Mobilité du travail et croissance d une économie agricole : la Côte d Ivoire - article ; n°105 ; vol.27, pg 195-211
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Mobilité du travail et croissance d'une économie agricole : la Côte d'Ivoire - article ; n°105 ; vol.27, pg 195-211

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1986 - Volume 27 - Numéro 105 - Pages 195-211
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Philippe Fargues
Mobilité du travail et croissance d'une économie agricole : la
Côte d'Ivoire
In: Tiers-Monde. 1986, tome 27 n°105. pp. 195-211.
Citer ce document / Cite this document :
Fargues Philippe. Mobilité du travail et croissance d'une économie agricole : la Côte d'Ivoire. In: Tiers-Monde. 1986, tome 27
n°105. pp. 195-211.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1986_num_27_105_4450MOBILITÉ DU TRAVAIL
ET CROISSANCE D'UNE ÉCONOMIE AGRICOLE :
LA CÔTE-D'IVOIRE
par Philippe Fargues*
Avec un revenu annuel moyen par tête de l'ordre de i 500 $, tiré essentiell
ement d'exportations agricoles, la Côte-d'Ivoire fait figure de « miracle »
économique. On la compare volontiers à ses deux voisins que l'on donnait
gagnants aux indépendances, la Guinée de Sekou Touré et le Ghana de
N'Krumah, et l'on attribue immédiatement le miracle au génie politique du
président Félix Houphouèt-Boigny.
La double option de privilégier les cultures d'exportation et d'accueillir
massivement les capitaux étrangers a certes contribué à faire la fortune de la
Côte-d'Ivoire. Elle serait cependant restée lettre morte s'il n'y avait eu, pour
libérer la main-d'œuvre sur laquelle le projet ivoirien allait prendre appui,
aux frontières du pays, la pauvreté du Sahel et bientôt la répression en Guinée
et la mise en quarantaine du Ghana, et en Côte-d'Ivoire même, une forte
disponibilité des paysans des régions de savane à quitter leur zone d'agri
culture vivrière autoconsommée, pour peupler les nouveaux périmètres
forestiers d'extension de l'agriculture de rente1.
Ces vastes mouvements de population, de l'étranger ou des savanes vers
la forêt et les villes, se sont déroulés en dehors de toute planification véritable,
si bien qu'on n'a pas cherché à en évaluer les effets secondaires. C'est ce que
nous tenterons ici.
1. Uaxe savane-forêt et le rayonnement d'Abidjan.
Dans le domaine des migrations intérieures, on assiste à une intense
mobilité : une personne sur deux réside hors de son lieu de naissance. Malgré
* Chercheur à Fined, pays en développement.
1. Le dernier en date des ouvrages consacrés à l'économie ivoirienne passe tout simple
ment sous silence l'immigration étrangère, sauf pour évoquer les conflits dont elle serait
porteuse au cas où serait dépassé le fatidique* seuil de tolérance » (Y. A. Faure et J.-F. Médard,
Etat et bourgeoisie en Côte-d'Ivoire, Paris, Karthala, 1982, p. 81-83).
Revue Tiers Monde, t. XXVII, n° 105, Janvier-Mars 1986 196 PHILIPPE FARGUES
la montée de l'exode rural, ces mouvements se répartissent encore à peu près
à égalité entre ceux qui restent internes au monde rural — ils suivent un
axe traditionnel du nord au sud et un nouvel axe, au sud, d'est en ouest —
et ceux qui vont des campagnes vers les villes et des villes de l'intérieur vers
Abidjan. La croissance de cette agglomération de deux millions d'habi
tants, la seconde d'Afrique de l'Ouest après Lagos, a été particulièrement
soutenue depuis le début du siècle, où elle ne comptait qu'un millier de
personnes.
