Libéralisme et démocratie - article ; n°157 ; vol.40, pg 73-86
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Tiers-Monde - Année 1999 - Volume 40 - Numéro 157 - Pages 73-86
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Nicole Khouri
Libéralisme et démocratie
In: Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°157. pp. 73-86.
Citer ce document / Cite this document :
Khouri Nicole. Libéralisme et démocratie. In: Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°157. pp. 73-86.
doi : 10.3406/tiers.1999.5367
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_1999_num_40_157_5367LIBERALISME ET DEMOCRATIE
par Nicole KHOURI*
Quatre grandes questions théoriques méritent d'être examinées afin
de mieux articuler, du point de vue d'une sociologie des acteurs, les
« droits culturels » à la revendication démocratique et aux nouvelles
fonctions de l'État dans le cadre de la globalisation. Comment ont été
posées les relations entre le marché et le contrat social, entre le libéra
lisme économique et le libéralisme politique à l'aube de l'expérience de la
modernisation libérale européenne ? Dans quelle mesure les présupposés
de l'individualisme méthodologique et de l'utilitarisme ont-ils fondé les
termes du débat sur la justice sociale ? Comment, dans le déploiement de
la société industrielle, les champs d'exercice de la rationalité, en tant que
fondement de la moralité des sujets et en tant que loi du marché, se sont-
ils progressivement séparés ? En dehors de l'Europe occidentale et de
l'Amérique du Nord, comment peut-on penser les liens entre les divers
modes de développement et l'expérience de démocratie ?
Il s'agit ici de réfléchir sur les fondements théoriques des politiques
libérales à partir des relations qui se sont établies entre le libéralisme et
la démocratie, et cela dès le départ de notre expérience de la modernité.
Qu'est-ce qui, dans nos expériences actuelles, nous ramène à ce
point de départ ? Serait-ce une analogie de questions, d'expériences ?
de leur traitement ? de l'expression que prennent nos luttes, expression
qui est fortement morale, humanitaire, comme l'avait été celle des phi
lanthropes, essayistes, romanciers des XVIIIe et XIXe siècles européens,
qui parlaient au nom du peuple ? Sont-ce nos parcours nomades et
nos espaces déterritorialisés préfigurés par les hordes de vagabonds et
de paysans jetés sur les routes de l'Angleterre au xvnr siècle et par les
transferts massifs de populations d'un continent à un autre ?
* Enseignante-chercheur, Centre de Recherche de I'iedes, Université de Paris I, Panthéon-
Sorbonne.
Revue Tiers Monde, t. XL, n° 157, janvier-mars 1999 Nicole Khouri 74
Avant même le XIXe siècle, et c'est là que réside notre intérêt pour
cette remontée, la question sociale s'était posée. La figure du vagabond
- qui recouvrait d'ailleurs un ensemble de populations tout aussi hété
rogène que notre terme « d'exclus » ou de « chômeurs »' - renvoyait à
la fuite vis-à-vis du travail épingle sur un territoire et à la revendica
tion d'un libre accès au travail2. Pour les vagabonds, comme pour
d'autres catégories (orphelins, veuves, vieillards, enfants abandonnés,
handicapés), s'étaient déployées des politiques assistantielles émanant
de l'État, des philanthropes et des utopistes.
Comme pour les vagabonds au xvine siècle, la réflexion actuelle
sur les marges de la société (du moins pour ce qui est des sociétés du
Nord) a la capacité de remettre en cause le sens de l'appartenance à un
même ensemble. Ceux qui se définissaient dans les années 60 par leur
travail se définissent et sont définis (ou même stigmatisés) davantage
par leur composante culturelle (communautaire, ethnique, religieuse).
Si la définition de l'efficacité économique passait, à la fin du
xvnr siècle, par le nécessaire libre accès au travail et par la mise au
travail de quelques millions de personnes, la redéfinition de cette eff
icacité va-t-elle s'énoncer aujourd'hui comme la mise hors jeu de 10, 20
ou 30 % de la population ?
