Marx et l Inde : le mode de production asiatique - article ; n°2 ; vol.24, pg 337-369
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1969 - Volume 24 - Numéro 2 - Pages 337-369
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 80
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Daniel Thorner
Marx et l'Inde : le mode de production asiatique
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N. 2, 1969. pp. 337-369.
Citer ce document / Cite this document :
Thorner Daniel. Marx et l'Inde : le mode de production asiatique. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 24e année, N.
2, 1969. pp. 337-369.
doi : 10.3406/ahess.1969.422058
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1969_num_24_2_422058MISES AU POINT
Marx et l'Inde :
le mode de production asiatique *
L'Inde a occupé une place importante dans la pensée de Marx
durant la période la plus féconde de son activité, de 1853 à 1867. C'est ces années, en effet, qu'il écrivit les énormes projets du Capital,
qu'il organisa la Première Internationale, et qu'il fit publier, en fait,
le premier volume du Capital, le seul qui devait l'être de son vivant.
Marx résidait alors à Londres et se trouvait ainsi au centre de
l'Empire britannique, d'où il pouvait aisément suivre ce qui se passait
en Inde. La Grande-Bretagne était à l'époque, et de loin, la plus grande
puissance économique du monde, celle où le capitalisme industriel était
le plus avancé. L'Empire britannique des Indes était, de toutes les
possessions coloniales du monde, la plus vaste et la plus riche.
Durant les années 1850, Marx exerçant les fonctions de correspon
dant à Londres pour le journal américain d'Horace Greeley, The New
York Daily Tribune, il lui incombait, s'il se passait quelque chose
d'important en Inde ou à propos de l'Inde, d'en rendre compte dans
ses dépêches. De là l'importante série d'articles qu'il consacra à l'Inde
lorsque le gouvernement renouvela la Charte de l'East India Comp
any, en 1853. De même, lors de la grande rébellion indienne de 1857-
1858, Marx et Engels expédièrent au même journal un certain nombre
d'articles fort intéressants sur le sujet. Notons, au passage, qu'ils ont
également écrit durant cette période d'importants articles sur la Perse,
la Chine et d'autres pays d'Asie.
Ceci dit, l'Europe n'en demeurait pas moins l'objet principal des
préoccupations de Marx et tous ses travaux ont avant tout pour objectif
d'analyser et de comprendre la société bourgeoise du xixe siècle, qu'il
pouvait voir autour de lui en Allemagne, en France, en Belgique et
en Angleterre, société au renversement de laquelle il consacra sa vie.
S'il étudia d'autres types de sociétés, ce fut principalement afin de
découvrir par quel processus le capitalisme de son époque avait pris
naissance. L'Inde, et l'Orient en général, ne l'intéressaient que dans
* Nous remercions la rédaction des Contributions to Indian Sociology de nous
avoir autorisé à publier la version française de ce texte, paru en décembre 1966.
337 D. THORNER
la mesure où ils contribuaient à jeter la lumière sur le développement
européen, ou bien à offrir un contraste instructif.
Nous étudierons plus précisément dans le présent article la façon
dont Marx a utilisé les données indiennes pour étayer ses théories
relatives à l'histoire sociale de l'Europe. Comme nous le verrons, lors
qu'il s'efforce de rechercher les origines des relations entre capitalistes
et prolétaires, Marx pose pour principe l'existence d'un stade très
ancien du développement social humain, d'une société primitive où tous
les individus étaient à la fois propriétaires et travailleurs. D'un point
de vue logique, Marx considérait cette forme sociale comme la base à
partir de laquelle on pouvait logiquement faire dériver tous les autres
types de société. Une société de cette nature avait, pensait-il, effect
ivement existé en Inde depuis les temps les plus reculés, jusqu'à la
conquête britannique. C'est pourquoi il donna à ce stade primitif du
développement social le nom de stade asiatique ou oriental. Néan
moins, nous sommes fondés à penser que, dans les dernières années de
sa vie, Marx ne croyait plus que l'Inde ou l'Asie pussent nous permettre
de résoudre l'énigme des commencements de l'histoire humaine.
Nous allons essayer de suivre le développement de l'idée d'une
société asiatique par Marx et Engels à travers leurs tentatives succes
sives de systématiser l'histoire sociale de l'humanité, histoire qui, pour
eux, tendait inévitablement à l'apparition du capitalisme européen.
Comme chacun sait, la notion d'une succession de modes de production,
caractérisés par des contradictions internes, qui les mènent inévitabl
ement à leur dissolution et à leur remplacement par des formes sociales
plus évoluées, a été le grand apport de Marx en ce domaine. Marx a
évoqué dans ses différents ouvrages des modes de production de toutes
espèces (par exemple le mode roumain, le mode vieux-slave, le mode
tribal, le mode de la petite paysannerie, le communal, etc.). Il a
toutefois donné plus d'importance à trois de ces modes : l'esclava
gisme, le féodalisme et le capitalisme. Le mode de production asiatique,
quant à lui, est une question que ni Marx ni Engels n'ont traitée ind
épendamment et pour elle-même, et nous ne trouverions pas un livre,
pas un chapitre, ni même un article exclusivement consacré à ce sujet.
En collectionnant dans les œuvres de Marx toutes les références directes
et indirectes à ce mode asiatique de production, à la commune orien
tale, au village indien, à la forme sociale asiatique ou orientale, etc.,
nous n'obtiendrons pas pour autant un tableau clair et cohérent. Ce
qui d'ailleurs, n'a pas lieu de surprendre. Marx, en effet, laissait mûrir
ses idées pendant des dizaines d'années, lisant beaucoup, prenant des
notes abondantes, fixant sur le papier des ébauches à peine formulées
et clarifiant sa pensée dans sa correspondance avec Engels, et avec
d'autres. Il n'hésitait pas à abandonner, le cas échéant, une opinion
338 MARX ET L'INDE
antérieure, étant perpétuellement en quête de formulations nouvelles
qui le satisfassent davantage.
Si, prenant les différents paragraphes écrits par Marx et par Engels
sur l'Inde et l'Asie, nous n'en retenons que les éléments qui s'ajustent
nettement, nous pourrons, certes, aboutir à une théorie cohérente sur
la société asiatique, mais non sans appauvrir la pensée de Marx. On en
pourrait dire autant de toute tentative pour définir l'histoire du monde
comme la succession rigoureuse de trois ou quatre modes de production.
Comme nous le verrons, Marx et Engels ont dégagé dans leurs travaux
plusieurs séries historiques différentes ; néanmoins aucune de ces séries
n'a jamais été présentée par eux comme un jeu complet de boîtes dans
lesquelles seraient classées les différentes sociétés humaines qui ont
existé des origines jusqu'à nos jours. Nous recenserons dans le présent
article les éléments de notre sujet en procédant par ordre chronolo
gique, c'est-à-dire l'ordre dans lequel ils apparaissent dans les princi
pales œuvres de Marx.
Trois formes de propriété
Dans l'Idéologie Allemande, ébauchée en 1845-1846 (mais jamais
publiée de leur vivant) Marx et Engels affirmaient que le facteur
déterminant du comportement des hommes est le processus par lequel
ils se procurent les moyens de subsister, autrement dit leur « mode de
production » %. Les différentes phases du développement social de
l'humanité sont en rapport direct avec le degré de division du travail.
A chaque degré de division du travail correspond, écrivent-ils, une
forme différente de propriété.
Partant de cette idée, ils discutent alors brièvement trois formes
de la propriété, correspondant à différents moments de l'histoire
européenne : la propriété tribale, l'ancienne propriété communautaire
des cités de la Grèce antique et des débuts de l'histoire romaine, et
enfin la propriété féodale du Moyen Age. Dans l'Idéologie Allemande,
ces trois types de propriété sont décrits comme des formes de propriété
commune ou collective, et se dis

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