dans la Régence d'Alger épousaient des
femmes arabes. Il se forma ainsi une population de métis, les Coulouglis,
qui formaient un groupe ethnique bien différencié. On les reconnaissait
à leur type physique (carrure massive et long nez busqué). Us affectaient
1. A. de Voulx, Tachrifat, pp. 34-36.
45 ANNALES
de ne parler que le turc, la langue des maîtres. Très orgueilleux, ils ne
se mêlaient guère aux autres musulmans et ils avaient des mosquées de
leur rite. Leur ambition était de se faire considérer comme des Turcs
de pure race et d'accéder aux plus hautes fonctions militaires et admin
istratives. Leurs révoltes autrefois avaient valu à beaucoup d'entre eux
d'être parqués dans des régions peu hospitalières et ils étaient très peu
nombreux à Alger. Cependant au xixe siècle, nous en connaissons qui
sont parvenus aux plus hautes charges, tel Had] Ahmet, qui fut le dernier
bey de Constantine.
Le dey utilisait leurs grandes capacités guerrières pour leur faire tenir
garnison dans les villes, où ils occupaient un quartier spécial et où on leur
confiait la charge de garder la citadelle. En guerre, ils formaient une
partie de l'infanterie. En paix, ils n'étaient que des miliciens, qui pour
vivre pratiquaient de petits métiers et cultivaient leurs jardins. Sur les
soixante-trois familles de Coulouglis de Tlemcen qui se réfugièrent à Oran
en 1847, l'état nominatif indique les professions de huit d'entre eux :
quatre cordonniers, un boucher, un fabricant de haiks, deux marchands
de tabac. Cinq d'entre eux sont sans doute dans l'aisance puisqu'ils ont
à leur service des esclaves nègres des deux sexes 1. Le général Boyer écrit
en 1832 : « On m'assure que plusieurs d'entre eux ont plus de
100 000 piastres fortes d'Espagne et de grandes valeurs en diamants et
perles » 2. Ils protègent les Juifs, qui fabriquent les bijoux pour leurs
femmes. Les hadars, fabricants de tissus ou vendeurs des cuirs de Fès,
voudraient bien se débarrasser de leur tutelle et sollicitent le soutien
du Maroc. Us les croient en possession de grands trésors, qu'ils rêvent de
s'approprier. Il est certain que ces Coulouglis sont aisés, propriétaires de
maisons 3, et c'est grâce à leurs libéralités que les Turcs asiatiques ont
pu vivre, après 1830, en attendant de pouvoir émigrer 4.
Grâce à ces soldats braves et disciplinés, la Régence tenait des points
d'appui solides.
Le principal dans l'Ouest était Tlemcen, avec son mechouar entouré
de hautes murailles. Cinq ce

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