Les courants ruraux sont liés dès l'origine au développement de l'exploi
tation forestière et des cultures de rente. Partant des savanes du Centre et du
Nord, largement dominées par une économie domestique de vivriers aut
oconsommés, ils se sont d'abord fixés dans le Sud-Est et le Sud (la Boucle du
Cacao d'Abengourou à Abidjan) puis la région de Daloa. Au cours des
années 70, sont apparues une relative pression foncière des régions d'ancienne
colonisation au sud-est (pays Agni) et l'avancée corollaire du front pionnier
vers le sud-ouest (pays Krou). Originaire des Akan du Ghana, installée dans
la région de Bouaké depuis le début du xvine siècle, l'ethnie Baoulé prédomine
amplement dans ces mouvements : en 1975 les trois cinquièmes des migrants
ruraux dans le pays étaient natifs du département de Bouaké. L'expansion
Baoulé a fait parler d'une véritable « stratégie » de colonisation agricole de
cette ethnie — celle du président Félix Houphouët-Boigny. Le processus
en est bien établi : au départ une terre lointaine est défrichée par un jeune
homme Baoulé; durant les premières années, il fait appel à une main-d'œuvre
temporaire dans son village d'origine (les « six mois » Baoulé) : un « campe
ment » est créé. Ce n'est que plus tard qu'il y fonde foyer et que le campement
devient village. Entre zone pionnière et pays Baoulé, les flux économiques
sont denses. La première année, du second vers la première, lorsque le migrant
emporte sa consommation vivrière de l'année (en ignames); les années sui
vantes en sens inverse, les retours de fonds prennent la double forme de salaires
versés aux « six mois » et d'investissements dans la plantation que Г « émigré »
conserve au village d'origine. En marge des grands courants savane-forêt,
ceux des ethnies Baoulé, Malinké et Sénoufos, il faut mentionner la migration
Lobi au nord-est du pays : lente descente au sud de ces agriculteurs originaires
du Ghana et du Burkina qui, tous les cinq à dix ans, déplacent de quelques
kilomètres leur village. Ce mouvement n'occasionne aucun transfert de
l'économie domestique vers l'économie de plantation, car les Lobi pratiquent
une culture d'ignames presque exclusivement autoconsommés.
S'il existe un exode rural de courte distance, qui entraîne une croissance
de 6 à 7 % par an dans les « métropoles » régionales (Bouaké au Centre,
Korhogo au nord, Man et Daloa à l'ouest), les migrations vers les villes sont
principalement drainées par Abidjan (taux de croissance de 1 1 % par an). Cet
exode reste à légère prédominance masculine (1,2 homme pour 1 femme)
sauf chez les Baoulé dont les femmes émigrent en ville (vers le petit commerce)
plutôt que de suivre les hommes dans leurs migrations vers les plantations du
Sud-Ouest, ce qui a fait dire à un agronome qu' « entre la cacaoyère et la
rizière, la femme choisit la ville ».
Arrêtons-nous un peu sur un enseignement de portée plus générale. Les
économètres décrivent la migration comme le résultat d'un différentiel (de
revenu, d'opportunités d'emploi) entre zones de départ et d'arrivée. Une
personne migre lorsque les gains qu'elle escompte de son déplacement en LA CÔTE-D'IVOIRE 197
excèdent les coûts. Transposée du micro- au macro-économique2, cette affi
rmation signifie que, toutes choses égales par ailleurs, les flux entre deux régions
doivent être d'autant plus intenses que la région de départ est plus pauvre,
et celle d'arrivée plus riche. Ce n'est pas cela que l'on observe en Côte-d'Ivoire.
Principal réservoir de migrants ruraux, la région de Bouaké n'est pas la plus
pauvre comme ne l'est pas non plus celle d'Odienné, second foyer d'émigrat
ion. Beaucoup plus pauvre, le quart nord-est (pays Koulango-Lobi) est en
marge des grandes migrations rurales, comme il est en marge de l'économie de
marché; aucune culture de rente n'y est pratiquée et les voies de communic
ations y sont très sommaires, contrairement aux deux autres régions, intégrées
au reste du pays à la fois par la pratique d'une agriculture de rente (coton,
vivriers destinés au marché, élevage) et par un bon réseau routier. Plutôt
que d'un mécanisme d'attraction/répulsion les migrations rurales nous sem
blent ainsi résulter de l'intégration des régions de départ et d'arrivée, à la
même économie de marché : elles sont signe de proximité et non pas de dis
tance. Le différentiel ne fonctionne qu'à l'intérieur d'un réseau. Il en va de
même des migrations vers Abidjan. Une analyse de l'effet d'un certain nombre
de caractéristiques des régions de départ sur la probabilité de migrer vers
Abidjan nous a montré que celle-ci était d'autant plus forte que la région de
départ était mieux scolarisée, que le revenu agricole moyen y était

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents