Moulin Raymonde, L artiste, l institution et le marché.  ; n°4 ; vol.35, pg 672-681
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Revue française de sociologie - Année 1994 - Volume 35 - Numéro 4 - Pages 672-681
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Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 41
Langue Français

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Claude Grignon
Moulin Raymonde, L'artiste, l'institution et le marché.
In: Revue française de sociologie. 1994, 35-4. pp. 672-681.
Citer ce document / Cite this document :
Grignon Claude. Moulin Raymonde, L'artiste, l'institution et le marché. In: Revue française de sociologie. 1994, 35-4. pp. 672-
681.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1994_num_35_4_4364Revue française de sociologie
Pour décrire les mécanismes qui profondant ainsi la pertinence des expé
riences pédagogiques relatées dans l'ou duisent la valeur artistique, R. Moulin
vrage, grâce à l'importance de l'offre de s'appuie sur la comparaison entre trois
lecture pour étudiants : collections spé types idéaux fortement contrastés, «l'art
cifiques créées par des éditeurs, biblio classé », « les tableaux à la douzaine » et
thèques universitaires et éventuellement «l'art contemporain international». Ces
librairies sur les campus. Autant qu'un types idéaux correspondent à la fois à
état des lieux sur les pratiques, le livre des figures abstraites, construites,
d'Emmanuel Fraisse est un appel à conformément au procédé weberien, par
l'action pour favoriser la lecture des étu variation imaginaire et accumulation de
diants qui restent de réels lecteurs, au traits fortement distinctifs, et à des cas
tant par nécessité que par plaisir, et historiquement réalisés et empirique
acquièrent à l'université les savoir-faire ment observables. Le premier de ces cas
indispensables à la familiarité de l'écrit. typiques, l'art classé, est à la fois le plus
ancien et le plus accompli et c'est lui,
Georges Felouzis en conséquence, qui sert de référence. Il
Université de Bordeaux II présente en effet au plus haut point l'e
nsemble des caractéristiques par les
quelles les biens artistiques et les
marchés sur lesquels ils sont négociés se
distinguent des autres biens et des autres Moulin (Raymonde). L'artiste,
marchés : la rareté des œuvres, dont l'ul'institution et le marché.
nicité confère au vendeur un monopole,
Paris, Flammarion, 1992, 423 p., 220 FF. y est maximum, à la fois parce que l'of
fre est définitivement limitée (aux réha
bilitations et découvertes près) et en L'intérêt de ce livre est double :
raison des destructions physiques et des d'une part, il présente une analyse très
retraits de la circulation opérés par les approfondie et très complète du marché
musées. On est donc ici dans l'ordre du de la peinture (plus généralement des rarissime : « La rareté du chef-d'œuvre arts plastiques) et du champ de product
unique du génie unique est la rareté la ion qui lui correspond; de l'autre, il plus rare et la plus chère, parmi les raconstitue, sur un sujet particulièrement
retés socialement désignées comme ardifficile, un modèle de ce que le socio
tistiques». Par ailleurs, le marché de logue peut et doit faire.
l'art classé est aussi celui «où s'exerce
La première partie, consacrée aux ce qu'on appelle communément le juge-
«mécanismes économiques et sociaux
de construction de la valeur de l'art»,
est une excellente illustration de ce (1) Sur la capacité à engendrer des des
qu'est, en sociologie, une description criptions comme critère de validité des théo
ries sociologiques, cf. M. Mauss : « Pour raisonnée, appelée et guidée par une ré
nous, la sociologie théorique se justifie avant flexion théorique mais non dogmatique,
tout par la valeur heuristique de ses docet de ce qui la distingue aussi bien de
trines ; elle se prouve parce qu'elle conduit la description sans concept, réduite à à l'analyse de plus en plus profonde de phévouloir tout enregistrer parce qu'elle n'a nomènes de plus en plus vastes. Le but c'est pas la moindre idée de ce qu'elle d'accroître le nombre des réalités connues. A
cherche, que de la pseudo-description, ce titre, la partie descriptive de nos sciences
qui voit d'avance ce qu'elle veut voir et a ses attraits très grands et très puissants, auss
ne retient comme significatifs que les i puissants que ceux de la botanique et de
faits, ou les illusions d'optique, qui don la zoologie », (Œuvres, t. 3, Cohésion sociale
et divisions de la sociologie, Paris, Ed. de nent raison à la doctrine spéculative
Minuit, 1969, p. 446). dont elle émane (1).
