Monnaie, lingots ou marchandises ? Les instruments d échange aux XIe et XIIe siècles - article ; n°17 ; vol.4, pg 452-468
18 pages
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Description

Annales d'histoire économique et sociale - Année 1932 - Volume 4 - Numéro 17 - Pages 452-468
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1932
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hans Van Werveke
Monnaie, lingots ou marchandises ? Les instruments d'échange
aux XIe et XIIe siècles
In: Annales d'histoire économique et sociale. 4e année, N. 17, 1932. pp. 452-468.
Citer ce document / Cite this document :
Van Werveke Hans. Monnaie, lingots ou marchandises ? Les instruments d'échange aux XIe et XIIe siècles. In: Annales
d'histoire économique et sociale. 4e année, N. 17, 1932. pp. 452-468.
doi : 10.3406/ahess.1932.1331
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0003-441X_1932_num_4_17_1331LINGOTS, OU MARCHANDISES ? MONNAIE,
LES INSTRUMENTS D'ÉCHANGE AUX Xle ET X№ SIÈCLES
De l'an 1000 à l'an 1200 ou environ, l'économie de l'Europe occi
dentale subit des transformations profondes. Quelque opinion que l'on
professe sur le rôle du commerce et l'importance de l'argent pendant
la période immédiatement précédente, on ne saurait contester qu'au
cours de ces deux siècles la richesse mobilière ne se soit accrue cons
idérablement. Quelles formes, durant cette époque décisive, revêtaient
couramment les échanges ? Telle est la question à laquelle nous allons
essayer de répondre.
Il fallait, de toute nécessité, limiter la recherche, dans l'espace.
J'ai choisi comme cadre la Flandre et la Lotharingie. Pour des raisons
personnelles, sans doute, ces deux régions m'étant plus que tout
autres familières, — mais aussi en vertu de considérations d'ordre
plus général. Dans ces contrées, l'évolution fut à la fois plus rapide
que dans la plupart des pays avoisinants, et plus spontanée, parce
qu'elle échappait à l'influence immédiate d'un trésor ou d'un mon
nayage royal.
De cette évolution, il serait vain de demander le secret aux hommes
mêmes qui en furent les agents : marchands, manieurs d'argent pro
fessionnels. Aucun document ne nous a été conservé qui soit direct
ement issu de leur activité. Les sources dont nous disposons ne par
lent d'eux que fortuitement et comme à contre-cœur. Mais l'histoire
de la propriété ecclésiastique, accessoirement celle de la propriété
seigneuriale laïque ont enregistré les répercussions des changements
en cours. Ce sont elles qu'il convient d'interroger.
* *
Depuis l'époque romaine l'Église est riche. A partir du vnie siècle,
seules la royauté et la classe des grands propriétaires fonciers laïques
peuvent rivaliser avec elle. Dès l'abord, la fortune de toute institu
tion ecclésiastique comprend deux parties, que le xe siècle oppose
volontiers sous les noms de substantiel — bien que ce terme n'ait pas
toujours un sens très rigoureux1 — et de thesaurus: fortune immobil
ière, fortune mobilière.
1. Opposition très nette à Saint-Trond : « Et ne quis videns hodie paupertatem
aecclesiae nostrae et in substantia et in ihesauro, existimet eam semper tam tenuem
tamque nudam fuisse...» (G. de Borman, Chronique de l'abbaye de Saint-Trond, t. I,
Liège, 1877, p. 7). Mais semble parfois désigner la fortune tout entière
(B. Guérard, Cartulaire de l'abbaye de Saint-Bertin, Paris, 1840, p. 164), ou même une
somme d'argent (Historia Walciodorensis monaslerii, SS., t. XIV, p. 525). LINGOTS OU MARCHANDISES 453 MONNAIE,
Par trésor on entend, dès le ve siècle, l'ensemble des objets précieux
que possède une église. Jusqu'à la fin de l'époque mérovingienne,
cependant, le trésor se trouva contenir également une masse impor
tante de numéraire. Amoncelé par des évêques économes, cet argent
est employé par des successeurs plus généreux au rachat des captifs,
ou au soulagement des pauvres. Lorsqu'il est épuisé, on se résigne à
vendre les croix, calices, étoffes précieuses, etc. Dans la suite, la nature
et le rôle des trésors ont quelque peu évolué. Sans doute contiennent-
ils toujours des objets d'orfèvrerie destinés au culte, des vêtements
d'églises — chappes, pallium, chasubles, dalmatiques, — enfin des
manuscrits souvent enluminés1. Mais l'absence d'argent est quasi-
totale. Certes, le silence des descriptions ne prouve rien. Plus révéla
teur, par contre, le fait que toute dépense extraordinaire quelque peu
importante implique l'aliénation d'objets précieux : chose d'autant
plus curieuse que les trésors n'avaient pas cessé d'être alimentés, en
partie du moins, par de menus dons des fidèles2. Le trésor était consi
déré comme une réserve métallique destinée à parer à toutes les
éventualités.
Cette absence de monnaie, à première vue si étrange, Mr J. Ku-
lischer3 a tenté de l'expliquer. Selon lui, l'exécution sommaire, jointe
au bon marché de la main-d'œuvre servile, permettait, le cas échéant,
de convertir à peu de frais, les objets précieux en monnaie 4 ; malheu
reusement les textes ne confirment pas cette manière de voir. Comme
il apparaîtra plus loin, on se procurait parfois de la monnaie en ven
dant, ou en engageant les objets précieux ; d'autres fois, on arrachait
les plaques d'or et d'argent qui les recouvraient, et le payement se
pratiquait au moyen des lingots ainsi obtenus ; mais je ne vois nulle
part que ceux-ci fussent portés aux ateliers monétaires.
Les causes du phénomène, semble-t-il, sont bien plus profondes.
A une époque où l'argent ne circulait guère, c'était faire un détestable
emploi de sa fortune que de la conserver, même partiellement, sous
1. Parmi les trésors les plus riches dont nous possédons la description, citons ceux de
Samt-Bertin (Guérard.p. 141, 164, 275) ; Saint-Vaast d'Arras (Cartulaire de l'abbaye
de Saint-Vaast d'Arras, rédigé au xne siècle par Guimann, éd. Van Drival, Arras,
1875, p. 110-111) ; Saint-Bavon de Gand {Lettre de l'abbé Othelbold dans Neues Archiv,
t. VIII, 1883, p. 369-374) ; Saint- Vannes [Hugonis Chronicon, SS., t. VIII, p. 374-375) ;
Saint-Trond {Chronique de Saint-Trond, p. 77-79). — Cf., pour ce qui concerne les
époques mérovingienne et carolingienne, É. Lesne, Histoire de la propriété ecclésias
tique en France, t. I, p. 16, 129, 193-194, 203-204.
2. Historia monasterii Mosomensis {SS.t t. XIV, p. 617 — vers 1025) : « Fecit
etiam fabricari thecam argenteam de multis spontaneisque oblationibus et donariis
pauperum fidelium....»
3. Allgemeine Wirtschaftsgeschichte des Mittelalters und der Neuzeit {Handbuch der
mittelalterlichen und neueren Geschichte de von Below et Meinecke, Munich-Berlin,
1. 1,1928, p. 180).
4. Inversement, c'est en vue d'une éventuelle utilisation industrielle que la monnaie
aurait été frappée en métal pur de tout alliage. ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE 454
forme d'argent monnayé. Sans doute les terres seules étaient source
de revenus. Le trésor, lui, restait improductif. Mais, parmi les biens
qui constituaient ce dernier, les objets du culte, les vêtements sacrés,'
les livres précieux l'emportaient sur le numéraire par leur utilité
pratique ou l'agrément qu'ils procuraient. La monnaie, au contraire,
n'avait de prix que si on comptait la dépenser dans un délai rapproché.
Vers la fin du xne siècle cependant, en Flandre, la composition des
trésors semble évoluer. On y trouve moins d'objets d'orfèvrerie,
plus d'argent monnayé et de lingots. C'est ce qui permet aux églises
de prêter sous le couvert du mort-gage, et ce d'une manière intensive *.
Du moment où l'argent circulait sans cesse entre les mains d'admini
strateurs intelligents, tout en produisant de l'intérêt, il n'y avait plus
d'inconvénient .à ce que la moyenne des disponibilités fût considé
rable 2.
Les trésors des princes territoriaux nous offrent un spectacle iden
tique. Peut-être même de la transformation que nous venons de
signaler fournissent-ils des exemples plus nets.
Voici — première phase — le trésor du duc de Basse-Lotharingie,
Godefroid le Barbu. A la fin de sa vie il promet à l'abbaye de Saint-
Hubert, outre des terres, « in auro, argento variisque ornamentis,
censům mille librarum rerum mearum mobilium3» (1069-1070). Qu'il
s'agisse d'une évaluation en livres de la valeur d'objets précieux, la
suite du récit le prouve. Le fils du duc, Godefroid le Bossu, ne pou
vant, ni ne voulant ex

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