Mûthos, logos et histoire. Usages du passé héroïque dans la rhétorique grecque - article ; n°147 ; vol.38, pg 127-149
24 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Mûthos, logos et histoire. Usages du passé héroïque dans la rhétorique grecque - article ; n°147 ; vol.38, pg 127-149

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
24 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1998 - Volume 38 - Numéro 147 - Pages 127-149
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Claude Calame
Mûthos, logos et histoire. Usages du passé héroïque dans la
rhétorique grecque
In: L'Homme, 1998, tome 38 n°147. pp. 127-149.
Citer ce document / Cite this document :
Calame Claude. Mûthos, logos et histoire. Usages du passé héroïque dans la rhétorique grecque. In: L'Homme, 1998, tome 38
n°147. pp. 127-149.
doi : 10.3406/hom.1998.370508
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1998_num_38_147_370508logos et histoire y
Usages du passé héroïque
dans la rhétorique grecque
Claude Calarme
I ndéfectiblement accroché aux Alpes, l'Helvète historien et anthropo
logue ne saurait rester insensible aux profondes transformations que la réa
lité montagnarde a subies dès la fin du XVIIF siècle. La mutation touche
naturellement la base productive de sociétés et de cultures partageant leur
économie entre autarcie et revenus commerciaux provenant du passage des
cols. Mais elle affecte aussi profondément la représentation de la mont
agne dont ces communautés tirent leurs revenus, une montagne que s'a
pproprient peu à peu les citadins qui viennent y chercher des impressions
fortes ou qui en font un objet d'étude savante. Aspirations esthétiques et
intérêts érudits se combinent donc pour donner des Alpes une image
entièrement nouvelle, partagée entre l'idylle romantique de la vie saine sur
l'alpage et les bouleversements géologiques qui en animent le cadre gran
diose et sublime. Cette représentation symbolique complexe imprègne
encore bien des cartes postales et des prospectus édités pour attirer les tour
istes dans les stations alpines de sport d'hiver ou d'été1.
Le XIXe siècle est aussi le moment où, avec les grandes premières alpines,
on dénomme les contours des montagnes ; jusque-là elles n'étaient dési-
1 . Pour privilégier quelques exemples lausannois, on citera ici les études de C. Reichler, « Science et ^2 </)
sublime dans la découverte des Alpes », Revue de géographie alpine., 1994, 82. 3 : 1 1-29, ou de M. Kilani, ^5
« Les images de la montagne au passé et au présent. L'exemple des Alpes valaisannes », Archives suisses des Co
traditions populaires, 1984, 1 : 27-55, repris dans L'invention de l'autre. Essai sur le discours anthropolo- ™J
gicjue, Lausanne, Payot, 1994 : 137-165. Voir aussi les ouvrages de R. Jentzen, Montagne et symboles, OX
Lyon, Presses universitaires, 1988, de J.-P. Bozonnet, Des monts et des mythes. L'imaginaire social de la mon- g~
tagne, Grenoble, Presses universitaires, 1992, ainsi que les textes réunis dans Histoire des Alpes, 1996, 1. |jj
Cette étude a bénéficié d'un double dialogue avec Marie-Jeanne Borel et David Bouvier ; à tous deux je Q
tiens à exprimer ma reconnaissance pour l'intérêt témoigné à l'égard de la présente recherche. De plus, ^^
elle a fait l'objet, dans une version abrégée et anglophone, d'une communication au colloque organisé en |».
juillet 1996 par Richard Buxton à l'Université de Bristol sous le titre « Myth into logos ? » SUJ
L'HOMME 147/ 1998, pp. 127 à 149 gnées que dans leur ensemble, par des noms génériques : Mont-Blanc,
Dent Blanche, Dents Blanches, Cime Bianche, Weisshorn, etc. Parcourue
pour la première fois en 1864 par Lord Leslie Stephen, le père de Virginia
Woolf, la célèbre et aérienne arête nord du Rothorn de Zinal est imméd
iatement soumise à un processus de dénomination qui en distingue les
points marquants : l'Arête du Blanc, l'Épaule, le Gendarme du Déjeuner,
le Rasoir, le Sphinx, la Bourrique, la Bosse, avant d'atteindre le sommet
qui domine le Kanzel, le promontoire de la Chaire. Ne se limitant pas à
désigner par différents procédés métaphoriques la morphologie de la mont
agne, non contents de marquer le partage linguistique réel entre Val
d'Anniviers et Vallée de Zermatt, certains de ces noms renvoient aussi aux
étapes et aux procédures d'un itinéraire. À travers sa dénomination, la
montagne non seulement devient la représentation d'un espace, mais elle
formule aussi, à travers une succession de noms en forme de scénario, une
invitation à la gravir. Sa « mise en discours », selon un ordre de succession
que les guides alpins transforment en narration et en mode d'emploi, l'ins
crit dans un univers de croyance relevant de l'idéologique, certes, mais
également de la pratique sociale. Comme en Grèce ancienne, la montagne
moderne est aussi une construction symbolique2.
Que signifient mûthos et logos ?
Les Alpes ne sont-elles dès lors qu'un mythe ? C'est ce que, de manière
péremptoire, tend à affirmer une étude récente. Mais son auteur, Bernard
Crettaz, ne s'est pas rendu compte que seule l'attitude distante et critique
qu'il adopte vis-à-vis des images traditionnelles de la montagne est sus
ceptible de fonder son affirmation ; il n'a pas vu que, pour être en effet des
constructions en grande partie fictionnelles, qui n'ont guère de réalité que
dans la représentation que l'on s'en fait, les Alpes continuent néanmoins
d'exercer sur les peuples qui y vivent et qui en tirent leur revenu un effet
idéologique aussi vivace qu'actif3. Sans doute, en tant que constructions
et manifestations symboliques à partir d'une réalité géologique et d'un
écosystème empirique donnés, à aussi d'une réalité économique et
2. La description morphologique et pratique du Rothorn de Zinal est donnée par M. Brandt, Alpes
valaisannes III. Du Col Collón au Theodulpass, Lausanne, Club Alpin Suisse, 1986 : 307-309. Pour les
usages symboliques de la montagne par les Grecs, je renvoie naturellement aux réflexions de R. Buxton,
Imaginary Greece. The Contexts of Mythology, Cambridge, Cambridge University Press, 1994 : 81-96.
3. B. Crettaz, La beauté du reste. Confession d'un conservateur de musée sur la perfection et l'enfermement
de la Suisse et des Alpes, Genève, Zoé, 1993 : 151-187, qui se demande en particulier : « De même qu'on
a parlé à partir du XIXe siècle de "L'invention des Alpes", devrait-on parler aujourd'hui de "La fin des
Alpes inventées" ainsi que d'un retour à des périphéries mélangées de montagne et d'autres régions éc
onomiques avec leur destin propre ?» ; le succès politique remporté il y a cinq ans par l'initiative popul
aire dite « des Alpes » a apporté à lui seul un cinglant démenti à ce pessimisme !
Claude Caíame sociale précise, les Alpes méritent-elles d'entrer dans la catégorie floue du
mythe, ou plutôt dans celle plus large de la configuration mythique ; mais
ce à la condition expresse de considérer le mythe comme une notion de la ' *'
pensée anthropologique occidentale moderne et de saisir les manifestat
ions symboliques que l'on pense légitime de qualifier par ce terme dans
le contexte de la culture et des pratiques sociales où elles sont actives. Pour
la société indigène, les manifestations en général narratives et discursives
que nous appréhendons comme mythes, dans une perspective d'érudition
académique distante, ne répondent précisément pas au critère à nos yeux
déterminant : celui de l'absence de valeur de vérité empirique !
Mais comment donc une configuration mythique focalisée sur les
Alpes, avec ses représentations, ses récits, ses manifestations picturales, ses
modes d'emploi a-t-elle pu naître à l'aube du romantisme pour se déve
lopper en pleine époque scientiste, quand ceux-là mêmes qui découvraient
et recréaient la montagne pour l'offrir à notre regard étaient mus par l'in
térêt de l'observation empirique et du classement scientifique ? Déjà au
XVlir siècle Horace Benedict de Saussure, puis au XIXe Louis Agassiz ou
Marc-Théodore Bourrit - physiciens, géologues et naturalistes des Alpes —
ont-ils été à leur insu les otages d'un accident du développement continu
censé conduire les Grecs puis leurs successeurs européens des obscurs
balbutiements de la pensée théologique des primitifs aux lumières de la
raison occidentale ? Ont-ils été les victimes d'un étrange et tardif retour
du mûthos sur le logos ?
Sans revenir sur un itinéraire déjà parcouru et balisé, c'est ici le li

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents