Louis de Bonald et la France révolutionnaire - article ; n°12 ; vol.6, pg 77-84
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Description

Romantisme - Année 1976 - Volume 6 - Numéro 12 - Pages 77-84
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

M. Gérard Gengembre
Louis de Bonald et la France révolutionnaire
In: Romantisme, 1976, n°12. pp. 77-84.
Citer ce document / Cite this document :
Gengembre Gérard. Louis de Bonald et la France révolutionnaire. In: Romantisme, 1976, n°12. pp. 77-84.
doi : 10.3406/roman.1976.5043
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1976_num_6_12_5043Gérard GENGEMBRE
Louis de Bonald et la France révolutionnée
Le nom de Bonald reste associé à la contre-révolution et à la Restauration.
Autant que doctrinaire, il fut combattant. Cependant, il convient de déterminer la
motivation profonde de cette attitude ; une phrase peut la résumer : Bonald expri
me une religion incarnée et politique.
Après 1830, il se réfugie dans le silence et ne publie pratiquement plus rien. Il
continue néanmoins d'écrire, et les archives de son château du Monna dans l'Avey-
ron comprennent entre autres un texte manuscrit intitulé « De la Révolution de
Juillet » dans lequel on peut lire :
« La Restauration ne fut ци'мие halte1 pour reprendre haleine. Ceux qui avaient mis la couron
ne sur la tête du Roi, mirent la révolution sur la couronne. Le chef d'œuvre des meneurs de
cette époque fut de faire consacrer la révolution par la légitimité, c'est-à-dire l'illégitimité des
lois par la légitimité de la race régnante.
[...] la restauration de la monarchie ne fut réellement que la restauration de la révolution,
toutes ses erreurs et même toutes ses injustices furent adoptées par la Charte arrachée à la
faiblesse du Roi, peut-être à sa vanité de bel esprit, par des ambitions de cour, des intrigues de
parti, des jalousies étrangères. »
et une phrase lapidaire semble conclure : « La Restauration n'a été qu'une comédie
de quinze ans. » Amer constat que Bonald commente ainsi : « Si les Rois s'en vont,
c'est que Dieu se retire de la société. »
Ces lignes peuvent surprendre chez cet infatigable lutteur ultra, porte-parole
parlementaire du parti, théoricien incontesté, même si on ne le comprit pas
toujours, tenant farouche de la contre-révolution militante et permanente. Mais un
tel bilan résulte de Pavortement du projet fondamental qui devait, selon lui, orienter
l'action de la Restauration : rétablir la « constitution » de la société, c'est-à-dire
retourner à la volonté du Créateur. En effet, sans aller jusqu'à la théocratie (il
existe une spécificité du pouvoir politique indépendant de l'Eglise, sans cesse
réaffirmée), Bonald ne veut concevoir d'autre société que fondée sur et par la rel
igion, et la religion est politique dans son essence, puisque faite des rapports socié
taires entre Dieu et l'homme et ordonnatrice des rapports entre les hommes. Nous
nous trouvons là aux antipodes de l'éclectisme, expression philosophique du libéra
lisme. De plus Bonald nie le bien fondé de la révolte, car l'Ordre divin demeure
imprescriptible, et il conteste tout empirisme au nom du finalisme providentiel. 78 Gérard Gengembre
Ainsi, dans la France révolutionnée2, Bonald doit interpréter la Révolution en
regard de son système, comme pour en éprouver la justesse et la solidité, définir la
période post-révolutionnaire dans une évolution logique, montrer la voie à suivre
pour tirer toutes les leçons de la Révolution, en dépister les séquelles et en rendre le
retour impossible, ou au moins improbable. Il s'agit donc de réaffirmer la nature
essentiellement religieuse de la société. En ce sens, parler de catholicisme social
revient, pour Bonald, à exprimer une évidence tautologique.
Avant tout, rappelons brièvement le processus de formation de la société selon
Bonald. L'acte même de création de l'homme engendre la société religieuse naturell
e, autrement dit la société entre Dieu et l'homme, constituée par les rapports
« nécessaires » : Dieu-Providence conserve l'homme et celui-ci pour sa part rend à
son créateur les devoirs d'adoration intérieure et de culte extérieur. L'homme
semblable à Dieu, devient à son tour procréateur et conservateur de la vie de ses
enfants ; il fonde la société domestique. La société entre Dieu et l'homme, la société
entre le père et ses enfants sont nécessairement unies, pour former la société primit
ive, à la fois religieuse et
Isolée, la société familiale ne peut rester longtemps fidèle dans ses rapports
nécessaires avec Dieu. Elle doit, pour se maintenir et se développer, s'intégrer en
société plus large : la « société civile ». Celle-ci est formée par l'union entre la socié
té religieuse publique et la société politique. La nature de cette union ne peut être
purement morale ou diplomatique ; elle est substantielle, comme celle de l'âme et
du corps. Unies par leur origine, unies par leur constitution, les deux sociétés crois
sent ensemble et visent une fin commune : l'unité de tous les hommes dans l'amour
de Dieu.
La notion génétique et organisatrice est celle de constitution. Bonald oppose
constamment société constituée et société non constituée, c'est-à-dire société
conforme au dessein providentiel et non conforme et par là même condamn
ée à la décadence puis à la destruction. La constitution ne relève donc pas des
institutions, proprement humaines puisque juridiques et contractuelles, ni de la
législation, qui résulte de la nature de la société. Elles sont l'actualisation quasi
technique des vues divines. La constitution se rapproche plutôt d'un concept biolo
gique (comme on parle d'une saine), car la société conserve et (repro
duit ses membres. Elle procure la véritable liberté (tendre vers le but assigné par le
créateur), l'amour de Dieu, de soi et des autres. Bonald conçoit organiquement la
société, puisque la constitution apparaît comme l'âme de l'organisme social, l'ordre
intérieur qui d'un agrégat d'hommes particuliers fait une substance sociale vivante.
Il existe une volonté générale qui préside à son être et qui se manifeste par des lois
fondamentales, conformes à la nature des êtres et à la volonté divine (dont elle n'est
qu'une hypostase), et qui s'incarne dans le pouvoir général de la société, doté de la
force pour rendre efficient l'amour conservateur. Ce pouvoir doit être unique,
comme il n'y a qu'un seul Dieu. La constitution est nécessairement monarchique.
La société chrétienne est la plus constituée, car l'homme y offre sa volonté inté
rieure et sa propriété, et Dieu, en retour, fait le sacrifice de Jésus-Christ, l'homme-
Dieu. La religion chrétienne a supprimé les sacrifices humains, la prostitution, l'e
sclavage, les jeux du cirque, la divinisation de l'homme par lui-même ; de plus elle
possède un pouvoir inégalé d'assimilation et permet de réaliser le sursum corda
universel. Donc, le dépositaire de la volonté générale, le monarque, doit être consa
cré à Dieu : « La religion chrétienne essentiellement sociale, non seulement inter
vient dans tous les actes de l'homme social, mais elle consacre la société même et la France révolutionnée 79 Bonald
en marquant d'un sceau particulier, celui que la nature appelait à exercer la volonté
générale de la société. »3 Et il va de soi que seul le catholicisme est la religion chré
tienne essentiellement sociale :
« Aussi le calvinisme ne convient-il pas à l'homme social, puisque pour professer le calvinis
me, l'homme n'a tout au plus besoin que de la Bible ; au lieu que le catholicisme est essen
tiellement la religion de la société, puisqu'on ne peut professer le qu'en société, et
qu'il faut, pour le sacrifice qui en forme l'essence, des ministres et des assistants. J'en conclus
que, dans la religion calviniste, tout est individuel ou intérieur, Dieu et l'homme : il n'y a de
Dieu que pour l'homme intérieur ; l'homme intérieur est l'interprète de la loi et le ministre de la
religion, au lieu que dans la religion catholique, tout est général ou social, Dieu et l'homme ;
Dieu présent dans le sacrifice, l'homme ministre publ

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