Morale et biologie - article ; n°1 ; vol.14, pg 249-263
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Description

L'année psychologique - Année 1907 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 249-263
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1907
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

F. Rauh
Morale et biologie
In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 249-263.
Citer ce document / Cite this document :
Rauh F. Morale et biologie. In: L'année psychologique. 1907 vol. 14. pp. 249-263.
doi : 10.3406/psy.1907.3743
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1907_num_14_1_3743VII
MORALE ET BIOLOGIE
Je considère comme des faits moraux les croyances qui con
sistent à attacher une valeur incommensurable à certaines
fins : fins sociales (telles la vie, la propriété, etc.), fins extra
sociales ou de civilisation (vérités religieuses, philosophiques,
scientifiques, etc. '). Je me demande si, et en quel sens, l'étude
des faits biologiques peut éclairer celle des faits moraux.
J'entendrai plus ordinairement sous ce nom les faits socialement
moraux, c'est-à-dire les croyances morales relatives à des fins
sociales.
Pour les partisans d'une morale biologique, les faits moraux
sont réductibles aux faits biologiques. Cela peut signifier que
la biologie et la morale sont identiques dans leur contenu. II
en serait ainsi si, par exemple, les croyances morales —
qu'elles en aient eu ou non conscience — avaient toujours
tendu plus ou moins à maintenir ou accroître la vitalité
physique de l'espèce humaine. Il en serait ainsi encore si
l'évolution des croyances morales continuait l'évolution bio
logique, si les sociétés humaines achevaient com
mencée par les animales : thèse moins hardie que la
première, puisqu'elle ne tranche pas la question de l'utilité
humaine de l'évolution. Mais la thèse biologique peut signifier
encore que les croyances morales suivent des lois analogues à
celles des espèces vivantes, par exemple qu'elles sont des moyens
dans la lutte des sociétés pour l'existence. La morale et la
biologie seraient alors assimilées seulement dans leur forme.
Si la question ainsi posée était résolue ou en voie d'être
résolue par des méthodes scientifiques, la morale serait désor-
i. Je ne présente cette distinction que comme un moyen commode de
classification, sans prétendre par là décider si ces deux types de fins et
de croyances sont réductibles l'un à l'autre. 250 MÉMOIRES ORIGINAUX
mais, non pas absolument — je vais dire pourquoi — mais pour
une grande part, biologique. S'il résultait clairement d'études
longuement et patiemment poursuivies que les croyances
morales acceptées par la moyenne de l'humanité dans le
cours de l'histoire, ont eu pour effet constant d'accroître ou de
maintenir la vitalité physiologique de l'espèce, tout esprit, si
peu détaché qu'il fût des religions et des métaphysiques, con
sulterait, dans la plupart des cas pour savoir son devoir, non sa
conscience, mais les tables de natalité^ ou de mortalité, ou les
livres de médecine. S'il était visible que l'évolution sociale
continue celle de la nature, que les espèces les dernières
venues sont aussi les plus sociables, nous serions sollicités à
chercher dans l'étude directe des sociétés animales des solu
tions aux problèmes sociaux humains. S'il apparaissait que
les croyances morales communes ont été un moyen de survie
sociale pour les sociétés qui les ont apportées au monde, ou
même l'humanité en général, il y aurait grande chance
de trouver la vérité morale dans l'étude des conditions de
survie sociale.
Moins grande, à vrai dire, qu'on ne pourrait croire, même
dans cette hypothèse, la plus favorable cependant à la morale
biologique. La loi de sélection naturelle appliquée aux sociétés
ne pourrait sans doute se vérifier que pour une très longue
période de l'histoire d'une société ou même de l'humanité, de
sorte qu'il serait impossible d'en tirer des conclusions pour le
peu de temps que nous avons à vivre, nous individus ou même
pour une période relativement courte de l'histoire sociale. Les
lois darwiniennes sont des lois d'ensemble, et il serait aussi
puéril d'en faire une application à chaque cas particulier que
de craindre la mort à quarante-cinq ans, selon la remarque de
M. Le Dantec, parce que telle est, pour l'âge que l'on a, la
moyenne de la longévité. Dès lors, pratiquement, nous serions
bien obligés de nous fier à nos croyances comme telles, et de
chercher pour les déterminer un autre critère que le critère
lointain de l'intérêt social. De même, si nous sentions le désir
de mourir pour un idéal, malgré l'évolution qui, dans son
ensemble, justifierait la vie, je crois que, provisoirement, nous
accepterions l'ordre de la conscience, quitte à plus tard en
découvrir l'accord avec les lois de la nature déjà établies. C'est
ainsi que le physicien ne rejette pas telle loi expérimentale
parce qu'il n'en peut encore établir l'équation mathématique,
ou qu'il.n'en voit pas bien la relation avec les expériences anlé- RA.UH. — MORALE ET BIOLOGIE 251 F.
rieures. C'est ainsi que Spencer, tout en croyant à l'identité
profonde de la justice, de l'intérêt social et de l'intérêt indivi
duel, pense que, pratiquement, actuellement, la justice doit
être notre fin, non l'intérêt quel qu'il soit. Car l'adaptation de
la conscience individuelle ou même sociale à l'évolution — d'où
il résulterait que l'accomplissement de la justice serait senti
comme un bonheur — n'est pas, ne sera jamais parfaite '. Pro
visoire éternel dont il faut bien nous accommoder. Toute att
itude contraire serait anti-scientifique, anti-expérimentale.
Malgré cette réserve essentielle, si nous apercevions très géné
ralement la correspondance des lois biologiques et morales,
nos croyances morales se plieraient aux lois biologiques ou de
forme biologique, dans la mesure où le présent serait assimi
lable au passé. Partout où nous le découvrons, Tordre expéri
mental s'impose à notre action, non seulement parce qu'il est
utile, mais parce qu'il est Tordre ; non quand la
totalité d'un phénomène s'y laisse réduire, mais lors même
qu'une partie de ce phénomène reste en dehors des prises de
la loi. Nous ne retiendrions donc de nos croyances actuelles
que ce qui nous en apparaîtrait, ou plutôt ce que nous y sen
tirions d'irréductiblement nouveau, quitte à laisser h nos
successeurs scientifiques le soin de trouver le biais par où ce
quelque chose d'irréductible se relie au déterminisme anté
rieurement établi. S'il était prouvé que l'humanité a accru sa
vitalité physique dans la mesure où elle a accepté le régime
individualiste de la propriété, certainement nous lutterions
contre toute tentative d'étatisation, sinon de socialisation. C'est
en somme de l'épreuve de la conscience au contact de la science
que résulterait notre décision définitive. Et cette science serait
dans l'espèce, avant tout, la biologie, ou une science objective
qui en reproduirait les formes.
Ainsi se résoudrait sans doute par une cote mal taillée entre
la biologie et la conscience le problème de la morale.
Mais les lois morales sont-elles, en fait, dans l'état actuel de
nos connaissances, réductibles à des lois biologiques ou de
forme biologique?
Parlons d'abord des théoriciens qui, comme Darwin, cher
chent à assimiler la morale et la biologie dans leur contenu, et
prenons comme exemple l'application à la morale de Thypo-
1. Il semble même que, d'après les principes de Spencer, l'adaptation
parfaite devrait aboutir à l'inconscience. 252 MÉMOIRES ORIGINAUX
thèse de la sélection naturelle. Ce que nous dirons vaudrait
pour l'hypothèse de la lutte pour la vie, de l'hérédité, etc.
Les croyances morales communes n'ont que très accidentel
lement contribué à maintenir ou promouvoir la vie physique
de l'humanité (remarquons au passage l'imprécision des
termes à laquelle on est réduit, quand on pose des problèmes
aussi vastes et aussi indéterminés). Il s'agit bien entendu de
montrer qu'en fait, les règles morales ont tendu au bien
physique de l'espèce. Il serait trop aisé de faire voir que
l'humanit

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