Il est évident que la question sociale ne relève pas entièrement du
champ de l'entreprise et de l'économie et il est clair que l'entreprise
exprime la logique du marché. La cohésion sociale ne peut pas se
construire en termes de rentabilité et de compétitivité, mais la dyna
mique du marché et le champ de l'entreprise ont des effets très import
ants sur la cohésion sociale. Il suffit d'évoquer les nouvelles modalités
de la structure de l'emploi dont la précarisation3, comme mode de plus
en plus généralisé, est commandée par les nouvelles exigences techni
ques et économiques de la société postindustrielle.
R. Castel a tout à fait raison de situer la nouvelle question sociale
comme celle qui s'impose à nous de la même manière que le vagabond
age, puis le paupérisme, s'étaient constitués successivement comme
les questions sociales du xvine siècle et de la première moitié du
xixe siècle en Europe.
1. Pour R. Castel, ce qui lie des catégories aussi différentes que les chômeurs de longue durée, les
cadres au chômage, les jeunes aux itinéraires cassés, les pauvres, les marginalisés, c'est « l'unité d'une posi
tion par rapport aux structurations sociales et économiques » (Les métamorphoses de la question sociale,
Fayard, 1995).
2. Foucault.
3. Avec la précarisation de l'emploi, ne revient-on pas à des formes primaires de l'embauche lorsque
salarier quelqu'un c'était louer sa force de travail pour une tâche ponctuelle, alors que la consolidation de
la condition ouvrière et salariale avait permis d'intégrer la disponibilité du travailleur et sa compétence
sur une plus ou moins longue durée ? Libéralisme et démocratie 75
Le marché et le contrat social
Mais quels sont les présupposés théoriques de la modernité libérale,
plus exactement les de ses deux pôles, celui du marché et
celui du contrat social ? Quelles ont été les relations entre libéralisme
économique et libéralisme politique, ce dernier dessinant la première
figure de la démocratie moderne ?
Sans m'étendre, il me faut rappeler deux éléments fondamentaux :
— La découverte du libre accès au travail (qui suppose la suppression
du travail forcé et du travail réglé) a jeté un regard neuf sur la
masse des misérables, toutes catégories confondues (mendiants,
vagabonds, enfants abandonnés, indigents, femmes de mœurs dout
euses, etc.). « L'intérêt bien compris de la collectivité nationale, en
premier lieu des possédants, exige impérieusement que s'instaure
une politique nouvelle à l'égard des masses défavorisées. L'assis
tance1, et aussi son envers, la répression, sont dépassées en tant que
postures privilégiées à promouvoir à l'égard des malheureux »
(Castel, op. cit.). « Un homme n'est pas pauvre parce qu'il n'a rien,
disait Montesquieu dans L'esprit des lois, mais parce qu'il ne
travaille pas. »
— L'abolition des privilèges constituait le second cheval de bataille
des théoriciens libéraux en France comme en Angleterre au
XVIIIe siècle. Il s'agit de fonder « une société dans laquelle chaque
homme serait libre d'accéder aux opportunités économiques dont il
pourrait disposer et jouir des richesses que ses efforts peuvent
créer »2. Dans cette libération socio-économique, la libéralisation
du travail est un dispositif clé.
Ce n'est pas un hasard si Rousseau et Smith en ont constitué les
deux pôles théoriques : avec le Contrat social, les individus s'auto-
instituent en collectif, avec le Marché et grâce à ses lois régulatrices
des individus se rassemblent et apprennent même à freiner leur appétit
inconsidéré du profit. Un principe d'organisation sociale immanent à
tous les hommes qui leur permet d'être des sujets personnels et collect
ifs est couplé à un principe transcendant de cohésion entre les nou
veaux agents économiques. Le Marché de Smith a besoin du Contrat
social de Rousseau qui libère les individus, ce qui leur permettrait un
1. Les partisans des Lumières rejettent les fondations, les hôpitaux et autres institutions charitables
où sta

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