672 Les livres
ment de l'histoire» et où l'incertitude peintres pourvus d'une «identité d'ar
quant à la hiérarchie et à la qualité des tiste fictive ». Dépourvues de culture ar
œuvres est la moins grande. tistique, et a fortiori de familiarité avec
l'art, les clientèles potentielles de ces C'est en observant les ressemblances « faiseurs de tableaux » peuvent seulequi les rapprochent et les écarts qui les ment manifester une « bonne volonté séparent de cet archétype que R. Moulin culturelle» orientée vers une idée naïve isole et définit les autres variétés du
et attardée de l'œuvre et de l'artiste. Et marché de l'art. L'art contemporain i pourtant «le commerce de ces tableaux nternational mais aussi le marché des t
qui envahissent les magasins d'encadreableaux « infra-artistiques » appartiennent
ment, les grands et les marbien à la même espèce : ils ont en
chés, les hôtels et les lieux touristiques commun entre eux et avec l'art classé
n'est pas réductible à celui des bibelots d'être internationaux et de commercialis de bazar ou des souvenirs de pacotille. er des œuvres uniques, signées, exécu
Le procès de constitution de la valeur tées à la main et originales, toutes artistique y est d'ores et déjà en jeu». caractéristiques qui les «éloignent de Ce monde sous un monde est à lui seul l'univers des biens ordinaires». Le mar
tout un monde, diversifié, segmenté et ché de l'art contemporain international hiérarchisé : il faut distinguer entre le se distingue du marché de l'art classé
«niveau le plus bas, celui des calenpar une offre «potentiellement indéfi driers des postes 'faits main' » produits nie» et par une incertitude beaucoup dans les ateliers-manufactures du Sud- plus grande quant à l'estimation de la
Est asiatique ou du Canada, et celui du valeur artistique des œuvres, ce qui ex peintre de Montmartre, dont la main plique qu'en dépit des changements,
n'est déjà plus «celle de n'importe considérables, qui sont intervenus de qui». En dépit de «l'unanimité des acpuis les impressionnistes, les stratégies teurs culturels» qui le rejettent «en dequi s'y déploient consistent toujours «à
hors du monde de l'art», il n'existe pas créer artificiellement des conditions se de rupture radicale « entre le marché des rapprochant de celles qui sont données 'chromos' et le segment du de d'emblée dans le marché de l'art an
l'art où sont commercialisés les tableaux cien», et d'abord à fixer l'offre. des peintres figuratifs de tradition fran
Dans le « marché des tableaux à la çaise». Ce qui est socialement désigné
douzaine» où se négocient «les formes et dévalorisé comme copie dévoile la vé
les plus humbles de la production pic rité de ce qui est réputé authentique ; de
turale», les prix sont au plus bas et la ce point de vue, le «niveau le plus mo
rareté minimum. Le réalisme sociologi deste de la production picturale » est aux
que oblige ici à décrire cet univers « in niveaux supérieurs ce que les cultes pri
fra-artistique » par défaut, en termes mitifs sont, d'après Durkheim, aux rel
négatifs et sur le mode du « comme si », igions complexes: «L'accessoire, le
comme un sous-marché, voire un secondaire, les développements de luxe
pseudo-marché. Les « tableaux à la dou ne sont pas encore venus cacher le prin
zaine» sont vendus comme des origi cipal» (2). La grossièreté des procédés
naux, la signature de l'artiste - en fait auxquels le consommateur de chromos
un chef d'atelier - garantissant seule (plaisamment qualifié de « souverain »
ment qu'ils ont été exécutés à la main par R. Moulin) se laisse prendre éclaire
et non

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