Métaphysique et science - article ; n°1 ; vol.41, pg 55-68
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 1994 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 55-68
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Heinrich Schmidinger
Métaphysique et science
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°41, 1994. pp. 55-68.
Citer ce document / Cite this document :
Schmidinger Heinrich. Métaphysique et science. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°41, 1994. pp. 55-68.
doi : 10.3406/chris.1994.1654
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1994_num_41_1_1654OUVERTURES
METAPHYSIQUE
ET SCIENCE
Heinrich Schmidinger
On ne dit certainement rien de nouveau en affirmant que depuis
longtemps les relations entre métaphysique et science sont gravement
compromises. Chacun sait que non seulement les sciences particul
ières, occupées à s'émanciper et jalouses de leur autonomie, mais éga
lement des courants philosophiques de toutes sortes, ne cessent de ré
péter que la métaphysique n'est absolument pas une science. Si la
métaphysique fut d'antan, avec la théologie, la reine des sciences,
puisqu'en principe elle dépassait toute science par l'universalité de son
questionnement, par l'ampleur de ses compétences ainsi que par l'émi-
nence de son ultime « objet », et donc était en droit de se présenter
comme le fondement et la fin de toute science, on entend dire aujour
d'hui à son sujet : la métaphysique n'est qu'un ensemble d'idées génér
ales, de « Weltanschauungen », les métaphysiques ne sont rien d'autre
que des idéologies, la est de la religion sécularisée, une
stratégie de sécurisation motivée par une expérience désastreuse du
monde, la métaphysique est l'expression du désir du Tout-Autre, un
instrument de la volonté de puissance, le « refuge de toutes les ques
tions restées sans réponse », etc. Quoi qu'il en soit, la métaphysique
appartient au domaine préscientifique. Elle n'est pas irrationnelle,
mais elle n'est plus une science.
Si donc quelqu'un veut aujourd'hui enseigner la métaphysique et la
représenter dans l'université, qui est par excellence l'institution du sa
voir, il doit se demander si dorénavant il « pratique » une idéologie,
une théorie générale, une stratégie de sécurisation, une pseudo-reli
gion, une thérapie de l'esprit ou quelque chose de ce genre, ou alors, si
Heinrich Schmidinger est professeur de philosophie à la Faculté de théologie de
l'Université de Salzbourg (Autriche). Ce texte a été traduit de l'allemand par Philibert
Secretan.
55 toute apparence il est encore possible de justifier le maintien de contre
la métaphysique dans le cadre de la science.
On peut évidemment échapper à ce défi et se réfugier - comme on
le fait le plus souvent - dans l'histoire de la métaphysique. Platon,
Aristote, Thomas d'Aquin, Kant et les autres grands métaphysiciens
présentent suffisamment de matière à penser pour satisfaire les appét
its de toute une vie de métaphysicien. Mais prendre ce parti, c'est
faire comme si rien ne s'était passé. Le résultat est que l'on enrichit
peut-être quelques controverses philosophiques d'un certain nombre
de considérations intéressantes, bien que ces choses intéressantes n'in
téressent personne. Et surtout, on sous-estime ce qu'étaient les pro
blèmes consciemment assumés par un Platon, un Aristote, un Thomas
ou un Kant. On les déleste de rien de moins que de leur effort de
maintenir la métaphysique au milieu des défis de leur temps. Or, le
défi devant lequel se trouve aujourd'hui la métaphysique est le
suivant : est-elle en mesure de subsister dans le cadre des sciences, et
de ce fait dans le cadre de ce qui est largement reconnu comme le do
maine par excellence du rationnel ?
On peut en sourire et répliquer: Est-ce bien un défi? Ne s'agit-il pas
d'une dispute entre universitaires qui ne ressemble en rien à un défi
véritablement significatif pour notre temps ? En apparence, c'est bien
le cas. Mais finalement - soulignons-le - il s'agit de savoir si nous ad
mettons que le questionnement métaphysique est sensé, donc si les
problèmes qui concernent notre réalité en totalité peuvent être posés,
discutés, éventuellement peuvent trouver une réponse dans le cadre de
nos critères de rationalité. Que nous aboutissions à tel ou tel résultat,
c'est en principe l'ensemble de notre état de civilisation, c'est-à-dire la
conscience qu'elle a d'elle-même, qui s'en trouvera affecté. Ou serait-
ce chose négligeable que nous devions admettre qu'il n'y a pas de r
éponse rationnelle à nos problèmes les plus vastes, les plus importants
et finalement les plus décisifs ? La question du rapport entre métaphys
ique et science apparaît ainsi comme une question d'une extrême per
tinence existentielle. Elle est tout autre chose que l'expression d'une
querelle de compétences purement académique.
Sans prétendre à l'originalité, avançons quelques raisons qui mili
tent en faveur du maintien d'un enseignement de métaphysique dans le
cadre du savoir universitaire. Nous retiendrons deux étapes de ré
flexion. La première va consister à établir ce que nous entendons par
métaphysique. Ce faisant, on soulignera les difficultés qui excluent
que l'on identifie simplement métaphysique et science. La seconde
montrera les prétendues conclusions induites de ces difficultés. En
56 cherchant à répondre à ces difficultés ou pour le moins à les relativi
ser, on donnera les raisons de maintenir à la métaphysique sa place
dans l'université.
Avant d'en arriver là, un préalable demande à être discuté. Sans ce
préalable, toutes les considérations ultérieures seraient privées de leur
conditio sine qua non et resteraient suspendues en l'air, donc manquer
aient de sens. Ce préalable intéresse le lien entre métaphysique et
science, ou la ratio comparandi, le bien-fondé d'une comparaison et
d'une distinction entre métaphysique et science. En d'autres termes, il
s'agit de la condition de principe qui permet à la métaphysique de pré
tendre occuper une place dans l'université.
D'abord, la métaphysique partage avec les autres sciences le souci
d'élaborer des théories relatives à la réalité. Certes, les théories méta
physiques se distinguent des théories des sciences particulières par
ceci, qu'elles ne concernent pas tel secteur ou telle dimension de la
réalité, mais la réalité en totalité. Toutefois, une théorie reste une théor
ie. Et à son tour, la théorisation est une sorte particulière d'acte langag
ier, essentiellement distinct d'autres actes langagiers, tels que la pro
clamation d'un message religieux ou l'écriture littéraire. Ceci mis à
part, l'élaboration d'une théorie implique une stratégie particulière
dans l'amenée et l'introduction des arguments. Là encore, on note un
écart sensible, voire décisif, entre les stratégies de la science et celles
de la création artistique, de la religion et de l'idéologie ; et même si
cette dernière est également argumentative, elle procède d'une man
ière très différente dans l'engagement de ses arguments.
Si le but de la métaphysique se ramène à l'élaboration d'une théorie
de la réalité en totalité, ce n'est pas, déjà de ce point de vue, ce qu'elle
est ou ce qu'elle fait qui rend si difficile ses rapports avec la science.
Car la métaphysique ni n'implore un esprit universel, ni n'est le ren
dez-vous epochal du destin de l'être, ni n'incite à des hauts faits qui
devraient changer la face de l'humanité, ni n'entraîne au saut dans le
désespoir existentiel, ni est un service divin - comme l'écrit Hegel. La
métaphysique fait simplement œuvre de théorie. Dans la mesure où
elle veut être et faire cela, elle partage les intentions profondes de la
science.
Ceci implique par ailleurs que la métaphysique partage le même
éthos, a priori exigé par la pratique sérieuse de la science. La science
n'est pas seulement une forme spécifique de l'argumentation, qui
fonde un ensemble non contradictoire de fonctions propositionnelles
vérifiables intersubjectivement. La science e

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